Annoncé pour le deuxième semestre de cette année, le chantier de la libéralisation du régime de change a été par la suite précisé par le wali de Bank Al-Maghrib. Abdellattif Jouahri expliquait en effet à Reuters, en avril de cette année, que le Maroc prévoit d'entamer le processus en juin. Force est de constater que si le calendrier est respecté, il coïncidera avec «un passage à vide» des fondamentaux économiques du Royaume qui agissent directement sur les réserves de change : déficit commercial qui se creuse ou encore IDE sortants qui marqueront sans doute un record cette année, sont autant d'éléments qui expliquent cette fonte des réserves.
Parallèlement, les banques marocaines affichent une situation nette de change négative au premier trimestre, obligeant Bank Al-Maghrib à servir 9 fois plus de devises durant le premier trimestre qu'au premier trimestre de 2016. En effet, sur le marché des changes, les dernières données disponibles indiquent une hausse des ventes de devises de Bank Al-Maghrib aux banques s’établissant à 1,8 milliard de dirhams en moyenne mensuelle au cours du premier trimestre 2017, un chiffre bien élevé par rapport aux 188 millions de dirhams durant la même période de l’année précédente.
Globalement, la position nette de change des banques ressort à -3,5 milliards de dirhams en moyenne au premier trimestre 2017 contre +3,4 milliards de dirhams un an auparavant. Un dernier chiffre : les réserves internationales nettes de BAM représentent désormais 6 mois et 10 jours d'importation, contre 7 mois et 3 jours il y a un an.
C'est grave docteur ?
Pour défendre sa monnaie après sa libéralisation, le Maroc doit d'abord s'assurer qu'il dispose de suffisamment de réserves de change pour ses besoins courants. Une méthode «simpliste» mais reconnue par les institutions internationales, telles que le FMI et les agences de notation, consiste à s'assurer de sécuriser 3 mois d'importation. Au vu des chiffres cités plus haut, le Maroc dispose donc du double de ce matelas de sécurité en stock de devises.
Mais le FMI propose aux Etats une méthode plus élaborée, qui prend en compte plusieurs paramètres, tels que la valeur des exportations, la dette extérieure à court terme ou la masse monétaire. Une formule mathématique, dénommée Méthode ARA régime flottant que l'on a exposé dans plusieurs articles précédemment. Elle permet de cerner les réserves nécessaires aux besoins courants. Selon cette méthode, la règle d’adéquation est que les réserves du pays doivent être comprises entre 100 à 150% des réserves optimales nécessaires, permettant de couvrir des éléments courants. Le Maroc est dans cette fourchette depuis 2016. Mais pour 2017, on joue serré. Car Bank Al-Maghrib anticipe un niveau de réserves de 282 Mds de dirhams, soit 105% du besoin. Or, à mi-2017, nos réserves de change ne sont que de 229,3 Mds de DH. Théoriquement, le Maroc dispose donc actuellement de quelque 35 Mds ou 40 Mds de dirhams en plus pour faire face à un choc exogène; c'est ce qui est plus communément appelé le budget d'intervention. Ce budget était de 50 Mds de dirhams à fin 2016. Il semble naturellement baisser avec les réserves, mais a-t-il atteint à des niveaux excessivement bas ?
Pour avoir un ordre d'idées sur la qualité de cette réserve, sachez que lors du dernier choc pétrolier post-crise financière américaine, le Maroc a dû mettre sur la table 30 Mds de dirhams de ses réserves pour endiguer la hausse des cours. En d'autres termes, nous disposons de suffisamment de ressources pour faire face à un choc au moins équivalent à un baril à plus de 140 dollars. ■
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