Le secteur de la santé marocain continue de souffrir de plusieurs maux malgré des acquis. Outre le renforcement de l’arsenal juridique, le ministère de la Santé a lancé une batterie de services et de programmes pour étoffer l’offre sanitaire. Les nouvelles technologies avec le e-santé, une innovation à mettre à l'actif de ce secteur.
Parmi les dossiers chauds dont a hérités l’actuel gouvernement, il y a celui de la réforme de la santé. Améliorer l’accès aux soins figurait parmi les principales revendications de la population marocaine qui n’a cessé de clamer son indignation face à l’état du système de santé. Pour apaiser les tensions, rétablir la relation de confiance entre citoyen/système sanitaire et répondre aux attentes croissantes des Marocains, le gouvernement a inscrit ce chantier d’envergure parmi les priorités de son programme. Aujourd’hui, à six mois de l’échéance de son mandat, une question s’impose : l’Exécutif arrivera-t-il à tenir parole et à honorer ses engagements électoraux ?
Répondre à cette question n’est pas un exercice facile. Le Secrétaire général (SG), Dr Abdelali Belghiti Alaoui, du ministère de la Santé s’est pourtant prêté au jeu lors du Colloque franco-marocain de la santé, organisé récemment par la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc. C’est devant un parterre de personnalités du monde sanitaire marocain et français, du secteur public comme du privé, que Dr Abdelali Belghiti Alaoui a donné un avant-goût du bilan des réalisations de son ministère. Un ministère piloté par un homme de terrain qui connaît parfaitement les maux dont souffre le secteur, et qui a fait aboutir bon nombre de réformes durant ces 4 années.
Avant de dresser le bilan de son département, le SG du ministère a, dans un premier temps, rappelé à l’assistance l’historique des 3 réformes sanitaires menées depuis les années 80.
Des réformes qui ont permis au Maroc d’enregistrer d’importants acquis, dont notamment la réduction de la mortalité maternelle et infanto-juvénile, la maîtrise des maladies transmissibles, le gain de 28 ans d’espérance de vie à la naissance, la maîtrise de la croissance démographique…
Toutefois, si le pays a réussi à remporter une bataille, il doit néanmoins faire face à de nouveaux défis qui continuent de grever son système de santé. Parmi ces défis, la pénurie en personnel sanitaire (faible densité de médecins, soit 0,62 pour 1.000 habitants); l’accès aux médicaments (400 DH/hab contre 5.000 DH/hab dans les pays de l’OCDE); le financement encore trop dépendant des paiements directs des ménages (ils représentent plus de la moitié du total des dépenses de santé: 53,6 %)...
Il y a également le droit aux soins de santé qui est inscrit dans la nouvelle Constitution. Pour répondre à ce besoin élémentaire, le ministère de la Santé a lancé un «dynamisme de développement» du secteur fondé sur 3 piliers : réformes, programmes et services.
En effet, depuis 2012, il a été engagé 7 réformes fondamentales, à savoir la couverture médicale de base (AMO, RAMED, AMO-E, AMI, Migrants), la réforme du secteur pharmaceutique, celle de l’Organisation de l’offre (carte sanitaire, urgences, filières de soins...), de l’exercice médical (L131-13) et paramédical (4 projets de loi); des Ordres professionnels (médecins, pharmaciens, dentistes, biologistes); de la formation (mise en place du système LMD): ENSP & ISPITS et enfin celle de la restructuration hospitalière (CHU, GHR).
Outre ces chantiers propres au ministère, il y a également des réformes engagées par d’autres départements, à savoir la régionalisation avancée, celle de la Loi organique des finances et les contrats de partenariat public/privé qui, au demeurant, sont liées à la santé. Le SG a également souligné que pour renforcer l’offre de soins, le ministère a mis en service 87 nouveaux établissements de santé et programmé l’ouverture de 5 nouveaux CHU à Tanger, Agadir, Lâayoune et Béni Mellal, en plus de la reconstruction de l’hôpital Ibn Sina de Rabat.
Autre nouveauté, le lancement de 8 services de e-santé. Une première qui touche plusieurs volets. Nous pouvons citer notamment Allo intoxication, Allo veille épidémiologique, Allo Samu, Allo Chikay asanté, Allo Mawiidi…, et bien d’autres.
Bilan réglementaire : Un record
Sur le plan juridique, le ministère de la Santé a battu les records. «Dans ce mandat, nous sommes le secteur qui a le plus publié de lois», a déclaré Abdelali Belghiti Alaoui.
Houcine El Ouardi a fait du renforcement de l’arsenal juridique son cheval de bataille. Dans le cadre du programme législatif qui prévoyait 36 projets de loi, 9 lois ont été publiées, 6 projets ont été adoptés par le Conseil de gouvernement et 19 projets sont en cours de préparation.
Côté réglementaire, sur les 47 projets de décret programmés, 27 ont été publiés, 4 adoptés par le Conseil de gouvernement et 16 projets en cours de préparation. A noter également que la plupart de ces lois sont passées sous haute tension à cause des différents lobbies de médecins, pharmaciens…
Malgré cette batterie de réformes et de programmes lancés, force est de constater que la population n’a toujours pas récolté les fruits du travail engagé. Un combat de tous les jours.
«La population ne juge ni les réformes ni les programmes qu’elle considère comme étant des engagements politiques, mais plutôt ce dont elle bénéficie en offre de soins. Raison pour laquelle nous nous sommes lancés dans la dynamisation de l’offre par les services, parallèlement aux réformes et programmes, en introduisant une composante essentielle, à savoir les nouvelles technologies», a précisé le SG du ministère. Cela dit, le Maroc a encore du chemin à faire. Ce chantier périlleux, qui a démarré depuis plus d’une trentaine d’années, n’arrive toujours pas à aboutir. Il ressort également de l’intervention d’Abdelali Belghiti Alaoui que le secteur public ne peut pas répondre seul aux besoins de la population. Il faut impérativement le soutien du secteur privé.
Une réalité qui n’est tombée dans l’oreille d’un sourd puisque les entreprises françaises, présentes à ce colloque, ont suivi attentivement la présentation du SG du ministère non pas pour s’inspirer de l’expérience marocaine, mais plus pour identifier le potentiel d’investissement dans ce domaine.
Lamiae boumahrou