La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a dressé un portrait assez sombre de l’économie mondiale en 2016.
Le rattrapage économique est de plus en plus difficile pour les pays en développement. Certaines recommandations de l’organisme basé à Genève pourraient servir le Maroc, qui s’évertue à moderniser son économie.
Le rapport annuel de la Cnuced sur le commerce et le développement intitulé: «La transformation structurelle au service d'une croissance inclusive et soutenable», présenté récemment à Rabat par Rachid Bouhia, expert auprès de l’organisme basé à Genève, confirme la mauvaise posture de l’économie mondiale pour l’année en cours. Ce document annuel élaboré depuis 1981 a le mérite d’établir le diagnostic de la dynamique économique des différentes parties du monde, tout en faisant des recommandations afin de remettre l’économie mondiale sur la voie. Devant un parterre de journalistes, Rachid Bouhia n’y est pas allé par quatre chemins. «La croissance mondiale est molle en 2016», alerte-t-il. Celle-ci devrait tourner autour de 2,3% contre 2,5% en 2015. Cette baisse de régime est reliée à la méforme de l’activité économique dans les pays développés. L’activité sera aussi moins soutenue dans les pays en développement, dont les exportations sont principalement destinées aux pays développés. Leur croissance moyenne sera en dessous de 4%. De plus, les économies nord-africaines ne seront pas épargnées par le repli de l’activité mondiale, puisqu’elles devraient enregistrer un taux de croissance en dessous de 1,7%. Cela dit, ce qui inquiète au premier chef l’expert de l’organisme de Genève, est la non réduction des écarts de développement entre les nations riches et celles qui le sont moins. «L’une des rares régions qui continuent de tirer profit des dividendes de la mondialisation est l’Asie du Sud-Est», assure-t-il.
Une conjonction de facteurs défavorables
Les pays en développement pâtissent d’une politique budgétaire rigoureuse, de nature à brider l’activité économique. A cela s’ajoute la stagnation du niveau des salaires, qui pénalise de facto la demande des ménages, tout en affaiblissant le niveau des dépenses d’investissement productif. Interpellé sur les stratégies économiques à mettre en place par les pays en voie de développement à l’instar du Maroc, Rachid Bouhia a privilégié dans un premier temps trois axes que sont le renforcement de la demande intérieure, l’utilisation de la régulation contre les risques de la finance et la protection de l’espace politique et fiscal. A ces recommandations, il conviendrait d’adjoindre le renforcement des politiques industrielles, avec une réelle implication des pouvoirs publics. Dans le même ordre d’idées, l’expert de la Cnuced appelle le Maroc à poursuivre ses efforts dans le domaine de la diversification des partenaires économiques et d’œuvrer pour une meilleure intégration économique du Maghreb. En ce qui concerne le projet de changement du régime de change du Maroc vers plus de flexibilité, Rachid Bouhia a rappelé que les pays qui adoptent un taux de change sous-évalué développent des opportunités d’exportation plus grandes. A ce titre, l’exemple de la Chine est édifiant. A noter que du côté de l’organisme de Genève, on exhorte les pays en développement à privilégier le commerce SudSud, censé générer plus de valeur ajoutée.
Un commerce mondial timoré
Le rapport de l’entité des Nations unies fait état d’un net recul du commerce international qui enregistrera un taux de croissance de 1,5% en 2016. Deux facteurs sont à l’origine de cette contreperformance. Il s’agit de la contraction de la demande mondiale et la stagnation des salaires. Au niveau régional, Rachid Bouhia met en garde contre la désindustrialisation que connaît le Maghreb. Ce phénomène est rattaché à un phénomène plus global, celui de la baisse de l’effort d’investissement des entreprises dans l’appareil productif et les emplois. L’autre information de taille est que les marchés de capitaux s’arrogent de plus en plus les faveurs des investisseurs privés plus enclins à s’orienter vers des secteurs rentiers, qui ont peu d’impact sur le rattrapage économique des pays émergents ou en développement (pétrole, gaz, activités extractives, électricité, immobilier, etc.). Soulignons tout de même que les investissements du secteur privé sont sur un trend descendant. Outre l’afflux massif de capitaux spéculatifs que connaissent les pays en développement et la baisse des ratios investissements-bénéfices des entreprises des pays émergents, c’est le surendettement des pays exportateurs de produits de base qui inquiète les experts de la Cnuced. Pour preuve, la dette des entreprises des pays émergents culmine à 25.000 milliards de dollars. En définitive, le rapport montre de façon édifiante que l’économie mondiale est loin d’être sortie de la zone de turbulence créée par la crise économique et financière de 2008.
M. Diao