L’esprit de ce texte est à vocation urbaine. Pourtant ses clauses sont appliquées à la lettre dans les campagnes. Un climat de tension existe entre les citoyens et les agents d’autorité.
Six mois après son entrée en vigueur, la loi 66-12 suscite toujours des remous et des interrogations, non seulement chez les professionnels de la construction, mais aussi chez les agents d’autorité et les citoyens. L’interprétation de certaines clauses est sujette à des discussions houleuses entre les usagers et les autorités locales, surtout dans le monde rural. Il n’y a pas que les architectes, les promoteurs immobiliers, les géomètres-topographes et autres acteurs du secteur de la construction qui dénoncent le caractère ambigu de cette loi, mais aussi de simples citoyens. Certains se voient refuser des autorisations d’entretien sous prétexte qu’il y a un risque de construction anarchique. «L’esprit de la loi 66-12 est à vocation urbaine pour lutter contre les effondrements d’immeubles. Ce qui n’est pas le cas dans le monde rural où il n’y a que très peu de surélévation. Les clauses de ce texte sont très rigoureuses et les sanctions contraignantes. Les moukaddams et chioukhs deviennent très vigilants, voire capricieux pour n’importe quelle opération, même les plus élémentaires, comme la réfection ou le changement de carrelage.
Chaque dépôt de matériaux de construction entraîne des va-etvient des agents d’autorité pour vérifier la conformité des opérations avec la réglementation en vigueur. Ils sont devenus pénalement responsables de chaque laisser-faire ou abus en la matière», souligne Mohamed Alaoui, expert en immobilier. Cette situation a créé un climat de tension et les agents d’autorité sont sur le qui-vive. Dans le monde rural où les constructions anarchiques foisonnent, les citoyens sont perplexes face à cette nouvelle situation. «J’ai entamé des travaux d’entretien du toit de ma maison qui a été impacté par l’humidité.
24 heures après le début des travaux, j’ai reçu une convocation du Caïd de notre arrondissement. Il m’a notifié d’arrêter le chantier sous peine d’être déféré en justice. Pour suivre la voie préconisée et demander une simple autorisation d’entretien, c’est un véritable parcours du combattant. Il faut l’aval de plusieurs administrations et, en dernier recours, donner des pots-de-vin pour avoir le précieux sésame», souligne Mohamed Mahrane, de la région de Benslimane. Le cas de ce citoyen est vécu systématiquement par d’autres. La plupart des usagers dans le monde rural ne peuvent obtenir une autorisation ni de construire ni d’entretien du fait que leur logement n’est pas conforme aux règles en vigueur :
le terrain, objet des travaux, est dans l’indivision. Pour toute demande, les autorités locales requièrent l’aval de tous les héritiers ou les autres copropriétaires. Ce qui est difficile à concrétiser. «Il faut noter que toute la politique de l’Etat au niveau de l’habitat est focalisée sur les villes. Dans le monde rural, il faut instaurer des lois plus pratiques et des clauses réalistes et réalisables», précise Alaoui. En effet, le changement des règles qui encadrent l’urbanisme dans les zones rurales permettra de faciliter et d’améliorer les procédures en la matière. L’absence d’un cadre juridique adéquat a encouragé l’habitat anarchique. ■
Par C. Jaidani
Des clauses en déphasage avec la réalité
Pour garder l’aspect agricole dans le monde rural, la loi interdit tout morcellement de moins d’un hectare, soit 10.000 m2. C’est la superficie minimum exigée pour construire un logement ou des bâtiments d’exploitation. Le coût d’acquisition d’une telle surface est inaccessible pour une bonne partie de la population cible, surtout dans les zones limitrophes des périmètres urbains. En revanche, on note l’absence d’un produit dédié à cette catégorie de personnes.