30% des 12.000 officines que compte le secteur seraient en faillite.
La contrebande, l’informel et la concurrence «déloyale» sont pointés du doigt.
Le département de tutelle promet de désamorcer la crise à travers la création de trois commissions.
Par Charaf Jaidani
La situation des pharmaciens va de mal en pis. Rares sont les professionnels de l’activité qui manifestent une certaine satisfaction quant à l’évolution de leur carrière. «Après les dures années de labeur que j’ai passées à l’étranger pour décrocher mon diplôme et les sacrifices de ma famille pour ouvrir une pharmacie, je suis aujourd’hui au bord de la faillite. Je ne peux honorer mes engagements notamment payer le personnel et mes créances. Je regrette d’avoir choisi ce métier et je compte sérieusement me convertir dans une autre activité», déclare amèrement Hassan A. La situation de ce pharmacien de Casablanca qui a à son actif plus de 25 ans d’exercice n’est pas isolée. Elle est similaire à d’autres professionnels du secteur répartis sur tout le territoire national.
Un constat confirmé par la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc (FNSPM), qui estime que sur les 12.000 officines que compte le secteur, 3.500, soit 30%, risquent de mettre la clé sous la porte à tout moment. 3.000 autres arrivent tout juste à boucler les fins de mois.
Il n’y a que 46% d’entre elles qui exercent normalement. Les plus touchés par la crise sont sous l’effet d’un surendettement et d’une rentabilité en nette baisse.
Les promesses du gouvernement pour trouver une issue favorable à leurs difficultés n’ont pas apaisé une grogne qui ne date pas d’aujourd’hui.
Certains pharmaciens ont commencé à mettre à exécution leurs menaces de grève. Un mot d’ordre a été observé le 27 décembre dernier, qui a été largement suivi avec une moyenne nationale de 85% et 100% dans les régions fortement impactées, comme l’Oriental, concurrencé par les produits de contrebande provenant d’Algérie ou de Sebta et Mellilia.
«Le cumul des problèmes qui secouent le secteur, nécessite une intervention urgente. Par exemple, les produits de contrebande sont le plus souvent périmés ou ne correspondent pas aux normes marocaines. C’est une menace sérieuse pour la santé des citoyens. Les promesses du gouvernement ne sont pas respectées. Il faut un programme de réformes de grande ampleur», souligne Mounir Tadlaoui, secrétaire général de la FNSPM.
La Fédération a menacé de lancer d’autres grèves si les autorités concernées ne répondent pas favorablement à son cahier revendicatif qui regroupe plusieurs mesures et doléances.
Concurrence déloyale
Outre la contrebande et le circuit informel, comme la vente sur Internet, qui plombent l’activité, la FNSPM déplore également la concurrence déloyale à laquelle se livrent les cliniques et autres centres hospitaliers.
Faisant référence au Code du médicament et de la pharmacie, l’article 30 de ce texte de loi 17-04 instaure l’obligation de la vente de médicaments exclusivement en pharmacie.
«C’est un manque à gagner important pour notre activité. En l’absence de mesures répressives contre les cliniques, le phénomène devrait prendre encore de l’ampleur», précise Tadlaoui.
En dépit des problèmes externes à l’activité des pharmaciens, d’autres problèmes d’ordre internes perturbent le fonctionnement du secteur, à l’image du non-respect des horaires d’ouverture, de la rotation de la garde, de la présence physique du pharmacien dans son officine ou de l’éthique professionnelle.
Certains dépôts de médicaments dans le monde rural, ou dans la périphérie des villes, ouvrent 24h/h, 7jours/7 et même les jours fériés. Les médicaments y sont livrés, le plus souvent, sans ordonnance médicale.
Pour désamorcer cette situation très tendue, la direction du médicament et de la pharmacie relevant du ministère de la Santé publique a proposé la création de trois commissions pour se pencher sur tous les problèmes évoqués.
La première est chargée des textes législatifs régissant la profession. La deuxième se penche sur la révision du décret 2-13-852 et des contraintes économiques de la profession.
La troisième a pour mission de veiller au respect du circuit légal du médicament et de rendre effectives les sanctions disciplinaires. ◆
Des doléances fiscales
Les pharmaciens estiment que la fiscalité pénalise leur activité à plusieurs niveaux. Déjà en crise, ils préconisent une imposition adéquate qui préserve leurs intérêts et ceux des citoyens. La FNSPM prône une imposition sur la base de la marge et non sur le chiffre d’affaires, comme c’est le cas actuellement. Elle appelle également à une baisse de la TVA ou sa suppression sur certains médicaments.