Soixantième anniversaire de la création de l’Union européenne : Quel avenir ?

Soixantième anniversaire de la création de l’Union européenne : Quel avenir ?

01 Jawad KerdoudiLes dirigeants de l’Union européenne vont fêter le 25 mars 2017 à Rome le soixantième anniversaire de sa création. C’est en effet le 25 mars 1957 que le Traité de Rome a institué la Communauté économique européenne. La construction européenne a été une longue épopée qui a duré plus d’un demi-siècle.

L’objectif des pères fondateurs était de créer une Europe pacifique et prospère. Les moyens pour y parvenir sont la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux. Il a été prévu des politiques communes notamment dans l’agriculture par l’instauration de la PAC (Politique agricole commune). Un autre impératif de la construction européenne a été la solidarité pour développer les pays ou les régions défavorisés de l’Union. Partie avec six pays : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, l’Union européenne a atteint vingt-huit membres en incorporant la plupart des pays de l’Ouest et de l’Est de l’Europe. La construction européenne a été jalonnée de traités fondamentaux dont l’Acte unique en 1986 qui a supprimé toutes les entraves à la libre circulation des marchandises. Le Traité de Maastricht a institué à son tour l’Union européenne et la PESC (Politique étrangère et de sécurité commune). Mis en vigueur en 1999, le Traité d’Amsterdam a renforcé les politiques communes en matière de justice, de politique étrangère, de santé et d’environnement. En 2002, a été mise en circulation la monnaie unique l’Euro qui a été adoptée par dix-neuf pays membres. Cette construction n’a été possible que par le travail acharné des institutions européennes. On peut citer en premier lieu la Commission européenne qui a été la véritable cheville ouvrière de l’Union. De son côté, le Conseil de l’Union européenne représente les gouvernements des Etats membres au niveau des ministres, alors que le Conseil européen réunit les Chefs d’Etat et de gouvernement. La présidence du Conseil européen était quant à elle tournante, elle est maintenant permanente. Le Parlement européen élu au suffrage universel depuis 1979 représente les citoyens des Etats membres, et partage le pouvoir législatif avec la  Commission européenne. Les institutions financières européennes jouent également un grand rôle telles que la Banque centrale européenne (BCE), la Banque européenne d’investissement (BEI) et le Fonds européen d’investissement. Enfin, plusieurs comités spécialisés ont été mis en place ainsi que la Cour des comptes. Cependant, au fil des années des crises ont frappé l’Union européenne. La crise économique internationale de 2008 a eu des conséquences désastreuses sur l’économie européenne, avec un fort endettement de la plupart des pays membres, une faible croissance et un chômage élevé. La crise des réfugiés en 2016 a secoué la solidarité européenne, et plusieurs pays de l’Union ont refusé d’accueillir les réfugiés. Parallèlement à cela, se sont développés dans les pays membres de l’Union des partis politiques antieuropéens, notamment au Royaume-Uni, en Hongrie, aux Pays-Bas et même en Allemagne et en France. C’est ainsi que le Royaume-Uni lors du référendum du 23 juin 2016 a décidé de quitter l’Union européenne dans ce qui est appelé le Brexit. Viennent s’ajouter à ces problèmes intérieurs les attaques extérieures, notamment celle de Donald Trump qui pousse à la dislocation de l’Union européenne, et celle du Président Poutine qui veut affirmer sa puissance en Europe et qui a annexé illégalement la Crimée en mars 2014. L’Europe se trouve ainsi à la croisée des chemins entre le renforcement de l’intégration et un simple marché unique. Pour préparer la cérémonie du 25 mars 2017 à Rome, les représentants des 4 pays les plus peuplés de l’Union européenne : Allemagne, Espagne, France et Italie se sont réunis à Versailles le 6 mars 2017. Ils ont opté pour une position médiane, à savoir une Europe à plusieurs vitesses avec une coopération différenciée. Il s’agit pour quelques pays d'aller plus vite et plus loin dans certains domaines comme la défense, la politique économique et budgétaire, la fiscalité, la culture et la jeunesse. Cette option n’écarte aucun pays membre de l’Union qui veut s’adjoindre à elle. Cette option médiane a été proposée par l’Allemagne et la France, appuyée par la Belgique, le Luxembourg et l’Espagne lors du Sommet européen des 9 et 10 mars 2017 à Bruxelles. Elle ne semble pas faire l’unanimité du Groupe de Visegrad : Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Pologne. De plus, la réélection à la tête du Conseil européen Donald Tusk s’est faite avec l’opposition de son pays d’origine la Pologne. Enfin, vont avoir lieu cette année des élections décisives aux Pays-Bas (15 mars), en France (23 avril et 7 mai) et en Allemagne (24 septembre) qui risquent d’être remportées par des partis anti-européens. L’année 2017 va être décisive pour l’avenir de l’Union européenne. Le Maroc a des relations très anciennes et très étroites avec l’Union européenne. En effet, le premier Accord commercial entre les deux parties date de 1958 et notre pays a obtenu le Statut avancé depuis 2008. Cependant, la Cour européenne de justice a mis en cause l’application de l’Accord agricole et de pêche aux provinces sahariennes. Aussi, tout en défendant avec la plus grande énergie notre position, il faut continuer et accélérer la diversification de nos relations économiques avec l’Afrique, l’Asie, et l’Amérique.

Par Jawad KERDOUDI,

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

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