Pour supporter les charges en nette hausse, les exploitants vont devoir réduire leurs troupeaux.
Le plan de sauvetage du gouvernement est très attendu.
Par C. Jaidani
L’élevage est le secteur le plus vulnérable face aux effets de la sécheresse, car les zones bours occupent la majeure partie de la superficie agricole utile. Du coup, les exploitants dépendent énormément de la pluviométrie pour assurer leurs activités. Au cours des années fastes, le coût de production est réduit sensiblement du fait que la plupart des éleveurs sont des pasteurs. Ils tablent sur les pâturages pour assurer l’entretien de leurs troupeaux. La demande en aliments de bétail comme complément est réduite au maximum.
Mais au cours des années de sécheresse, la situation se complique. Les éleveurs sont contraints de réduire leur bétail pour supporter les charges. La baisse de la demande génère une baisse sensible du cheptel. La vague des années 80 a diminué le cheptel national, notamment ovin et bovin, de 30%. A cause de la malnutrition, le taux de mortalité des nouveaux-nés a augmenté et celui de la natalité a baissé. Il a fallu au moins une décennie pour que le Maroc reconstitue son patrimoine animalier.
«Les mesures de sauvetage que le gouvernement devrait lancer prochainement pour soutenir le secteur seront quasi similaires à ce qui a été décidé par le passé, à l’image de l’année 2016 où la récolte céréalière n’a pas dépassé 34 millions de quintaux. Mais l’actuelle saison est pire. Il faut s’attendre à moins de 20 millions de quintaux. Les besoins des éleveurs seront encore plus importants», souligne Abderrahim Mouhajir, ingénieur agronome. En effet, le gouvernement Benkirane avait décrété en 2016 un plan anti-sécheresse doté d’une enveloppe budgétaire de 4,5 milliards de DH. De nombreuses actions ont été mises en œuvre, à commencer par l’approvisionnement en eau potable des villages éloignés et excentrés qui sont dans le besoin, la protection des ressources animales à travers l’approvisionnement du bétail en aliments et en eau dans les meilleures conditions ainsi qu’un suivi précis de la situation sanitaire du cheptel.
«Certes très attendues, les mesures que le gouvernement devrait lancer incessamment auront une portée limitée sur le secteur de l’élevage. La distribution de l’orge subventionnée ou les mesures de soutien, surtout en matière d’abreuvage, ne peuvent pas redresser la situation, notamment en ces moments difficiles. En l’absence de pluies dans les semaines à venir, cette année 2022 sera extrêmement difficile. Prions pour que les pluies soient au rendez-vous au cours de l’automne prochain, autrement les choses vont se compliquer encore davantage», explique Mouhajir. Selon les données du département de l’agriculture, le cheptel national compte actuellement 21,6 millions d’ovins, 6 millions de caprins, 3,3 millions de bovins et 192.000 de camelins. Le scénario catastrophe qui se dessine laisse présager une nette dégradation de la situation du secteur.
«Seuls les éleveurs qui ont une certaine assise financière et qui disposent de grands parcours naturels peuvent garder leurs troupeaux. Les petits exploitants seront contraints de réduire le nombre de tête, au risque de supporter des charges importantes pendant des mois sans pouvoir assurer un retour sur investissement», affirme Bouchaib Sarghiri, marchand de bétail dans la région de Chaouia. «La sécheresse a eu un effet immédiat sur le marché du bétail. Les prix des bêtes engraissées et destinées à l’abattage ont nettement augmenté. Mais celles qui sont destinées aux activités pastorales ont baissé. Une brebis de taille standard, qui se négociait à la fin de 2021 autour de 1.200 DH, vaut moins de 800 DH actuellement. En revanche, les prix des antenais destinés à l’engraissement en prévision de Aïd Al-Adha sont passés à plus de 1.200 DH. Pour sa part, l’alimentation de bétail a connu une nette flambée. La botte de paille qui valait 15 DH il y a quelques semaines, est proposée à 25 DH actuellement. Les autres produits comme la betterave, l’orge, le maïs ou le son ont connu une hausse des prix comprise entre 60 et 80%», conclut-il.