Maroc-Union européenne: les provinces sahariennes ont beaucoup bénéficié de l’accord agricole

Maroc-Union européenne: les provinces sahariennes ont beaucoup bénéficié de l’accord agricole

Le nombre d’investissements, d’exploitations et d’emplois a nettement augmenté.

La majeure partie de la production est destinée à l’export vers l’Europe.

 

Par C. Jaidani

 

L’Union européenne est le premier partenaire économique du Maroc. En 2020, le commerce total des marchandises entre les deux parties s'est élevé à 35,3 milliards d'euros. En volume, 64% des exportations du Maroc sont dirigées vers l'Europe et 51% des importations du Maroc proviennent de l'Union. Pour leur part, les échanges agricoles ont atteint près de 4,6 milliards d’euros en 2020, représentant 13% des échanges globaux de biens entre les deux partenaires.

Le Royaume exporte essentiellement des fruits, des légumes et des produits oléicoles. Et il importe des céréales, des oléagineux et autres produits de base. L’accord agricole entre Rabat et Bruxelles a été adopté par une large majorité au Parlement européen. C’est l’exemple type du partenariat win-win. Mais la Cour européenne de justice a rendu dernièrement son jugement concernant le recours en annulation des décisions du Conseil européen au sujet des accords agricole et de pêche avec le Maroc.

Le tribunal annule ces décisions «en maintenant leurs effets pendant une certaine période afin de préserver l'action extérieure de l’UE et la sécurité juridique de ses engagements internationaux». Bruxelles et Rabat n’ont pas tardé à réagir à ce jugement avec une déclaration conjointe de Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, et Josep Borrel, Haut représentant et vice-président de la Commission européenne. «Nous prendrons les mesures nécessaires afin d’assurer le cadre juridique qui garantisse la poursuite et la stabilité des relations commerciales entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc. Nous restons pleinement mobilisés pour continuer notre coopération avec le Maroc, dans un climat de sérénité et d’engagement, afin de consolider notre partenariat de prospérité partagée, lancé en juin 2019. Nous continuerons à œuvrer pour développer les multiples dimensions de ce partenariat stratégique, dans le même esprit de mobilisation, de cohérence et de solidarité», lit-on dans la déclaration conjointe. Pour les représentants de l’agriculture nationale, cette décision «n’aura aucun impact immédiat sur le secteur». «Nous allons continuer à travailler légalement avec l’Union européenne, tout en préparant la réponse à la Cour d’appel pour éclaircir définitivement la confusion qui règne dans cette décision et régler par la même occasion nos différends», a indiqué Mohamed Alamouri, président de la Confédération de l’agriculture au Maroc.

«Économiquement parlant, les produits des provinces du Sud continuent à être commercialisés, que ce soit ceux de la pêche ou de l’agriculture. On ne peut du jour au lendemain demander à un agriculteur d’arrêter son activité dans l’immédiat. Plusieurs accords sont signés dans ce sens et leur arrêt direct ne peut que porter préjudice aux deux parties», a-t-il précisé. «Le temps que le Conseil européen donne une réponse, en l’occurrence dépose un pourvoi, le professionnel marocain est tout à fait disponible et disposé à argumenter du bien-fondé d’exercer dans les provinces du Sud, toute activité économique et sociale nécessaire au développement de cette région, par le biais du marché européen», a ajouté Alamouri.

En effet, l’accord agricole entre le Royaume et l’UE a permis de développer l’investissement dans le secteur, notamment dans la région de Dakhla. Dans son premier rapport d’évaluation après son entrée en vigueur le 19 juillet 2019, la Commission européenne atteste de sa bonne mise en œuvre. Il s’est traduit notamment par des bénéfices réels au profit des provinces du Sud, y compris en période de crise sanitaire liée à la Covid-19.

Dans ce document rendu public fin décembre 2020, l’exécutif européen précise que l’accord agricole, qui étend les préférences tarifaires aux produits du Sahara marocain, a permis l’éclosion d’une nouvelle dynamique et d’un dialogue positif et constructif dans l’intérêt mutuel des deux partenaires. Concernant les bénéfices pour la population du Sahara marocain, le rapport a confirmé les acquis importants obtenus par le Royaume, dans le cadre de son partenariat stratégique avec l’UE. Plusieurs indicateurs confirment ce constat.

Par exemple, au niveau de Dakhla, la région du Sahara dont les produits agricoles sont en grande partie destinés à l’export vers l’UE, les réalisations sont en nette évolution. Ainsi, la superficie cultivable pour la filière des primeurs sous serre a atteint, pendant la saison 2019-2020, environ 1.000 ha. Grâce à plusieurs conditions favorables comme le climat et le savoir-faire des investisseurs, les rendements à l’export réalisés sont très satisfaisants et s’élèvent entre 120 à 220 tonnes/ ha pour la tomate, 45-60 t/ ha pour le melon et 100 t/ ha pour les poivrons. Entre 2016 et 2019, la production a augmenté de 44%.

Les tomates et les melons sont les produits phares exportés. Au cours de la même période, 92.000 tonnes ont été produites, dont 59.400 exportées vers l’UE. En 2020, la filière a créé 1.700.000 journées de travail, soit 80% de l’emploi dans le secteur agricole. La valeur de la production de cette filière dépasse 676 millions DH/an et la valeur ajoutée réalisée pour la campagne 2019/2020 est de 200 millions de DH.

La culture des primeurs, filière agricole la plus importante de la région de DakhlaOued Eddahab, s’érige en une expérience inédite dans les provinces du sud. En effet, les périmètres irrigués destinés essentiellement à la production de primeurs sous-serre constituent un exemple concret de la réussite des efforts de mise en valeur agricole des terres sahariennes. Le climat tempéré qui prévaut toute l’année sur la bande littorale de la baie de Oued-Eddahab, les encouragements octroyés par l’Etat et la ténacité des exploitants de ces périmètres à les rendre aptes aux différentes cultures se sont traduits, en l’espace de quelques années, par la mise en valeur de plusieurs exploitations de dernière génération, dotées d’équipements de pointe. La genèse de l’agriculture moderne à forte valeur ajoutée est le fruit de quelques grands groupes agricoles, notamment les Groupes Tazi et Derham. Mais depuis quelques années, une nouvelle génération d’exploitants a émergé. Regroupés autour de l’AJIDA, un groupement d’intérêt économique (GIE) composé de 15 jeunes diplômés sahraouis, a décidé d’investir dans le secteur.

«L’agriculture locale sert en premier lieu les petits exploitants de la région, car elle leur permet de développer leur autonomie financière. Même les grands groupes assurent de l’emploi pour les jeunes de la région  et continuent d’investir pour drainer de la valeur ajoutée», témoigne Maaelaynine Rabii Rabou, exploitant à Dakhla. «Grâce aux efforts de l’Etat, notamment au niveau de l’encadrement technique, à un ensemble de mesures de soutien comme les subventions ou les crédits à des taux préférentiels et à un appui sur le plan commercial, nous avons pu réussir notre projet», précise-t-il.

 

La diversification des débouchés s’impose
Pour ses exportations agricoles, le Maroc dépend de l’Europe. Outre les contraintes réglementaires, de qualité et de normes, la dernière décision de la Cour européenne annulant les accords agricoles et de pêche devrait inciter l’Etat marocain à diversifier ses débouchés. Néanmoins, les exportateurs marocains de produits agricoles préfèrent le marché européen qu’ils connaissent et maîtrisent très bien. Ils n’osent pas prendre de risque en s’aventurant sur des marchés peu connus. Alors que la logique voudrait qu’ils investissent de nouvelles destinations qui présentent des perspectives de développement importantes. Avant 1995, la Russie, par exemple, n’était pas dans le viseur des producteurs marocains. Actuellement, c’est un grand client, surtout pour les agrumes. D’autres marchés comme les Etats-Unis sont peu investis malgré les potentialités qu’ils représentent. Pour investir ce genre de marché, il faut être en mesure d’honorer les contrats. Le regroupement des exploitants sous forme de consortiums permettra de bien négocier avec les clients, de répondre aux normes et aussi à la demande. Mais pour qu’il soit efficace, ce genre de groupements doit bénéficier de mesures de soutien publiques.

 

 

 

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