Parfaitement organisés, les malfrats arrivent à déjouer les mesures de prévention. Les MRE, les propriétaires étrangers ainsi que les personnes mentalement vulnérables sont les principales victimes.
Par C. Jaidani
La spoliation foncière a défrayé la chronique ces dernières années. Avec la flambée des prix de l’immobilier à partir des années 2000, elle a pris de l’ampleur. Des centaines d’affaires sont instruites annuellement par la justice. Elles impliquent des promoteurs, des notaires, des adouls et des avocats, sans compter des fonctionnaires. Pour lutter contre le phénomène, plusieurs dispositions législatives ont été prises, comme le renforcement des peines privatives de liberté. Les responsables et les agents de la conservation foncière ont également reçu des instructions fermes pour s’enquérir de l’authenticité des documents présentés et de l’identité des personnes impliquées dans chaque transaction immobilière.
Sur le plan technique, l’Agence nationale de la conservation foncière du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) a lancé «Mouhafadati», une application par le biais de laquelle les propriétaires seront informés des changements administratifs introduits sur les titres fonciers comme les ventes, les saisies conservatoires ou les hypothèques. Cela leur permet d’agir rapidement et de s’opposer à toute opération frauduleuse.
«Les mesures prises pour lutter contre la spoliation foncière n’ont pas pu éradiquer totalement le phénomène. Elles ont juste limité l’ampleur. On note toujours des cas qui sont présentés à la justice. Probablement, d’autres ne sont pas encore déclarés. Les malfrats continuent de sévir et sont toujours à la recherche d’opportunités faciles à saisir pour s’enrichir illégalement. Ils traquent les failles législatives ou techniques apparentes pour mettre à exécution leurs plans. Il faut bien garder à l’esprit que les spoliateurs ne sont pas de simples délinquants, mais bien des personnes d’un certain niveau d’instruction. Ils agissent en réseaux bien organisés, déployant de gros moyens et des tactiques innovantes pour atteindre leurs objectifs. Les sommes d’argent en jeu étant colossales, ils n’hésitent pas à faire appel à des faussaires pour falsifier des documents et des pièces d’identité, corrompre des agents d’autorité pour faciliter leurs fraudes et recueillir à leur profit de faux témoignages», explique Nabil Haddaji, avocat au barreau de Casablanca.
«Outre les moyens dissuasifs comme les sanctions pénales, il faut améliorer les mesures de protection et de prévention pour réduire les facteurs de risque. Il est donc important d’accorder une attention particulière aux biens immeubles des MRE et des étrangers qui ont quitté depuis longtemps le territoire national. ll faut également être vigilant au niveau des terrains en déshérence ou vacants. Une bonne partie des affaires de spoliation foncière touche les personnes âgées ou vulnérables, certaines étant frappées de démence ou de troubles psychiatriques», ajoute-t-il.
Reste à savoir que les biens immatriculés à la conservation foncière sont plus faciles à protéger contre la spoliation foncière par rapport aux autres biens enregistrés selon le régime de propriété traditionnelle. Pour ce faire, il est important d’investir de nouvelles pistes plus pratiques, plus justes et plus efficaces pour renforcer la prévention contre toutes les tentatives de spoliation.
«Les affaires de spoliation foncière présentées devant les tribunaux trainent pendant un long moment et elles sont coûteuses. Au terme de nombreux désagréments et une procédure compliquée, les plaignants finissent par avoir un jugement favorable, mais ils trouvent d’immenses difficultés à le faire exécuter. Il est donc primordial de renforcer la prévention en développant l’arsenal juridique et faire appel à des outils d’identification sophistiqués pour authentifier les documents et les personnes concernées», explique Haddaji.