Les coûts de production devraient augmenter aux dépens des marges.
Il est difficile de faire des projections pour les programmes d’investissement.
Par C. Jaidani
Le renchérissement des matériaux de construction est un vrai casse-tête pour les entreprises opérant dans le secteur des BTP et celui de la promotion immobilière. Les opérateurs sont entre le marteau et l’enclume. D’un côté, il y a la flambée des coûts de production et, de l’autre la régression de la demande sous l’effet de la crise économique. Conséquence : leurs marges et leurs volumes d’activité devraient prendre un sérieux coup, les poussant à faire des arbitrages difficiles.
Une enquête du ministère de l’Industrie et du Commerce publiée dernièrement fait état d’une hausse inédite, qui a touché les principaux matériaux : verre (+189%), cuivre (+61%), aluminium (+51%), inox (+39%), câbles électriques (+32%), bois (+25%) et fer à béton (+19%). D’autres produits ont connu une légère hausse à l’instar du ciment, du béton et de la céramique.
«La flambée des matériaux de construction n’est pas conjoncturelle, mais semble s’inscrire sur une longue période. Tout laisse présager que les prix vont augmenter davantage. La pandémie a perturbé les chaînes de valeur qui n’arrivent toujours pas à retrouver leur vitesse de croisière. De ce fait, l’offre des produits et des intrants se rétrécit. La hausse des coûts de transport et de logistique ainsi que les tensions géostratégiques dans le monde, notamment entre la Russie et l’Ukraine, deux grands exportateurs de matières premières, ont accentué davantage cette flambée. C’est une situation très redoutée par les opérateurs du secteur de la construction, car elle réduit sensiblement la visibilité et les met dans l’incertitude et l’instabilité. Quand on lance un projet, on fait des projections, notamment le coût de revient pour fixer la marge, et par la suite établir les prix de vente afin d’assurer un retour sur investissement. Cette opération est très difficile actuellement. La plupart des professionnels naviguent à vue et ne peuvent adopter des plans de développement bien ficelés», souligne Mohamed Alaoui, expert en immobilier. Interrogés à ce sujet, les promoteurs immobiliers sont perplexes.
Plusieurs d’entre eux ont décidé de revoir à la baisse leurs programmes d’investissement. D’ailleurs, les crédits octroyés aux promoteurs s’inscrivent dans un trend baissier. Ils ont accusé une baisse de 5% en janvier 2022, après -7% à fin décembre 2021 et une quasi-stagnation un an plus tôt. «Avec la réduction des restrictions sanitaires, nous avons pensé que la situation du secteur allait s’améliorer et que l’activité reprendrait son rythme normal. Mais il paraît que le marasme économique va perdurer au moins pour l’année en cours. La hausse des intrants a compliqué davantage la situation, car elle sera répercutée sur les prix de vente. Avec le niveau actuel, cela devrait porter un sérieux coup au marché qui présente plusieurs signes d’essoufflement», souligne Mohamed Regragui, promoteur à Casablanca.
Sous l’effet de ces contraintes, plusieurs professionnels du secteur ont estimé opportun de différer à des jours meilleurs le lancement de nouveaux projets. Chez les opérateurs du BTP, le même sentiment d’inquiétude règne. Les assurances données par le gouvernement, comme le renforcement de la commande publique, dont 75% reviennent au secteur, ne semblent pas leur suffire. Car, il est difficile de répondre à un appel d’offres en établissant des projections conformes à la réalité et à l’évolution du marché.