Yassine Mfadel, DG du Groupe Mfadel
Yassine Mfadel, Directeur général du Groupe éponyme, s'entretient avec Finance News Hebdo sur les transformations à l’œuvre dans l’immobilier au Maroc, les perspectives du secteur et les nouvelles ambitions du groupe familial qu’il dirige.
Finances News Hebdo : Quel est votre regard sur le secteur de l’immobilier au Maroc ? Considérez-vous qu’il soit en crise, comme le pensent de nombreux professionnels ?
Yassine Mfadel : Le secteur de l’immobilier au Maroc est très varié, que ce soit sur le plan de la typologie des actifs (résidentiel, bureaux, retail, hôtellerie, industriel, logistique), des régions (ce qui est vrai à Casablanca ne l’est pas à Marrakech), et enfin des segments (haut standing, moyen standing, économique).
Ainsi, certaines régions se portent mieux que d’autres, pour certaines typologies. Chaque typologie répond à un besoin sur un marché donné. Il faut comprendre que l’immobilier est un moyen et non pas une fin. Lorsqu’une région se développe économiquement, l’immobilier vient répondre à un besoin, en offrant des usines pour l’industrie et des résidences pour accueillir les employés. C’est le cas de Kénitra et d’El Jadida.
De la même manière, lorsque des villes se développent dans le secteur du tourisme, il faut y construire ou rénover des hôtels et des résidences touristiques. Pareillement, notre pays connaît un essor dans les métiers du service, d’où la construction de bureaux. Encore faut-il qu’ils soient adaptés à la demande et soient situés dans des zones attractives pour les entreprises et proches des zones d’habitation des employés ou des moyens de transport.
Le secteur de l’immobilier est cyclique avec des hauts et des bas. Actuellement, le secteur est en pleine mutation. Certains appellent cela une crise, je dirais plutôt qu’il s’agit d’une restructuration et d’une professionnalisation du secteur.
Par ailleurs, l’immobilier s’est financiarisé par l’arrivée de nouveaux acteurs provenant d’institutions financières (fonds d’investissement, foncière) qui utilisent des indicateurs financiers plus pertinents auxquels les promoteurs n’étaient pas habitués (TRI et marge). Ceci a permis de tirer le secteur de l’immobilier vers le haut avec l’apparition de nouveaux métiers (Facility manager, Property management, Asset management, brokers). C’est dans ce cadre que nous avons monté un pôle dédié pour la gestion d’actifs immobiliers.
F.N.H. : Quelles sont les perspectives du marché immobilier en 2018 ?
Y. M. : Au regard des chiffres 2017, nous avons constaté à Mohammedia une tendance positive qui devrait se confirmer en 2018 dans le secteur de l’immobilier moyen et haut standing. De par la croissance économique de certaines villes (Tanger, Kénitra, El Jadida) et grâce au lancement de grands projets structurants, le marché de l’immobilier en 2018 devrait progresser dans ces localités.
A Casablanca, nous constatons ces dernières années une migration du centre- ville vers la périphérie, sur des zones plus sécurisées et plus proches de la nature. Ce qui a pour conséquence de créer une offre de logement de seconde main et une rotation des populations cibles. Pour accompagner cette dynamique, de grands projets d’infrastructures ont été réalisés et d’autres sont en cours (tramway, ponts, trémies, élargissement des voies, etc.). Par manque de foncier viable en ville et par opportunisme, les grands promoteurs ont investi les périphéries de ville en y créant de nouvelles destinations, devenant ainsi des aménageurs avec toutes les contraintes que cela comporte. Au vu des difficultés rencontrées, cela sera moins vrai en 2018 et dans les prochaines années, nous aurons des aménageurs qui viabiliseront du foncier pour les promoteurs, comme cela a été le cas pour l’aéroport d’Anfa et Zenata.
F.N.H. : Comment se positionne le groupe Mfadel dans le secteur. Peuton avoir un aperçu sur l’historique du groupe ?
Y. M. : Le groupe existe depuis plus de 35 ans dans le secteur immobilier et BTP, avec une vingtaine de projets notamment au Nord (Tétouan, Mdiq, Cabo Negro) et dans le Grand Casablanca.
Nous avons commencé dans les années 80 à Casablanca par des projets de maisons marocaines, et ensuite des résidences en copropriété.
Au début des années 90, le président Haj Mfadel a décidé d’aller, contre toute attente, à Mohammedia, pour lancer des résidences dans les quartiers Wafa et Alia.
Au début des années 2000, nous décidions d’innover et de répondre à la demande des MRE en lançant des résidences balnéaires. En 2006, nous décidions de développer des projets à usage mixte dans le cœur de la ville comme «L’Orée du Parc», «Park Plazza», et plus récemment «Central Park», «Kamal Park Center», «La siesta» et «Bel air».
Ce qu’il faut retenir, c’est que notre groupe a toujours anticipé le marché en proposant des projets qui répondent à la demande locale et étrangère, avec le souci de la qualité, la satisfaction de nos clients, et la création de lieux de vie contemporains et chaleureux. Toujours dans un souci de diversification, aujourd’hui le groupe se structure en 4 pôles.
F.N.H. : Justement, parlons de cette restructuration. Quels en sont les objectifs ?
Y. M. : Pour accompagner notre développement sur l’ensemble de nos métiers, nous avons décidé de nous spécialiser en créant des pôles autonomes qui travaillent en parfaite synergie, accompagnés par un pôle support.
L’ADN du groupe, c’est la promotion immobilière, qui a très vite été complétée, par nécessité, par la construction, afin de maîtriser notre chaîne de valeurs, d’où le Pôle immobilier et le Pôle construction. Enfin, pour compléter cette chaîne de valeurs, nous avons décidé de créer un pôle gestion d’actifs dédié à la valorisation d’immobilier d’entreprise, notamment pour accompagner la nouvelle loi sur les OPCI, tels que les bureaux, le retail, et l’hôtellerie. D’ailleurs, pour cette dernière classe d’actifs, nous avons créé un pôle spécifique qui sera en charge du développement et du suivi des hôtels donnés en gestion (IBIS, NOVOTEL).
F.N.H. : Quelles sont les potentialités des activités «gestion d’actifs» et «hôtellerie» ?
Y. M. : Avec le développement du secteur tertiaire, l’immobilier d’entreprise est de plus en plus dynamique. Les entreprises vont de moins en moins investir dans l’immobilier pour mieux se concentrer sur leur cœur de métier.
Comme en Europe, le Maroc va connaître une mutation dans l’immobilier d’entreprise, les sociétés vont passer d’une logique d’immobilier patrimoniale à une logique d’immobilier d’exploitation.
C’est dans ce cadre que le Groupe Mfadel s’inscrit en répondant à la demande des entreprises, en proposant des bureaux à louer répondant parfaitement à leurs besoins. D’ailleurs, nous accompagnons les entreprises en amont pour développer des bureaux adaptés à leurs exigences, depuis la définition d’un programme architectural jusqu’à la livraison des bureaux clés en mains. C’est le cas pour le Mfadel Business Center qui sera le 1er centre d’affaires à Mohammedia dédié à la location professionnelle et qui est en cours de commercialisation et dont une grande partie est réalisée sur-mesure pour le compte d’une multinationale leader dans les télécommunications. C’est le cas aussi, pour la galerie commerciale baptisée Mfadel Shopping Center à Mohammedia.
Le Groupe Mfadel évolue avec son temps : il est passé par les différentes phases de la chaîne de valeurs : promotion, construction et à présent exploitation en gérant des actifs immobiliers tertiaires.
Mais pour y parvenir avec succès, encore faut-il bien gérer. C’est pourquoi nous nous entourons de professionnels, tels que des Facility Managers pour les bureaux, et d’hôteliers reconnus comme le Groupe ACCOR pour nos 2 hôtels de Mohammedia, l’Ibis et le Novotel. Le Maroc reste une destination touristique par excellence. Aussi, sommes-nous prêts à accompagner ce marché en tant qu’opérateur en développant des hôtels et des résidences touristiques. ■
Propos recueillis par A. E.