◆ Le respect des normes prudentielles et la rentabilité se heurtent aux besoins de financement exprimés par les entreprises marocaines.
◆ BAM déterminée à veiller à la transmission de ses décisions à l’économie réelle.
Par D. William
Le principe de solidarité aura fortement prévalu durant la gestion de la pandémie covid-19. Une solidarité sur tous les plans, mais particulièrement sur les volets économique et financier où il a fallu trouver les mécanismes nécessaires pour soutenir une économie moribonde. Les acteurs financiers, particulièrement les banques, se sont montrés coopératifs, conformément à leur mission de financeurs de l’économie. Il faut cependant dire qu’on leur a royalement balisé le terrain.
D’un côté, le Comité de veille économique (CVE) leur a mâché le travail, grâce notamment à une panoplie d’outils de garantie mis en place à travers la Caisse centrale de garantie (CCG). D’un autre côté, le 16 juin courant, Bank Al-Maghrib a complété le dispositif en réduisant de 50 points de base le taux directeur, pour le ramener à 1,5%, après une première baisse de 25 points de base décidée en mars dernier.
Mieux encore, la Banque centrale a pris l’initiative de libérer intégralement le compte de réserve au profit des banques, ce qui leur permet de disposer d’un matelas financier de 10 milliards de dirhams pour booster l’offre des crédits.
Tensions apaisées ?
Toutes ces mesures devraient permettre aux entreprises d’avoir un accès plus facile aux crédits, surtout dans ce contexte où elles sont malmenées par la crise. Sauf qu’en face, quels que soient les mécanismes déployés, les établissements bancaires, qui brandissent volontiers le fait qu’ils ne sont pas des structures de bienfaisance, ont un double impératif : le respect des normes prudentielles et la rentabilité.
Ce double impératif s’est toujours fortement heurté aux besoins de financement exprimés par les entreprises marocaines. Encore davantage dans cette période de crise où elles redoutent l’explosion des créances en souffrance. D’où les tensions permanentes.
Rappelons-nous d’ailleurs la passe d’armes virulente entre la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) en mars dernier.
Le président du patronat, Chakib Alj, dénonçait en gros le fossé existant entre le discours officiel du GPBM visant à accompagner les entreprises pour sortir de cette crise exceptionnelle, et les pratiques bancaires sur le terrain, donnant, entre autres, l’exemple des taux de refinancement des importations qui sont parfois passés de 1,5% à 3,5%.
Et ce, alors que BAM a réduit son taux de base et les taux de base sur le Dollar et l’Euro étaient à des niveaux historiquement bas. La CGEM reprochait aux banques de ne pas jouer le jeu.
Des propos qui ont suscité l’ire de Othman Benjelloun et Mohamed El Kettani, respectivement président et vice-président délégué du GPBM, et qu’ils estiment ne pas être «à la hauteur de la responsabilité nationale que nous devons tous assumer dans la sérénité et la concertation dans cette crise sanitaire mondiale que traverse notre pays».
Les tensions se sont-elles apaisées avec le temps ? Difficile de le dire. En tout cas, du côté de la Banque centrale, on tient à la transmission de la politique monétaire.
BAM restant convaincue que ses nouvelles décisions prises en juin, auxquelles s’ajoutent l’élargissement du collatéral éligible à ses opérations de refinancement, le renforcement de ses programmes non conventionnels, ainsi que l’allègement temporaire des règles prudentielles, devraient contribuer, avec celles prises par le CVE, à atténuer l’impact de la crise et soutenir la relance de l’économie et de l’emploi.
Dès lors, BAM a averti qu’elle «veillera, plus que par le passé, à la transmission de ses décisions à l’économie réelle et fera le point régulièrement à ce sujet avec le plus haut management du système bancaire». Les prochains mois nous éclaireront sur les répercussions de ses décisions sur l’économie.
Mais d’ores et déjà, les chiffres au premier trimestre montrent que les taux débiteurs ont diminué de 4 points de base à 4,87%, tirés, selon BAM, par le repli des taux assortissant les prêts aux entreprises privées.
«Cette baisse devrait se poursuivre au regard en particulier de la mise en place de dispositifs de garantie pour le financement de la relance au taux directeur majoré d’un maximum de 200 points de base», prévoit la Banque centrale.
Par ailleurs, le crédit au secteur non financier s’est amélioré avec une augmentation de 6,7% à fin avril. Il découle notamment de l’accélération du rythme des prêts accordés aux entreprises non financières privées à 11,4%.
«Malgré la contraction de l’activité prévue cette année, son évolution resterait positive, avec une croissance de 1,9% en 2020 et de 2,6% en 2021, grâce aux différentes actions d’appui à la relance économique et aux mesures d’assouplissement de la Banque», estime Bank Al-Maghrib.