L’avènement du statut de l’auto-entrepreneur, consacré par une nouvelle loi, constitue incontestablement une réponse aux multiples problématiques auxquelles sont confrontés les micro-entreprises et les travailleurs indépendants.
Les multiples études nationales et internationales sont unanimes sur l’impératif de résorber le chômage endémique des jeunes et la nécessité de réduire substantiellement l’importante part de l’informel dans l’économie nationale. Ces deux enjeux de taille ont quelque part, présidé à l’avènement du projet de loi 114.13 relatif au statut de l’auto-entrepreneur, récemment adopté par la Chambre des représentants. Cet arsenal juridique, qui fait la part belle à l’activité professionnelle et au travail indépendant, a comme épine dorsale les mesures incitatives d’un point de vue fiscal et juridique. L’objectif majeur étant d’intégrer les entrepreneurs indépendants dans le circuit légal avec tous les avantages qui vont avec, notamment au niveau de la protection sociale. A ce stade, il n’est pas inutile de rappeler que sur les 10 millions de travailleurs recensés au Maroc, seuls près de 3 millions bénéficient d’une protection sociale. Par ailleurs, le régime de l’auto-entrepreneur est octroyé à toute personne indépendante qui exerce une activité dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 500.000 DH concernant les branches du commerce, de l’industrie et de l’artisanat, et 200.000 DH pour les prestations de services.
Ce dispositif juridique novateur, est bien accueilli par le patronat marocain, qui salue l’initiative du gouvernement consistant à créer un ministère spécialement dédié à la PME. L’autre précision non moins importante à apporter, est que la nouvelle loi sur l’auto-entrepreneur érige en principe absolu la simplification des procédures administratives, ce qui pourrait d’ailleurs contribuer à son succès au cours des années à venir. En effet, l’assouplissement des procédures est reflété par le fait que la domiciliation de l’activité peut se faire à l’adresse personnelle ou de celle d’un lieu commun à plusieurs entreprises. Toutefois, les assouplissements et l'allégement des procédures (dématérialisation) ne sont guère synonymes de laxisme puisque l’auto-entrepreneur doit, au même titre que les autres opérateurs économiques, s’acquitter de ses devoirs inhérents aux impôts, aux prélèvements sociaux, au droit du travail, etc.
Afin de garantir l’efficacité de la nouvelle loi qui est un instrument à même d’augmenter le stock des entreprises marocaines, un audit du Registre national de l’auto-entrepreneur sera diligenté. Ce travail permettra d’apprécier, entre autres, l’orientation et les renseignements prodigués aux bénéficiaires potentiels du statut de l’auto-entrepreneur au Maroc. En somme, la communication et la sensibilisation autour de ce nouveau dispositif juridique seront déterminantes pour rallier le plus grand nombre de travailleurs indépendants, trop souvent victimes de leur ignorance concernant les multiples aides et mesures déployées en leur faveur.
Paroles de pro
Ahmed Elazraq, manager à Global telecommunication development
«J’estime à plus d’un titre que la loi portant sur le statut de l’auto-entrepreneur était très attendue. Pour cause, plusieurs catégories de professionnels ne bénéficiaient, jusque-là, d’aucun régime fiscal et social adéquat. Je dois rappeler qu’auparavant, même certains médecins, qui avaient leur propre cabinet, ne bénéficiaient ni de la CNSS, ni d’une assurance maladie. Cette loi tombe à point nommé d’autant plus qu’elle octroie un statut aux «petites mains», pour ne citer que les plombiers et les électriciens. Ces types de métiers sont très sollicités, et pourtant, en tant qu’entreprise, nous trouvons des difficultés pour justifier le paiement de leurs prestations. Avec cette nouvelle disposition juridique, les professionnels ciblés auront désormais un numéro d’identification, ce qui leur donne la possibilité d’établir des factures en toute légalité. Il faut dire aussi que ce dispositif vient combler un énorme vide dans l’architecture de l’économie nationale. Par ailleurs, j’estime que le seuil des 200.000 DH de chiffre d’affaires que l’auto-entrepreneur exerçant dans les services ne devrait pas franchir, constitue une contrainte. Car il faut savoir que dans le domaine des services à haute valeur ajoutée (informatique), un travailleur indépendant peut facilement réaliser un chiffre d’affaires d’1 MDH par an».
Infos pratiques
Radiation et fiscalité
Le statut de l’auto-entrepreneur prend fin suite à la radiation du Registre national des auto-entrepreneurs. En effet, la radiation peut intervenir à la demande de l’auto-entrepreneur. Dans la même foulée, l’autre élément à préciser, est que cette radiation peut, par ailleurs, découler de quatre autres situations : si l’auto-entrepreneur déclare un chiffre d’affaires annuel supérieur à l’un des deux seuils (500.000 et 200.000 DH) ; réalise un chiffre d’affaires annuel pendant deux années consécutives supérieur à l’un des 2 seuils ; n’informe pas l’organisme chargé de la tenue du Registre national des auto-entrepreneurs du changement d’adresse de domiciliation, et, enfin, ne se conforme pas aux obligations prévues par la loi n° 114-13. Au chapitre fiscal, l’auto-entrepreneur bénéficie d’un régime spécifique et d’avantages prévus par la législation en vigueur. En cela, s’il réalise un chiffre d’affaires annuel inférieur à 500.000 DH dans les activités commerciale, industrielle ou artisanale, il devra s’acquitter de l’impôt sur le revenu (IR) au taux spécifique de 1%. Par contre, l’auto-entrepreneur qui exerce dans la branche des services et génère un chiffre d’affaires annuel qui ne dépasse pas 200.000 DH, est imposé à un taux de 2%. Cela dit, il y a lieu de rappeler que ces dispositions fiscales sont en vigueur depuis ce début d’année. Enfin, l’autre élément qu’il faudrait mettre en évidence, est que les biens meubles et immeubles destinés à l’exercice de l’activité de l’auto-entrepreneur ne peuvent être saisis à cause des créances dues au titre des dispositions de la loi régissant le statut de l’auto-entrepreneur.
Momar Diao