Face à la création d’emplois et de richesse, il subsiste une inégalité entre les territoires. Seules quelques régions pèsent près de 2/3 du PIB national. Dans le sillage de la régionalisation avancée, tout l’enjeu est de créer une grappe de pôles de compétitivité régionaux. Favoriser l’émergence d’une compétitivité collective permet de relever ce challenge.
A l’heure où le Maroc est résolument engagé dans le processus de la régionalisation avancée, force est de reconnaître que la rencontre organisée récemment par l’Institut CDG sous le thème: «Territoires, gouvernance : entreprises et compétitivité», tombe à point nommé. En effet, il subsiste un lien étroit entre entreprises, emplois et territoires. «Ces trois aspects doivent être traités sous le prisme d’une approche systémique», assure Nadine Levratto, professeur à l’Université de Paris Ouest. Et d’ajouter: «Tout l’enjeu est de développer une compétitivité collective des entreprises à l’échelle locale». Pour y parvenir, la chargée de recherche au CNRS d’Econo-mix préconise de lier les aides et subventions publiques à la capacité des entreprises d’un territoire à travailler ensemble. Notons que les aides et subventions publiques peuvent avoir des effets pervers. Car, certaines entreprises, notamment les grandes, mieux outillées, arrivent à capter l’essentiel des aides publiques au détriment de leurs consœurs plus modestes en taille et expertise. Cela dit, au Maroc, tous les territoires ne sont pas égaux en matière de création d’emplois et de richesse. «Près de 2/3 du PIB sont générés par quelques régions», rappelle Larbi Jaïdi, professeur d’économie à l’Université Mohammed V à Rabat, qui s’interroge sur la capacité des collectivités territoriales à répondre aux nouvelles exigences des entreprises marocaines. Celui-ci reste, par ailleurs, persuadé que du chemin reste à faire pour une réelle territorialisation des politiques publiques, qui ont toujours été déterminées par l’administration centrale. «Jusque-là, les acteurs publics locaux ne se sont pas réellement appropriés les différentes politiques économiques territoriales dont ils sont de simples exécutants», déplore-t-il. Par ailleurs, à en croire Nadine Levratto, les territoires qui tirent leur épingle du jeu sont ceux qui enregistrent un développement endogène. Ceux-ci s’appuient sur le potentiel de leurs entreprises évoluant dans des secteurs porteurs, pour ne citer que les services et les industries à forte valeur ajoutée. Du reste, certains intervenants ont déploré une kyrielle de contraintes pesant sur les entreprises à l’échelle régionale ou locale. Il s’agit, entre autres, du manque d’informations et de l’emprise des considérations politiques sur les stratégies de développement économique local. En définitive, la notion de consortium d’entreprises, qui fait son bout de chemin au Maroc, constitue un puissant levier à même de renforcer la compétitivité collective des opérateurs économiques situés sur un territoire donné.
Paroles de pro
Larbi Jaïdi, professeur d’économie à l’Université Mohammed V, Rabat
La grande question est de savoir si la régionalisation avancée est porteuse de changement au niveau du rapport que les entreprises entretiennent avec le ter-ritoire. A l’heure actuelle, s’il est difficile de parler de territorialisation des politiques publiques au Maroc, il n’en demeure pas moins qu’on dénombre quelques projets territoriaux dans les domaines de l’agriculture, du textile et du tourisme rural. Dans notre pays, la seule entité qui peut se targuer d’avoir une réelle approche locale, notamment dans les villes minières, c’est bien l’Office Chérifien des Phosphates (OCP). Au fil des années, l’OCP est devenu un acteur urbain. Par le biais de la contractualisation avec les entreprises, il a su créer un puissant tissu économique dans les villes minières. Cela dit, il y a lieu de souligner que les entreprises citoyennes sont de plus en plus engagées dans le développement économique, social et envi-ronnemental de leur territoire d’implantation. L’autre élément qui traduit l’absence de la territorialisation des politiques publiques au Maroc est que les incitations publiques sont aterrito-rialisées puisqu’elles sont pensées et mises en place par l’administration centrale.
Infos pratiques
Création d’emplois : mobilisation des entreprises et des associations
Une rencontre sous le thème : «Education et emploi des jeunes : quels modèles de partenariat entreprises-associations ?», s’est tenue récemment à Casablanca en présence de Miriem Bensalah Chaqroun, présidente de la CGEM, Rachid Belmokhtar, ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, et M’hammed Abbad Andaloussi, p résident du Co l l e c t i f des associations pour l’éducation et l’entrepreneuriat (CAPEE). Cette manifestation va dans la droite ligne de la politique du patronat marocain visant à encourager, tout en structurant l'engagement des entreprises dans le cadre de leur démarche de responsabilité sociale. A travers la rencontre, l’objectif était d’une part, de mobiliser les entreprises autour des questions de l'éducation, de l'entrepreneuriat et de l'insertion professionnelle des jeunes et, d’autre part, de les encourager à se mettre en réseau avec des associations pour des partenariats ciblant des actions bâties sur le long terme. Ainsi, plusieurs recommandations ont été formulées dans les domaines précités. A ce titre, il convient de souligner la nécessité de définir les besoins des territoires cibles en matière d’offre éducative, préscolaire et éducation de base, l’impératif de promouvoir la formation par alternance dans les parcours d’accompagnement des jeunes et l’importance de stimuler l’esprit d’entrepreneuriat dès le jeune âge. A cela s’ajoute l’opportunité de connecter les différents intervenants dans l’accompagnement des porteurs de projets lors des phases pré et post création d’entreprise.
Momar Diao