Alliances développement immobilier veut émettre de nouvelles ORA 2015 pour remplacer celles de 2012, qui arrivent à échéance le 31 août 2015, et réserve cette nouvelle émission exclusivement aux détenteurs d’ORA 2012.
Une manoeuvre qui a pour but essentiel de ne pas procéder à l’augmentation de capital programmée, afin de ne pas diluer l’actionnariat des majoritaires. Les petits porteurs d’ORA 2012 montent au créneau.
Le mois de juillet s’annonce crucial pour Alliances développement immobilier. Déjà mal en point depuis quelques mois à cause des déboires de sa filiale bâtiment EMT, de ses pertes vertigineuses au niveau de son résultat net (1 milliard de dirhams), d’un cours boursier en chute de -73% depuis le début de l’année, et des tensions avec certains salariés du groupe, la société dirigée par Mohamed Alami Lazrak est sur le point de vivre 2 assemblées générales bien mouvementées : une Assemblée de porteurs d’obligations remboursables en actions le 24 juillet 2015 à 10 heures, et une Assemblée générale mixte des actionnaires le même jour à 11h. Autant dire que les administrateurs d’Alliances devront avoir le don d’ubiquité pour assister aux deux assemblées.
ORA 2015 contre ORA 2012
L’Assemblée générale des porteurs d’obligations remboursables en actions (ORA) revêt un caractère particulièrement important pour le groupe immobilier. Dans l’avis de convocation, qui avait initialement retenu la date du 17 juillet avant de se raviser pour cause de fêtes religieuses, la cinquième résolution fait réagir les petits porteurs et les détenteurs des ORA émises en 2012. Cette cinquième résolution stipule, en effet, que l’Assemblée générale extraordinaire «décide de supprimer le droit préférentiel de souscription réservé aux actionnaires en relation avec l’émission de l’emprunt obligataire remboursable en actions 2015, et d’attribuer en totalité le droit de souscription aux ORA 2015 aux détenteurs d’ORA 2012». Autrement dit, Alliances veut émettre de nouvelles ORA 2015 pour remplacer celles de 2012, qui arrivent à échéance le 31 août 2015, et réserve cette nouvelle émission exclusivement aux détenteurs d’ORA 2012. Alliances précise que ce nouvel emprunt obligataire remboursable en actions porte sur un montant global maximum d’1 milliard de dirhams, divisé en un nombre maximum de 10 millions d’obligations remboursables en actions d’une valeur nominale de 100 dirhams, et d’une maturité de 3 ans.
On peut remarquer que cette émission qui exclut les actionnaires, va à l’encontre de la loi sur les sociétés anonymes, notamment dans son article 189, qui stipule que «les actionnaires ont un droit de préférence à la souscription des actions nouvelles de numéraire, proportionnellement au nombre d'actions qu'ils possèdent».
Ne pas diluerl’actionnariat
Au delà de ce point juridique, les petits porteurs d’ORA 2012 s’insurgent contre cette résolution. Ils relèvent que la note d’informations relative à l’ORA 2012 stipulait à l’époque que «les obligations remboursables en actions se distinguent des obligations convertibles en actions en ce qu’elles ne comportent pas d’option de remboursement en numéraire. Elles sont exclusivement remboursables en actions». Ainsi, l’ORA ne peut avoir comme issue que l’augmentation de capital, ce qu’Alliances n’est manifestement pas disposée à faire.
Les raisons d’une telle résolution de la part du groupe immobilier sont à chercher du côté du risque de dilution de l’actionnariat majoritaire au cas où l’augmentation de capital aurait bien lieu à échéance de l’ORA 2012. Dans les conditions actuelles du cours de Bourse d'Alliances développement immobilier (74 dirhams, soit son plus bas historique et bien en dessous de la valeur nominale de l’action), le risque de dilution est bien réel. Selon les simulations de Flm.ma, site financier spécialisé, «si le remboursement se déroulait demain, le pourcentage de contrôle d’Alami Lazrak passerait de 58% à 30%, avec de nouveaux invités (masse ORA 2012), détenant 48% du capital». Autant dire que la structure actionnariale serait profondément chamboulée, et que Alami Lazrak risquerait de perdre le contrôle de la société.
Toujours est-il que rien n’indique que l’opération d’échange des ORA 2012 en ORA 2015 sera suivie par les détenteurs d’ORA 2012. En effet, ces derniers ne sont pas tenus de répondre favorablement à l’échange, lequel reste en effet facultatif. Et la communauté des petits porteurs d’ORA 2012, réunis sur le forum Bourse Maroc, laisse entendre clairement son refus de procéder à l’échange et son droit, conformément à la note d’information de 2012, de demander la conversion de leurs obligations en actions.
La question qui se pose est de savoir ce qui se passerait si l’échange était rejeté par les ORA 2012 ? Le flou le plus total persiste et vient s’ajouter à d’autres zones d’ombre qui laissent plus d’un perplexes. Récemment, le Conseil d’administration d’Alliances a été modifié suite à la démission surprise de la CIMR (Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite), représentée par son PDG Khalid Cheddadi, et de la MAMDA (représentée par Hicham Belmrah). Ils ont été remplacés par 2 administrateurs indépendants, Bertrand Julien-Laferrière et Marc Lamy. Ce remaniement intervenu sans explications de la part du groupe immobilier cacherait, à en croire l’Agence Ecofin, des désaccords sur l’ORA. Ce flou est d’autant plus entretenu que le plan de restructuration, qui doit permettre au groupe immobilier de renégocier sa dette avec les créanciers, tarde à voir le jour.
Dans tous les cas, cet épisode appelle à une réflexion plus large sur les maux qui frappent le marché financier marocain. La question de la confiance perdue est régulièrement évoquée, à longueur de colonnes, comme étant le principal responsable de l’atonie du marché boursier. Or, dans ce cas précis, nous sommes typiquement en présence du genre d’opérations qui entament la confiance des investisseurs, et, en particuliers celles des petits porteurs : on s’engage sur la base d’une note d’information, mais les règles du jeu changent en cours de parcours.
A. Elkadiri