Le développement du branding au Maroc passe par inculquer la culture de la marque aux jeunes générations, mais aussi consommer national.
Entretien avec Adil Lamnini, entrepreneur et président de l’Association professionnelle des marques marocaines.
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : Vous avez créé l’Association professionnelle des marques marocaines (APMM) en 2014. Qu’est-ce qui a motivé cette démarche et quelle en est la finalité ?
Adil Lamnini : Nous avons voulu, avec un groupe d’amis entrepreneurs, créer une plateforme indépendante, qui se positionnerait comme référence pour la promotion et l'accompagnement des marques nationales portées par des TPE/PME sur les marchés internationaux. Notre objectif premier est celui de promouvoir le label made in Morocco à travers la valorisation des produits & services, mais aussi à travers l’adhésion de nos membres aux valeurs patriotes que nous portons, à savoir la compétitivité, comme un état d'esprit et comme garant de la performance durable. L'international, comme conviction commerciale et financière. La flexibilité, comme gage de polyvalence et de remise en cause. La bonne gouvernance, comme vecteur de la transparence, de la conformité et de la sécurisation du projet de l’association et le terrain, comme base de veille, d'exploration et de déploiement. Parmi les multiples missions assignées par et pour nos membres, je retiendrais celle relative au conseil dans la réflexion et le déploiement des stratégies de développement à l'international, la mise à disposition des informations nécessaires à l'accès aux marchés : typologie des accords commerciaux, réglementations douanières, climat des affaires, normes, ALE, risques pays, veille sectorielle, mais aussi l’encouragement à la formation de GIE, et ce en faisant interagir les membres pour qu'ils mettent en commun et mutualisent leurs ressources et leurs compétences respectives. Nos TPE/PME marocaines n’ont pas forcément les moyens de leurs ambitions. Nous parlons bien de moyens financiers, mais aussi humains.
C’est pour cela que nous accordons aussi un intérêt particulier à les assister dans la mise au point de leurs politiques marketing et communication, notamment le branding, les études de marché, prospection, organisation de missions commerciales, test produits, canaux de distribution, protection des marques (OMPIC), communication, e-commerce, foires… L’appétence que suscite le dossier made in Morocco depuis les discours de Sa Majesté, que Dieu l’assiste, et peut-être aussi la prise de conscience collective que notre souveraineté nationale passe forcément par la promotion, l’encouragement et la sécurisation de notre production locale, nous a aussi placés en tant qu'interlocuteur de la société civile auprès des institutionnels à militer pour l’amélioration de l’environnement global dans lequel opèrent nos TPE/PME. Je parle du «Buy Moroccan Act», «Charika Sghira, Marka Kbira», «Charika Sghira, Hakama Namoudajia» ou «Code 611, Consomi Maghribi», autant de projets à travers lesquels nous avons proposé des pistes concrètes et Plug & Work pour l’amélioration de façon claire du cadre juridique, fiscal et humain favorisant le développement de notre made in Morocco.
F.N.H. : Il faut un accompagnement éducatif pour développer cette culture de consommer marocain. A votre avis, une prise de conscience s’impose-t-elle ?
A. L. : Cette prise de conscience doit être en premier lieu activée au niveau de la cellule familiale, car les comportements de consommation futurs seront très fortement influencés par nos enfants et nos proches. Ajoutez à cela le rôle prépondérant des médias. Le nouveau modèle de développement appliqué à l’éducation devra impérativement rétablir des cours d’éducation civique, avec comme guideline : consommer marocain est un acte patriote et une garantie de la prospérité de notre pays, de nos compatriotes et de notre industrie. Aujourd’hui, une gamme diversifiée d’outils de branding digital existe. Cela facilite la communication et crée une certaine interactivité entre les jeunes à travers les différentes plateformes et les réseaux sociaux. Tous les moyens sont bons pour attirer notre jeunesse dans le bon sens. Il s’agit de redonner envie à tout prix à nos générations futures, de cultiver justement ce désir et cette passion de servir et de contribuer à l’essor de la nation.
F.N.H. : Pour tout pays, le Nation Branding est une priorité de l’État. Quelle est la place accordée au made in Morocco dans le nouveau programme du gouvernement ?
A. L. : Nous avons toujours été très clairs à ce sujet et notre approche se veut pragmatique et repose sur un benchmark international concret, orienté vers le résultat. Nous devrions commencer par le commencement, à savoir quelle est la définition de l’image que nous voulons transmettre au monde pour les 10, 15 ou 20 prochaines années : un pays, une vision, une identité. Cela suppose que nous devrions dissocier ce sujet de tout tiraillement politique et/ou intérêt personnel. C’est essentiel de créer une agence made in Morocco pour encadrer toutes les énergies vives, les budgets et dématérialiser les attentes de nos entrepreneurs locaux et investisseurs étrangers. C’est ce qui nous permettra de mettre de la cohérence dans nos actions et, surtout, d’éviter la confusion grandissante née du fait que ce sujet prioritaire est à la fois entre les mains de plusieurs ministères, offices, agences… C’est certes un sujet transverse, mais il mérite d’être une fois pour toute tranché et confié à des professionnels du nation branding. Comme manifesté à travers un slogan lancé par notre association : le made in Morocco now ou jamais. Nous pensons aussi qu’il est temps de faire un recensement par région des secteurs porteurs en matière de développement de produits ou services made in Morocco exportables.
La cartographie du made in Morocco serait une force supplémentaire, nous pourrions alors mieux orienter et consolider notre stratégie de régionalisation. Nous voudrions insister sur la nécessité de l’adhésion des médias et des publicitaires dans le cadre de campagnes d’encouragement et de promotion de la consommation locale, à travers des leviers de compétitivité et de montée en qualité des services et des produits destinés au marché local. Le client local est une valeur sûre. Nos voisins européens ne passent aucune publicité sans y marteler de façon automatique l’origine locale. Je pense qu’il y a là aussi un constat à dresser. Notre dernier souhait serait aussi que le gouvernement encourage une politique de consolidation en mettant en application effective la préférence nationale au niveau des appels d’offres publics, et conditionner les ALE, les aides octroyées par l’Etat aux entreprises marocaines ou étrangères par un engagement sur le respect de la préférence nationale. Les TPME et les artisans sont notre futur. Notre Maroc doit aussi être souverain au niveau de la gouvernance des instances de contrôle sanitaire et être vaillant sur la diffusion de la culture de la qualité aux standards internationaux ainsi que du Story Telling et la créativité de nos produits et services made in Morocco. Nous voulons, au niveau de l’APMM, lancer un appel à toutes les parties prenantes que dans le monde post-covid, notre «marque pays» devra répondre à 2 impératifs. Primo, «Rassurez-moi !» : ceci nous imposera de mieux connaître nos marchés cibles, maîtriser les risques possibles, trouver des alternatives pour y faire face, connaître notre environnement, adapter son offre et sa stratégie, mieux anticiper. Secundo, «Séduisez-moi !» : il nous faudra démontrer concrètement le potentiel de notre made in Morocco, mettre en évidence les opportunités de travailler au et avec le Maroc, trouver les leviers pour en profiter dans la franchise d’un cadre win-win, être cohérent dans la construction de notre offre, de notre communication et surtout pour l’amour de notre pays, avec un patriotisme assumé.