Les pharmaciens subissent de plein fouet la politique de la baisse des prix des médicaments en l’absence d’une augmentation de leur consommation par les citoyens.
La situation des pharmaciens va de mal en pis. C’est ce qu’ont déploré les professionnels du secteur lors du Congrès international des pharmaciens, organisé les 20 et 21 janvier à Rabat par la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc (FNSPM).
Lors de cette rencontre qui a fait salle comble, les différents maillons de la chaîne du médicament ont échangé sur les difficultés que traverse actuellement la profession. En tête de liste des contraintes, la politique pharmaceutique nationale lancée en 2015, visant à baisser les prix des médicaments et garantir l'accès aux médicaments et produits de santé. Elle commence à porter préjudice à toute la corporation. Cette baisse n’a pas, en effet, engendré une augmentation de la consommation des médicaments qui devait compenser les pertes. Bien que la baisse ait concerné 2.600 médicaments, les Marocains n’ont pas consommé pour autant plus de médicaments. Rappelons que la dépense moyenne par citoyen et par an se situe autour de 400 DH. Cette situation n’est pas sans conséquence sur les officines qui voient leurs marges se rétrécir.
Selon le président de l’Ordre des pharmaciens, Hamza Guedira, environ 3.500 pharmaciens d’officines ont fait faillite. Mais pas seulement, puisque toute la chaîne du médicament, des laboratoires aux officines en passant par les distributeurs, subit de plein fouet les conséquences de cette politique de baisse en l’absence d’un décollage de la consommation.
«Nous avons sollicité les pouvoirs publics, et plus particulièrement le ministère de la Santé, pour essayer de stopper l’hémorragie et faire appliquer les mesures d’accompagnement», souligne Hamza Guedira.
Des mesures stipulées dans la loi 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie, entrée en vigueur depuis 2006, qui ne sont toujours pas appliquées, dont les dispositifs médicaux (DM) stériles.
Les pharmaciens ne cessent de réclamer l’application de ce dispositif qui permettrait le retour du monopole des DM stériles au sein des officines, contrairement à la situation qui prévaut aujourd’hui où des seringues, des sondes, des compresses, des fils de suture et divers autres dispositifs stériles sont vendus dans des magasins, des épiceries, des kiosques et même à la sauvette devant les centres de soins et les hôpitaux. Les pharmaciens espèrent ainsi pouvoir compenser le manque à gagner que cette politique a engendré.
Le rappel à l'ordre
Outre les pertes engendrées par la baisse du prix des médicaments, la profession souffre d’autres maux pour ne citer que les médicaments de contrebande, la fiscalité qui ne cadre pas avec la politique de la baisse des prix, le droit de substitution revendiqué depuis un certain temps ainsi que les pratiques déloyales. C’est le constat relevé par les pharmaciens de la capitale économique qui dénoncent aussi des pratiques allant à l’encontre de la déontologie de la part de certains confrères. L’Ordre national des pharmaciens rassure cependant ses membres, en précisant que les pharmaciens qui n’ont pas respecté, entre autres, les mesures organisationnelles, sont passés par le Conseil de discipline. Des sanctions ont d’ailleurs été communiquées au Secrétariat général du gouvernement en vue de leur publication. A noter que les mesures disciplinaires ainsi que l’exécution des sanctions prononcées sont du ressort du Conseil national des pharmaciens.
Par L. Boumahrou
Le calvaire des pharmaciens
Les pharmaciens, à l’instar des indépendants, ne bénéficient toujours pas de la couverture médicale, alors que la profession constitue la pierre angulaire du système sanitaire. A ce propos, le Directeur général de l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM), Jilali Hazim, a souligné qu’un effort important a été fait pour l’élaboration du projet de loi relatif à l’assurance maladie obligatoire (AMO) pour les travailleurs indépendants et les non-salariés exerçant une profession libérale. Malheureusement, ledit projet est toujours bloqué au niveau du Parlement. Cela n’a pourtant pas empêché l’ANAM de préparer le terrain pour une mise en application directe de la loi : les pharmaciens figurent parmi les premiers concernés avec les médecins, les dentistes et les avocats.
«En partenariat avec tous les intervenants (CNSS, ministères de l’Emploi, des Finances et de la Santé), nous avons préparé tous les décrets d’application de cette loi pour une mise en oeuvre immédiate après adoption par le Parlement», a précisé Jilali Hazim.
L’ANAM cherche surtout à éviter le scénario de 2005, lorsque la mise en application de la loi 65-00 portant code de la couverture médicale obligatoire de base avait nécessité 3 ans.