Nouvelle loi sur l’arbitrage et la médiation: des procédures «rapides, flexibles et confidentiels»

Nouvelle loi sur l’arbitrage et la médiation: des procédures «rapides, flexibles et confidentiels»

La loi 95-17 relative à l’arbitrage et la médiation conventionnelle a été publiée au Bulletin officiel n°7099 du 13 juin 2022.

Le nouveau dispositif juridique vient modifier les dispositions applicables à l’arbitrage et la médiation conventionnelle, avec un fil conducteur qui est la flexibilité et la célérité.

Entretien avec Zineb Naciri-Bennani, avocate au Barreau de Paris et au Barreau de Casablanca, arbitre, médiatrice et praticienne du processus collaboratif (AFPDC).

 

Propos recueillis par M. Diao

 

 

Finances News Hebdo : La loi 95-17 relative à l’arbitrage et la médiation conventionnelle a été publiée au BO n°7099 du 13 juin 2022. Cette publication tombe-t-elle à point nommé ?

Zineb Naciri-Bennani : C’est une loi très attendue par l’ensemble des professionnels. Nous avons aujourd’hui au Maroc, grâce à cette loi, une sorte de code des modes alternatifs de règlement des conflits, qui est un outil pour les investisseurs désireux d’éviter le recours aux procédures judiciaires longues et coûteuses. Sa Majesté le Roi Mohammed VI affirme et rappelle cet objectif de développement des modes alternatifs de règlement des différends (MARD) depuis son discours du 20 août 2009; et les efforts de concrétisation sont visibles, notamment par la création de nouveaux centres d’arbitrage et de médiation et la mise en place de médiateurs institutionnels, dont certains doivent être obligatoirement saisis avant tout recours en justice. D’ailleurs, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, évoque un projet d’instance d'arbitrage international à créer dans la ville de Casablanca, en accord avec le Tribunal arbitral de La Haye. Tout ceci vient rassurer les investisseurs nationaux ou étrangers sur l’amélioration du climat des affaires dans le pays et la sécurité juridique à laquelle ils peuvent s’attendre et qui est un préalable fondamental.

 

F.N.H. : Quels sont les principaux apports du nouveau dispositif juridique ?

Z.N.B. : Cette loi s'inscrit dans le cadre d’une politique d'ouverture du Maroc dans ses relations économiques, au regard notamment des conventions de libreéchange mises en place et de la promotion du Maroc comme place internationale de l’arbitrage et de la médiation. Elle vient modifier les dispositions applicables à ces MARD, avec un fil conducteur qui est la flexibilité et la célérité. Le premier volet est celui de l’arbitrage, pour lequel la loi introduit des éclaircissements attendus via des définitions de notions telles que l’arbitrage international, le tribunal arbitral ou le tribunal étatique compétent, et la consécration des principes tels que le principe d’indépendance de la clause compromissoire ou le principe de compétence-compétence, permettant de favoriser le recours à l’arbitrage et la célérité de cette procédure. La loi se distingue également par sa souplesse en ce qui concerne l’arbitrage interne ou international, sur les conditions de validité de la convention d’arbitrage ou sur les conditions de recours à l’arbitrage en matière administrative. Elle prend en compte les avancées technologiques pour permettre tant la conclusion de la convention d’arbitrage, que les échanges de requêtes et mémoires par voie électronique ou la possibilité de rendre les sentences arbitrales par le même biais, ainsi que la tenue de réunions et audiences par visioconférence. Un texte réglementaire viendra encadrer la liste des arbitres jusque-là présente au niveau des Cours d’appel, levant l’obligation des centres d’arbitrage ou des arbitres personnes physiques de se déclarer auprès du Procureur général. Par ailleurs, la loi renforce ses exigences vis-àvis des arbitres.

En parallèle à cela, le juge étatique conserve une compétence pour l’exequatur, en matière de récusation des arbitres, ou pour statuer sur les chefs de demande omis par le tribunal arbitral. Pour ce faire, la loi consacre la compétence du tribunal administratif lorsque l’une des parties est une personne de droit public. Le cas échéant, les tribunaux civils ou commerciaux sont compétents, sauf en matière d’arbitrage international qui reste soumis à la compétence du tribunal de commerce. Quant au second volet de la loi qui est la médiation, les avancées sont importantes, puisque le processus de médiation devient plus flexible s’agissant des conditions de mise en place de la convention de médiation ou des conditions de déroulement de celleci, qui sont d’ailleurs précisées. Les médiateurs doivent désormais répondre à un certain nombre de qualités, à savoir l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité et la loyauté. L’issue de la médiation reste la transaction, qui peut faire l’objet d’exequatur, le tribunal devant dorénavant statuer dans un délai maximal de 7 jours.

 

F.N.H. : Quels sont les avantages des modes alternatifs de règlement des conflits par rapport aux procédures judiciaires ?

Z.N.B. : Les avantages sont multiples et répondent aux contraintes actuelles du monde des affaires. L’arbitrage et la médiation sont rapides, flexibles, confidentiels et à moindre coût. Ainsi, l’arbitrage et la médiation sont des modes de règlement des conflits mis en place de manière consensuelle par les parties qui prennent la décision d’aller en médiation ou en arbitrage, ainsi que les principales modalités de ceux-ci, à savoir, le médiateur ou l’arbitre désigné, le lieu, la langue, etc. Le choix de l’arbitre ou du médiateur n’est pas anodin, puisqu’il est très apprécié dans des différends de nature technique, notamment en matière de nouvelles technologies, en matière environnementale ou tous différends nécessitant une connaissance ou une expertise poussées. Il s’agit également de modes rapides de règlement des conflits, puisque la médiation est soumise au délai de 3 mois renouvelable pour atteindre une durée maximale de 6 mois, alors que l’arbitrage est soumis à un délai de 6 mois renouvelable une fois.

S’agissant du coût, si la médiation est indéniablement moins coûteuse, pour l’arbitrage, tout dépend de la procédure suivie, du nombre d’arbitres désignés, du centre saisi et du montant du litige en jeu. Aussi, la médiation et l’arbitrage sont confidentiels. Les audiences ou les réunions ne sont pas publiques. Les parties souhaitant que leur affaire ou certains faits qui les concernent ne soient pas portés à la connaissance du public ont tout intérêt à recourir à l'arbitrage et à la médiation. La sentence arbitrale ou la transaction en matière de médiation sont des documents qui, une fois soumis à l’exequatur, ont la même valeur qu’une décision de justice définitive et exécutoire. Il n’est pas nécessaire d’attendre le délai d’appel et le juge de l’exequatur n’examine pas le fond du différend. Enfin, la médiation, de par son caractère amiable, permet aux parties de maintenir leurs relations économiques et commerciales et éventuellement les développer.

 

F.N.H. : Selon vous, la nouvelle loi est-elle de nature à renforcer l’engouement des opérateurs économiques pour les modes alternatifs de règlement des différends ?

Z.N.B. : Cette loi est un pilier pour l'amélioration du climat des investissements au Maroc dans sa dimension juridique et judiciaire. La réforme favorise la médiation et l’arbitrage, et les opérateurs économiques ont tout intérêt à recourir à ces modes alternatifs. Surtout, en raison de la flexibilité des conditions de mise en place de conventions d’arbitrage et de médiation, toute personne souhaitant soumettre un conflit à la médiation ou à l’arbitrage peut le faire à tout moment, en précisant que même après la saisine d’un tribunal étatique ou arbitral, le recours à la médiation peut avoir lieu à chaque fois que les parties le souhaitent. Aujourd’hui, le droit marocain contient des dispositions compatibles avec les conventions internationales en la matière et similaires aux dispositions existantes dans les lois étrangères, au moment où le pays dispose de centres de médiation et d’arbitrage avec l’expertise et l’expérience nécessaires pour répondre au mieux aux besoins des sociétés nationales ou étrangères. 

 

 

 

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