Cette solution est peu sollicitée car il n’existe pas suffisamment de communication sur le sujet. Le profil du syndic a un rôle important pour réussir le programme de redressement.
Par C. Jaidani
Le nombre de défaillances d’entreprises est en nette progression. Les prévisions tablent sur un cumul de 16.100 cas pour 2024, soit une croissance de 13% par rapport à 2023. Cette tendance devrait se poursuivre en 2025, dépassant la moyenne mondiale. La mauvaise conjoncture et les incertitudes géopolitiques persistantes sont, entre autres, les principaux facteurs qui expliquent cette situation. Mais il est possible de réduire le nombre, ou du moins ralentir cette hausse des défaillances si certains mécanismes sont adéquatement activés, à l’image de la procédure de sauvegarde des entreprises.
Introduit il y a quelques années dans le cadre du livre V du code de commerce, ce dispositif n’a pas donné les objectifs escomptés. Et pour cause, les patrons d’entreprises ne sont pas suffisamment informés de cette procédure. Il n’existe pas de programme de communication ou de sensibilisation à ce niveau. Même au niveau des juridictions de commerce, il n’y a pas de cellules dédiées. A cause des tracas liés à la procédure et l’installation d’un syndicat pour piloter la gestion, les patrons d’entreprise préfèrent opter pour la liquidation et la création d’une autre société plutôt que le redressement. C’est une façon d’éviter la régularisation du bilan, le paiement des créanciers, de maintenir l’emploi et de régulariser les charges sociales.
«Aux tribunaux de commerce, les dossiers de liquidation d’entreprises se multiplient et ceux de sauvegarde sont en nombre très limité. La plupart des cas de redressement n’ont pas abouti, et ce pour de nombreuses raisons, dont notamment la mauvaise foi des managers concernés. Il faut distinguer les entreprises qui ont des difficultés financières temporaires, mais qui n’ont pas encore atteint le degré de cessation de paiement, et celles qui sont en cessation de paiement, mais qui présentent des probabilités de survie comme des perspectives d’avenir prometteuses une fois l’argent injecté. En outre, il y a les cas extrêmes où toute tentative de sauvegarde n’est que perte de temps et d'énergie. L’entreprise n’a d'autre choix que de mettre la clef sous le paillasson. A travers une expertise comptable, il est donc important de s’enquérir de la situation financière de la société», souligne Nabil Haddaji, avocat au barreau de Casablanca.
Et de poursuivre que «pour chaque phase, il existe une procédure dédiée. Pour la première où la probabilité de survie est plus grande, l’entreprise bénéficie d’un arrêt temporaire des poursuites judiciaires à son encontre. C’est à ce niveau qu’il faut renforcer le dispositif de sauvegarde et donner la possibilité aux experts d’accompagner l’entreprise dans son redressement». En effet, comme le stipule le livre V du code de commerce, l’entreprise doit présenter un plan de sauvetage avec une feuille de route détaillée dont le délai ne doit pas dépasser 10 ans. Il est à noter que le syndic désigné par le tribunal, dit également «administrateur judiciaire», a un rôle important pour la réussite de l’opération de sauvegarde. Il doit justifier d’une certaine compétence lui permettant d’assumer pleinement ses attributions.
«Le syndic ne doit pas avoir un rôle purement administratif et comptable consistant à respecter les dispositions légales. Il doit par contre être un fin négociateur pour trouver un terrain d’entente entre l’entreprise et les créanciers. Il doit avoir une certaine connaissance du secteur d’activité où opère l’entreprise pour relever ses forces et ses contraintes afin de l’aider techniquement à surmonter les obstacles, décrocher des contrats, gagner des parts de marché et éviter la banqueroute définitive», conclut Haddaji.