Plus que jamais, en période de crise, les entreprises peuvent être exposées à des difficultés de paiement, dont la conséquence facheuse peut être la liquidation ou la fin de l’activité. Mais avant d’en arriver à cette extrémité, il existe de nombreux moyens pour les aider à surmonter ces problèmes.
Pour une entreprise qui éprouve des difficultés, il n’est pas toujours tard pour redresser la barre. Procédures juridiques, motivation des équipes, rééchelonnement des dettes…, des leviers d’action existent. Et si malgré tout le dépôt de bilan s’impose, il est possible de rebondir, ou du moins liquider l’entreprise avec le moins de dégâts possibles, tout en se conformant à la loi.
Les procédures contenues dans le livre V du Code de commerce bénéficient tant aux personnes morales qu’aux personnes physiques (commerçant, artisan, professionnel libéral ou agriculteur). Elles doivent être considérées comme de véritables outils mis au service de l’entrepreneur, outils qu’il pourra utiliser tant à titre préventif qu’à titre curatif.
Dans ce cadre, l’Ordre régional des experts-comptables de Casablanca et des régions du Centre, du Tensift et du Sud, en partenariat avec le tribunal de commerce de Casablanca et de la Cour d’appel de commerce de la même ville, a organisé un colloque scientifique autour du «Livre V du Code de commerce traitant des difficultés de l’entreprise».
«Près de 90% des affaires traitées par la Justice concernent les procédures de liquidation judicaire, alors que la loi prévoit plusieurs mécanismes pour redresser la situation et donner une nouvelle vie à l’entreprise. Le tissu économique national est majoritairement constitué de PME dont les dirigeants ne disposent d’aucune formation ou connaissance juridique en la matière», souligne Abderrazzak Amrani, premier président de la Cour d’appel de commerce de Casablanca.
Le colloque s’est penché sur les moyens pour améliorer les conditions d’encadrement juridique de l’entreprise en difficulté. L’idée principale est de laisser aux gérants la possibilité de sauver leur entreprise afin à travers une palette d'options les plus pertinentes.
Une commission regroupant des juristes et des acteurs concernés par l’environnement de l’entreprise a effectué plusieurs réunions pour débattre d’une nouvelle vision pour la liquidation judiciaire de l’entreprise conformément à l’environnement socioéconomique du Maroc.
«Il faut chercher des solutions simples et pratiques, garder les points positifs du livre V et faire une nouvelle lecture des points négatifs en vue de les corriger», indique Issam Maghri, président de l’Ordre des experts-comptables de Casablanca, du Centre et du Sud. Afin d’éviter une aggravation des difficultés, la loi entend, en effet, inciter l’entrepreneur à réagir au plus tôt, sans attendre le stade d’une cessation durable des paiements. Des règlements amiables ont ainsi été institués pour se dégager d’une situation de blocage ou pour sortir d’une mauvaise passe.
«La législation a essayé de renouveler les textes pour les adapter. La loi sur les difficultés des entreprises a pour but de conserver le tissu socioéconomique, sauver des emplois et des activités», affirme dans son intervention Abdelouahed Saffouri, président du tribunal de commerce de Casablanca.
Paroles de pro
Nabil Haddaji, avocat au barreau de Casablanca
Par expérience, les gérants marocains ne prennent pas assez de précaution en amont. Aussi, peut-on leur reprocher leur manque de transparence dans leur comptabilité. Ils cachent parfois des éléments aux actionnaires et partenaires.
Dans les périodes de crise, ils ne cherchent pas à innover pour trouver des solutions à leurs difficultés, comme la recherche de nouveaux marchés ou de nouveaux créneaux, l’amélioration du processus de production ou de commercialisation. Cette posture nuit à la bonne gestion de la société et, au final, elle a un impact défavorable sur les résultats de l’entreprise. Lorsque l’entreprise éprouve des difficultés, celles-ci peuvent provoquer une défiance de la part de ses partenaires et de ses créanciers, et entraîner une situation de blocage.
Autant dire que la liquidation judiciaire est la conséquence de plusieurs dysfonctionnements.
Par ailleurs, il faut noter que la culture de dépôt de bilan existe chez les patrons étrangers, mais elle fait défaut au Maroc car elle est considérée comme une «honte».
Faute d’informations rapides et claires sur la situation de l’entreprise en difficulté, les gérants laissent les choses empirer, alors qu’il y avait possibilité de trouver une issue avant la liquidation judiciaire.
Infos pratiques
La sauvegarde
La procédure de sauvegarde est ouverte aux entreprises qui sont dans l’incapacité de surmonter elles-mêmes les difficultés auxquelles elles sont confrontées, mais qui ne sont pas encore en état de cessation de paiement. La notion de cessation de paiement est définie par l’impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Pour apprécier si le passif exigible peut être couvert par l’actif, il faut prendre en compte les réserves de crédit ainsi que les moratoires dont le débiteur bénéficie. La sauvegarde prévue par la loi est une procédure collective qui permet à l’entreprise de se redresser.
Dans ce cas de figure, les mesures de sauvetage ne dépendront plus de l’accord des créanciers, elles leur seront imposées. En fait, la sauvegarde s’analyse comme un redressement judiciaire anticipé, dans la mesure où elle a pour but la continuation de l’entreprise. Les deux procédures, sauvegarde et redressement judiciaire, empruntent d’ailleurs les mêmes dispositions. Les avantages de ces procédures sont de deux ordres; d’une part, les dettes antérieures à la saisine du tribunal sont suspendues, et le cours des intérêts est arrêté, ainsi que les poursuites individuelles; d’autre part, un plan de continuation est recherché, passant notamment par l’étalement des dettes. Leurs différences tiennent à la situation de l’entreprise. En effet, dans le cadre de la sauvegarde, l’entreprise n’est pas encore en cessation de paiement. Par ailleurs, la sauvegarde octroie certaines faveurs aux dirigeants et aux cautions. Le dirigeant d’une entreprise en sauvegarde conserve en effet ses pouvoirs qu’il peut exercer seul, sans l’assistance de l’administrateur. Quant aux cautions, elles peuvent se prévaloir du plan de sauvegarde, de sorte qu’elles ne peuvent pas être poursuivies.
Charaf Jaidani