Par Yasser Biaz, Directeur Général UM6P Ventures
Les initiatives visant à encourager l’investissement en entrepreneuriat et innovation (E&I) se sont accélérées. En Afrique, le volume d’investissement a doublé entre 2017 et 2020, avec une concentration de 90% du capital risque africain total investi au Nigéria, Kenya, Egypte, Afrique du Sud et Ghana. Selon les données publiques, le Maroc a investi 11.2 millions de dollars en 2020, soit la 8ème position sur la scène africaine. Cela peut sembler refléter une timidité de l‘opportunité à y investir dans l’E&I.
Le financement des start-up dans la Silicon Valley demeure le modèle de référence. En Afrique, le développement du capital-risque, certes très entrepreneur et contextuellement innovant, a commencé à produire des licornes (start-up valorisées à 1 milliard de dollars) dans les marchés e-commerce, fintech, logistique et distribution. On cite : Jumia, Fawry et Interswitch.
Les start-up marocaines deviennent plus visibles à l’international. Elles s’exportent et attirent des investisseurs étrangers. La dynamique actuelle suggère que d’autres régions africaines représentent des économies intégrées plus attrayantes pour ce type d’investissement. Les start-up marocaines, très compétentes mais limitées en opportunités économiques deviennent candidates de premier rang à l’acquisition prise par les licornes africaines. En Afrique, l’activité capital-risque s’est concentrée principalement sur la transformation numérique des métiers conventionnels – à savoir fintech, e-commerce, logistique, etc.
Récemment, le capital-risque prend fait de l’opportunité d’investissement dans les startup spécialisées dans les sciences et technologies: DeepTech / HardTech. Ce sont les vecteurs de la nouvelle vague de développement économique et industriel, à travers les biotechnologies, les néo-énergies, les nanotechnologies, l’intelligence artificielle, etc.
Ces chantiers dressent une barrière à l’investissement due à l’expertise scientifique et les coûts requis pour leur mise en œuvre. Bien entendu, les risques technologique, réglementaire et économique sont plus marqués. Aujourd’hui, le Maroc se distingue par son accélération de l’innovation scientifique, avec ses talents et infrastructures. Ses investissements et le développement de son tissu scientifique et industriel lui confèrent un potentiel latent qui fait l’opportunité marocaine. Cependant, les chiffres génériques de l’investissement dans les start-up – en Afrique – manquent de refléter ce potentiel.
Ainsi, le Maroc procure une opportunité d’arbitrage singulière d’investissement au profit du transfert scientifique et technologique des institutions de recherche. Les activités de ce transfert s’accélèrent et les financements pour la transition du brevet scientifique ou du prototype à l’industrialisation (et sa commercialisation) sont maintenant initiés.
Ce dernier point correspond au cycle critique des projets DeepTech; appelé «vallée de la mort» dans le milieu scientifique. La validité scientifique est confirmée, jusque-là supportée par des subventions et instruments de financement de la recherche et développement (R&D) – de source marocaine et internationale. Cette étape aboutit à un produit lié à la propriété intellectuelle et clôture cette phase de financement du projet. Des centres de transfert technologique, certains maintenant actifs au Maroc, multiplient les exercices de valorisation de l’innovation scientifique dans le but d’assurer la transition du projet à un actif investissable.
Le projet ou start-up DeepTech doit ensuite être dérisqué et dimensionné dans ses capacités en capital humain et ambition industrielle, économique et commerciale. L’écart entre la latence et le pragmatisme de l’investissement dans la région n’a pas encore donné l’appétit aux investisseurs. En effet, les pays qui ont réussi cette transition, bénéficient d’un écosystème qui assure l’accès à des sources de financement non-dilutif, pour les start-up en DeepTech qui adressent les défis actuels les plus conséquents – ex. santé, climat.
Au Maroc, le rapprochement entre les acteurs de la DeepTech et le capital-risque a commencé. Il se produit sur les campus d’éducation et de recherche. Les investisseurs avertis y verront un profil et une performance pour l’investissement singulier dans la région.