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Un Ouroboros dans les projections de l’inflation au Maroc

Un Ouroboros dans les projections de l’inflation au Maroc

En ces temps de vie chère, l'aptitude à façonner les anticipations des Marocains est d'une importance cruciale pour la transmission du durcissement monétaire, dont l’effectivité repose notamment sur les canaux de communication empruntés par Bank Al-Maghrib.

Dans cette perspective, BAM communique régulièrement ses projections d’inflation à moyen terme qui, en plus d’être à l’appui des décisions concernant le taux directeur, offrent un repère aux anticipations des agents économiques quant au cours futur du niveau général des prix. En principe, ces projections se basent sur des hypothèses qui tiennent compte de toute l’information disponible au moment de leur élaboration.

À ce propos, et en se référant au dernier rapport en date sur la politique monétaire, publié le 20 décembre 2022, le scénario central des projections d’inflation la situe autour de 3,9% en moyenne en 2023, avant de rebondir à 4,2% en 2024. Ce rebond s’expliquerait, selon le même rapport, par la décompensation du gaz et du sucre annoncée dans la programmation budgétaire pluriannuelle du Ministère de l’Économie et des Finances.

Ce scénario d’une inflation élevée à moyen terme a été maintenu à l’issue de la réunion du conseil de BAM au titre du premier trimestre de 2023. Quoique le rapport sur la politique monétaire qui en présente les hypothèses adjacentes n’a pas (encore) été publié. En tout cas, c’est ce que laisse entendre le communiqué de presse apparu, disparu puis réapparu sur le site web de BAM et qui évoque allusivement une inflation qui ressortirait à 5,5% en 2023 et à 3,9% en 2024.

Toutefois et à bien y regarder, il suffit de lire le texte du programme triennal 2023-2025 du budget général de l’État pour s’apercevoir que le scénario de la baisse des dépenses de compensation est élaboré sous l’hypothèse conditionnelle d’une inflation ramenée à 2% en 2024. Le fait est que les projections de BAM intègrent l’hypothèse d’une décompensation prévue en 2024, avec une hausse conséquente des prix des biens subventionnés, à même de maintenir le taux d’inflation à des niveaux relativement élevés. Alors même que l’entame du programme de décompensation du Gaz et du sucre est conditionnée par le retour à une inflation modérée. Le scénario d’inflation, tel qu’élaboré par BAM, souffre donc d’un biais d’endogénéité, puisqu’il se base sur les projections du MEF qui, à leur tour, s’appuient sur un scénario d’inflation différent.

Il suffit de le dire pour en réaliser le sens, ou le non-sens : l’inflation sera élevée en 2024, car le gouvernement consent à décompenser si l’inflation s’avère maitrisée durant la même année. En d’autres termes, BAM prévoit une inflation élevée du fait que l’exécutif prévoit une inflation modérée. Pire encore, BAM réagit à cet effet.

Il est vrai que toute décision concernant le taux directeur ne saurait être répercutée sur le niveau des prix qu’en résonance avec les valeurs anticipées du taux d’inflation. Or, la formation des anticipations d’inflation, en tant que processus cognitif rationnel et complexe, est sujette, du moins en partie, à la perception qu’ont les acteurs économiques des projections communiquées par BAM. Malheureusement, ce qu’on en perçoit aujourd’hui ressemble terriblement à un Ouroboros. L’image y est débordante, la symbolique aussi.

 

Hachimi Alaoui

 

 

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