Souveraineté alimentaire : mythe ou objectif atteignable ?

Souveraineté alimentaire : mythe ou objectif atteignable ?

Le Salon international de l’agriculture de Meknès s’est ouvert sous le signe de la durabilité. La question de la souveraineté alimentaire revient au cœur des préoccupations nationales.

 

Par Désy M.

Alors que le Maroc vibre au son de la 17ème édition du Salon international de l’agriculture (SIAM) qui se tient du 21 au 27 avril 2025 à Meknès, sous le thème «Agriculture et monde rural : l’eau au cœur du développement durable», la question de la souveraineté alimentaire se pose avec acuité. Elle désigne la capacité d’un pays à définir ses propres politiques agricoles et alimentaires et à produire localement les aliments nécessaires à sa population, en tenant compte des ressources naturelles, des priorités socioéconomiques et du respect de l’environnement.

Le Maroc s’est doté de politiques et d’initiatives pour atteindre cette souveraineté tant dans le domaine alimentaire, énergétique, sanitaire, etc. Cette ambition a permis de réaliser des avancées significatives, particulièrement dans le secteur agricole, grâce notamment à des initiatives comme le Plan Maroc Vert et la stratégie Génération Green. Lancé en 2008, le Plan Maroc Vert (PMV) a permis une transformation profonde de l'agriculture marocaine.

Le PIB agricole est passé de 65 milliards de dirhams à 125 milliards de dirhams, et les exportations agricoles ont été multipliées par 2,4. La superficie équipée en micro-irrigation est passée de 160.000 hectares à 585.000 hectares entre 2008 et 2019. En 2020, le Maroc a lancé la stratégie Génération Green 2020-2030, visant à consolider les acquis du PMV tout en mettant l'accent sur le développement humain, la durabilité et la résilience du secteur agricole.

Cette nouvelle stratégie ambitionne de renforcer la classe moyenne agricole, de promouvoir l'entrepreneuriat des jeunes en milieu rural et d'améliorer la gouvernance du secteur. Ne se résumant pas à une simple autosuffisance, la souveraineté alimentaire implique une vision globale et un bon contrôle national sur les ressources et les politiques agricoles. Une approche qui se doit aussi de répondre aux besoins alimentaires et nutritionnels des citoyens à travers une meilleure gestion des ressources hydriques, mais aussi du foncier.

Les vrais verrous

Mohamed Ihlal, expert en agroalimentaire, développement agricole et rural, explique que «le dilemme de l’usage de l’eau est crucial. Avec une dotation hydrique passée de 5,3 milliards à moins d’un milliard de mètres cubes par an, le Royaume est contraint à des arbitrages douloureux : eau potable ou irrigation ? Le dessalement, perçu comme une planche de salut, reste inaccessible pour les grandes cultures vivrières comme les céréales, très consommatrices d'eau». Et d’ajouter que le foncier demeure aussi une question sensible dans le secteur. «Des milliers d’hectares restent sous-exploités, parfois détenus par des propriétaires absents ou dans l’indivision. Des voix appellent à une réforme agraire courageuse : redistribution des terres, soutien aux petits agriculteurs, valorisation de l'agriculture familiale», alerte t-il.

Par ailleurs, la pandémie de la Covid19, la guerre en Ukraine, les sécheresses récurrentes et la dégradation des terres agricoles ont conduit le pays à une dépendance accrue aux importations de denrées essentielles, telles que le blé et les oléagineux, compromettant ainsi la sécurité alimentaire nationale. En effet, le Maroc importe 50% de son blé, 75% de son sucre et une bonne partie de ses oléagineux. Des produits de base qui constituent l'essentiel de l'alimentation quotidienne des Marocains.

«La politique agricole n’a de sens que si elle vise à nourrir la population», affirme l’expert en agroalimentaire. Selon lui, il ne peut y avoir de souveraineté nationale sans souveraineté alimentaire. Selon Mohamed Ihlal, il est «crucial de redoubler d’efforts, en adoptant des techniques agricoles adaptées, telles que l’agriculture de conservation et les cultures résistantes à la sécheresse. Il faut encourager la transformation locale des produits agricoles en vue de réduire la dépendance aux importations tout en créant de la valeur ajoutée sur le territoire national, pour assurer le développement des chaines de valeurs locales».

Dans cette même optique, l’expert appelle à investir dans des filières alternatives, comme les légumineuses et les cultures stratégiques permettant une diversification des sources alimentaires dans le but de garantir une offre alimentaire variée et accessible. Et enfin, il appelle à booster l’innovation technologique en facilitant l’accès au financement et à la recherche aux agriculteurs, notamment les petits exploitants pour leur permettre d’évoluer vers des pratiques durables. 

 

 

 

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