Plasturgie : Les industriels s'indignent, la Douane réagit

Plasturgie : Les industriels s'indignent, la Douane réagit

films agri

La Fédération marocaine de plasturgie (FMP) dénonce l’importation de produits agricoles dangereux pour la santé publique et l’environnement. Entre 40 à 100 tonnes de films agricoles usagés ont été introduites via l’un des ports du Nord. La FMP appelle les autorités à renforcer les mesures de contrôle dans les postes fronta­liers pour éviter la catastrophe. L’impact économique de ce trafic sur l’industrie de plasturgie reste minime.

L’importation de produits non conformes aux normes de sécu­rité, de qualité, et d’hygiène exigées, devient une pratique de plus en plus récurrente dans notre pays, malgré les moult sonnettes d’alarme tirées aussi bien par les asso­ciations des consommateurs que les professionnels des différents secteurs. C’est le cas de la Fédération maro­caine de plasturgie (FMP) qui vient de dénoncer, via un communiqué, l’importation de produits dangereux en prove­nance de l’Espagne. Il s’agit de l’introduction, en date du 20 août 2015, de 40 à 100 tonnes de films agricoles usa­gés (sans doute sous fausse déclaration au niveau des douanes, d’après le commu­niqué) via l’un des ports du Nord. Indigné, le directeur de la FMP, Nabil Saouaf, déplore l’inefficacité du système de contrôle, surtout que l’impor­tateur est connu des services des douanes.

«La question qu’on se pose aujourd’hui : comment ces importateurs arrivent-ils à introduire cette marchandise nocive à la santé du consom­mateur et à l’environnement, alors qu’il est connu des ser­vices ?», regrette le directeur de la FMP.

Contactée par nos soins, l’Ad­ministration des douanes et des impôts indirects affirme que durant les mois de juin, juillet et août 2015, le port de Tanger a enregistré 42 déclarations de ce produit, dont une seule a été refoulée.

Ce qui ne veut pas dire que les 41 déclarations sont des pro­duits conformes aux normes, loin de là. Et pour cause, si le contrôle documentaire de toutes les importations est systématique, le contrôle physique n’est déclenché que pour les marchandises à risque, en fonction de leur nature et de leur prove­nance. En moyenne annuelle, seules 15% des marchan­dises importées subissent un contrôle physique.

Une autre question s’impose dans cette affaire : com­ment ces produits, qui sont considérés comme étant des déchets, selon la Convention de Bâle ratifiée par le Maroc et par notre voisin ibérique, ont pu passer les douanes espagnoles ?

D’après la FMP, ces importa­teurs déclarent ces produits sous des nomenclatures diffé­rentes de la leur pour détour­ner les lois, entre autres, celle relative à la gestion des déchets et à leur élimination, récemment promulguée par le Maroc. Cette loi stipule, dans son article 42, que «l’impor­tation des déchets dangereux est interdite. Lesdits déchets ne peuvent transiter par le territoire national que sur autorisation de l’administra­tion».

La FMP tient également à souligner que le choix de la date d’entrée de ces produits dangereux, à savoir le 20 août (anniversaire de la Révolution du Roi et du peuple), soit un jour non-ouvrable, n’est pas fortuite et démontre l’intention mafieuse des importateurs.

«Ces importateurs renforce­raient leurs moyens et utilise­raient des filières douteuses bien maîtrisées qui nécessite­raient aujourd’hui des investi­gations plus poussées et des mesures plus draconiennes», lit-on dans le communiqué de la FMP.

Un fait que conteste l’ADII pour qui le communiqué de la FMP n’apporte pas encore d’éléments de preuve sur la véracité de ces informations.

«A ce sujet, il faut noter que l’Administration n’autorise l’enlèvement desdits films plastiques agricoles qu’après production par l’importateur de l’autorisation d’accès au marché, délivrée par le département du Commerce et de l’Industrie, habilité à se prononcer sur leurs qualités», pré­cise l’ADII. Toutefois, ces produits, introduits supposément sous fausse déclaration, sont mis sur le marché sans aucune autorisation des autorités de tutelle, soit de façon illégale.

Pour le président de l'association Uniconso, Ouadie Madih, cette affaire n’est pas un cas isolé, mais une réalité ardue qui, une fois de plus, remet en question l’efficacité de notre système de contrôle.

«Si l'admission de ces films agricoles se confirme, cela s’ajouterait à la liste des produits d’origines douteuses (médicaments de contrebande, pro­duits alimentaires périmés et dange­reux…) qui contiennent des subs­tances toxiques et qui envahissent nos marchés, mettant ainsi en danger la santé des citoyens ainsi que de l’envi­ronnement», précise Ouadie Madih.

Et pourtant le business continue…

Un business juteux pour ces importa­teurs qui profitent des failles du sys­tème pour introduire des produis agri­coles usagés imbibés de pesticides et qui contiennent un taux de souillure élevé en matière organique et pes­ticide. Ce qui n’est pas sans consé­quence sur le secteur agricole, sur la terre et le consommateur. En effet, ces films agricoles peuvent contenir des virus ou des insectes qui peuvent cau­ser des ravages. Les conséquences sur l’agriculture, principal moteur de croissance du Maroc, peuvent être très lourdes, d’où la nécessité d’agir vite pour arrêter ce trafic.

«Nous dénonçons aujourd’hui ce tra­fic, qui souille la réputation du sec­teur de la plasturgie marocain, pour dégager toute responsabilité en cas de problèmes liés à l’utilisation de ces films agricoles usagés», tient à préci­ser Nabil Saouaf.

Et d’ajouter que l’impact économique de ce trafic sur l’industrie de plasturgie reste minime, comparativement à celui sur la santé publique et sur l’environ­nement.

La Fédération appelle les autorités à renforcer les mesures de contrôle, sur­tout que ces importateurs s’apprêtent à introduire une quantité importante de films de serres usés (récupérés dans les exploitations espagnoles) dans les jours à venir. Quelles sont alors les actions entreprises par l’Administra­tion contre ces fraudeurs ?

Aucune, pour l’instant. Et pour cause, l’ADII ne dispose toujours pas d’infor­mations précises sur cette affaire. «Suite à un écrit de la FMP, adressé à la Douane, nous avons contacté par téléphone le président de ladite Fédération pour recueillir les infor­mations dont il dispose aux fins de prendre les mesures qui s'imposent. Cependant, au jour d'aujourd'hui, l’ADII n'a pas encore reçu d’indica­tions compromettantes à ce propos», précise l’ADII, tout en indiquant qu’elle reste vigilante et très sensible à ce sujet. Affaire à suivre.

Réaction de l’Association des consommateurs

La FMP est invitée à collaborer avec nos deux fédérations afin de cerner ce problème et démasquer les criminels.

Aussi, nous exhortons les instances de contrôle à être vigilantes et de prendre toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder la santé et la sécurité du consommateur et toutes les espèces qui peuvent être atteintes par les toxines qui émanent de ces films réutilisés.

Il est du devoir des autorités compétentes de faire les analyses adéquates en vue de protéger la santé des consommateurs et les autres espèces.

La Fédération nationale des associations du consommateur ne peut pas rester muette, et demande aux départements ministériels, responsables de la surveillance du marché, de prendre leurs responsabilités et veiller à la protection du consommateur et de son environnement. Un courrier dans ce sens sera adressé aux ministères de l’Industrie et du Commerce, à la Direction des douanes et impôts indirects, aux ministères de la Santé, de l’Agriculture, de l'Environnement et de l'Intérieur. Aussi, nous invitons tous les consommateurs à prendre toutes les mesures nécessaires pour se prémunir des produits douteux qui peuvent porter atteinte à leur santé.

Comment l’ADII détecte-t-elle les fausses déclarations ?

La détection de fausses déclarations entre dans le cadre de la lutte contre la fraude que l’Administration des Douanes inscrit parmi les chantiers les plus impor­tants, qui connaissent un développement continu, notamment à travers :

• L’analyse du risque, per­mettant une vérification sélective et automati­sée des marchandises à risque en se basant sur des critères préalablement éta­blis;

• Le contrôle a priori per­mettant, grâce à l'analyse des déclarations, de cibler les opérations à risque avant même l’entrée des marchandises sur le terri­toire national;

• L'expérience, la vigi­lance et la mobilisation des agents de douane opérant sur le terrain;

• Des moyens de contrôle non intrusif, tels que les scanners, déployés pra­tiquement dans tous les ports du Royaume;

• La collecte et la diffusion de renseignements.

Lamiae Boumahrou

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