Le Trésor bénéficie d’une situation confortable et dispose de plus de latitude, comme en témoignent ses niveaux de placement.
Les taux courts du marché primaire se stabilisent de semaine en semaine.
La LCM est une carte à jouer en cas de dérapage budgétaire.
Par Y. Seddik
Les conditions de financement de l’État en 2022 ont été pour le moins difficiles. La hausse de ses besoins à cause de l’inflation, le relèvement des rentabilités exigées par les investisseurs et le resserrement de la politique monétaire ont réduit les marges du Trésor sur le marché de la dette et ont parfois conduit à un blocage, l’empêchant de se financer pendant quelques semaines. Cette année, le Trésor a décidé de prendre les choses en main pour éviter les écueils de financement vécus l’année dernière. Dès janvier, il a agi sur la courbe des taux pour corriger la pentification et dénouer enfin le blocage qui a perduré depuis des mois.
Ce même mois, le Trésor a levé quelque 40 milliards de DH (Vs un besoin prévisionnel de 22 Mds de DH) en perspective des prochaines tombées. Puis, Bank Al-Maghrib est intervenue en lançant un programme de rachats de titres de maturités courtes sur le marché secondaire de 25 milliards de DH, dont 16 milliards consommés. Le but de ces interventions a été de permettre aux banques de réduire leur exposition en BDT et de leur offrir ainsi des marges pour en acquérir de nouveaux sur le marché primaire. Mais force est de constater que depuis un mois, ce mécanisme est boudé par les opérateurs qui ont cessé de vendre des titres à la Banque centrale.
Une bonne nouvelle qui montre que le souci de la liquidité du marché primaire des bons du Trésor est derrière nous. Outre les émissions à taux révisables, le Trésor a également lancé des opérations d’échange de titres pour consolider la détente du marché obligataire et lisser l’échéancier de la dette intérieure en réduisant le pic de remboursement. La sortie internationale, quant à elle, n’a pas tardé.
À peine sorti de la liste grise, le Maroc a réalisé une levée Eurobond de 2,5 milliards de dollars après deux années d’absence. De quoi apaiser les tensions sur le marché domestique de la dette. Cette émission s'est opérée avec des spreads relativement attractifs par rapport aux pays émergents, bénéficiant d'un taux de sursouscription de plus de 4,5 fois. Fallait-il en profiter pour lever plus ? Auprès du ministère des Finances, l'on avance que l'État souhaite garder un montant de remboursement soutenable à échéance et préserver une marge aux autres sources de financement, notamment les tirages bilatéraux, afin de respecter le plafond de dette fixé dans la Loi de Finances.
Les efforts fournis en ce début d’année ont donc porté leurs fruits : le Trésor est dans une situation financière relativement confortable, a plus de visibilité sur le remboursement des tombées qui avoisinent les 50 Mds de DH pour les mois de mars et avril, et exerce moins de pressions haussières sur les taux. D’ailleurs, les taux courts du marché primaire se stabilisent de semaine en semaine, en attendant un comportement similaire sur les maturités longues.
La situation confortable du Trésor se reflète aussi sur ses placements des excédents sur le marché monétaire qui se sont maintenus à des niveaux élevés, dépassant parfois les 50 milliards de DH. Le Trésor a une autre carte à jouer en cas de dérapage budgétaire. Il s’agit de la ligne de crédit modulable que le Maroc vient de solliciter auprès du FMI pour un montant de 5 milliards de dollars et qui peut servir d'amortisseur en cas de choc. «Ce mécanisme de financement est réputé pour sa souplesse et assure aux pays admissibles l'accès immédiat à un montant élevé de ressources du FMI sans conditionnalité continue», avait expliqué Abdellatif Jouahri lors du point de presse à l'issue de la 4ème et dernière réunion trimestrielle de 2022 de BAM.
Le Trésor peut également compter sur l'effet de saisonnalité, le mois de mars étant un mois de recettes par excellence avec l'encaissement des acomptes de l'IS. Ces éléments font que pour l’heure, le marché s'attend à une accalmie sur les taux obligataires. Reste à savoir si cette dernière est durable ou passagère. Ceci dépendra principalement de la trajectoire de la politique monétaire restrictive de BAM, qui tient son premier Conseil de 2023 dans une semaine.