La 5ème édition du Forum Euromed-Capital a jeté la lumière sur l’importance du partage de croissance et du capital investissement pour l’entreprise, en particulier la PME. Le rôle du gouvernement ne doit pas se limiter au facilitateur ou de législateur, mais aussi de partenaire et aider sérieusement le développement de l’investissement privé.
Le partage de la croissance économique était au coeur du débat du 5ème Forum Euromed-Capial organisé récemment dans la capitale économique. Ce rendez-vous entre investisseurs et entrepreneurs, des deux rives de la Méditerranée, traite des moyens d’action à mettre à la disposition des entreprises pour permettre à une large frange de la population de bénéficier des fruits de la croissance économique. La question de la croissance n’est-elle pas dépassée ? Pas vraiment, si l’on passe en revue les taux alarmants du chômage des diplômés, un signal fort que la richesse ne profite pas à toutes les catégories. Etant donné la pertinence de la thématique et le choix des intervenants, pour ne citer que Jean-Pierre Raffarin, président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées au Sénat français (ex Premier ministre), Jaloul Ayed, ancien ministre des Finances en Tunisie, Mohamed El Kettani, PDG d’Attijariwafa bank, le Forum a fait salle comble, avec un bel auditoire. L’édition 2016 du Forum est résolument orientée vers le continent africain, avec pour sujets de réflexion l’internationalisation des entreprises et le rôle du «private equity» dans la création d’emplois et de la finance inclusive comme vecteur de croissance.
En l’absence d’une croissance inclusive…
Le partage de croissance économique prend la forme d’alliances inter pays ou interentreprises, avec comme toile de fond, la distribution des richesses et des revenus issus des investissements. Dans son allocution, J. P. Raffarin rappelle qu’il n’y a pas d’avenir dans la fermeture et dans le repli sur soi-même. Il insiste à cet égard sur le partage de la croissance en amont par le biais des projets d’investissements, de l’innovation et des nouvelles technologies. Toutefois, en l’absence d’un dynamisme continu et durable, une répartition équitable s’avère difficile, voire utopique. «Il faut créer de la richesse et faire en sorte que tous les acteurs puissent y contribuer tout en favorisant un partenariat gagnant-gagnant», plaide-t-il sur un ton ferme. Et d’ajouter : «Aujourd’hui, on partage l’influence politique (ONU), mais il faut aussi répartir l’influence économique (OMC) et certains traités partenariaux entre les différents pays ou les continents. Il faut chercher l’équilibre parce que le codéveloppement est l’avenir». L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac revient sur le positionnement du Maroc. Il considère que le Royaume jouit d’une stratégie d’ouverture empreinte de bonnes relations avec l’Europe et l’Afrique. La volonté de coopération est bien visible, allusion faite aux multiples déplacements du Souverain et des fortes délégations économiques en Afrique. Toutefois, l’implication de l’Europe et d’autres pays africains dans la réalisation de la croissance économique reste conditionnée par l’élaboration d’une vision commune basée sur l’achèvement des réformes dans les pays du continent.
Pour sa part, Jaloul Ayed, ancien ministre des Finances en Tunisie, revient sur la problématique du chômage des jeunes diplômés, qui prouve que cette catégorie est exclue du processus de croissance économique. «Le Printemps arabe n’a pas pu éradiquer le chômage des diplômés dans les pays qui ont connu la révolution», illustre-t-il. Depuis le soulèvement, la croissance du PNB en Tunisie n’a pas dépassé 2% et le problème du chômage des jeunes persiste et menace aujourd'hui encore le fragile équilibre de ce pays voisin. Après la révolution, 450.000 diplômés universitaires tunisiens sont sur les bancs des chômeurs. Un retour à la case départ ! Vaille que vaille, le pays a besoin d’un modèle de croissance basé sur l’offre et l’investissement, dans toutes ses formes, afin de créer des richesses et de l’emploi.
J. Ayed n’y va pas par quatre chemins. Selon lui, il faut mettre en oeuvre une formulation de politique adaptée aux besoins des PME, leur permettant d’investir plus. La problématique des PME ne se cantonne pas à l’accès au financement bancaire, mais surtout aux fonds propres. «Conformément au principe de l’orthodoxie financière, une PME pauvre en fonds propres ne peut pas accéder au crédit bancaire», assure-t-il. D’où la nécessité de développer un marché de fonds propres (développement, transmission…) qui répond aux besoins spécifiques de cette catégorie d’entreprises. Il s’intéresse à la PME parce que malgré sa taille réduite, elle emploie 70% de la main-d’oeuvre. Aussi, le rôle du gouvernement ne doit-il pas se limiter à celui de facilitateur ou de législateur, mais aussi de partenaire et aider de manière importante le développement de l’investissement privé.
Partant de ce principe, il est à rappeler que l’intégration maghrébine constitue un énorme manque à gagner pour les pays de la région. Aujourd’hui, ces derniers ont tous besoin d’une croissance économique à même de créer plus d’emplois en surmontant les inégalités.
Témoignage de Mohamed El Kettani
Pour le PDG d’Attijariwafa bank, ce partage de croissance économique, la banque le vit chaque jour en tant qu’investisseur, en mettant à la disposition des autres pays africains, son savoir-faire, en l’occurrence celui lié à la banque de détail. «En matière de distribution de crédits, nos filiales africaines affichent des taux de croissance à deux chiffres et ce, malgré les problèmes politiques existants», explique-t-il. A ce titre, il trouve que le spread appliqué au risque africain n’est pas justifié dans la mesure où la croissance à deux chiffres vient des investissements de la banque dans ce continent. Il est tout à fait conscient que l’enjeu de demain est de donner de l’emploi à ces milliers de jeunes qui se pointeront. Il est aussi conscient que la problématique de la PME africaine est d’abord celle des fonds propres et ensuite d’accès au crédit bancaire. Il recommande de développer nos ressources en interne et de créer un marché de fonds d’investissement spécialement conçu pour répondre à leurs besoins.