Beaucoup d’éléments objectifs concourent à l’existence d’un chômage de masse pour cette année particulière.
La contraction de la croissance projetée pour 2022 assombrit les perspectives du marché du travail.
Par M. D
Pour peu que l’on s’intéresse à la dynamique économique qui prévaut, il est assez aisé de constater que les ambitions de l’exécutif en matière de création d’emplois sont disproportionnées par rapport à la réalité économique. A l’issue de son dernier Conseil qui s’est tenu récemment, Bank Al-Maghrib a revu à la baisse ses prévisions de croissance en les adaptant aux nouvelles donnes nationales et internationales.
La Banque centrale table désormais sur un taux de croissance inférieur à 1% du PIB (0,7% du PIB). Cette révision commande une réflexion portant sur l’impact de la contraction de la croissance sur le taux de chômage. Pour rappel, celui-ci a culminé à 12,3% en 2021. Et ce, en dépit d’un taux de croissance substantiel de 7,3% du PIB au cours de l’année dernière. Interrogé sur la dynamique du marché de l’emploi largement tributaire de l’activité économique, l’économiste Azeddine Akesbi rappelle d’abord que la crise liée à la pandémie a été à l’origine de la destruction de l’équivalent de trois années de création d’emplois au Maroc.
«Il faut savoir que jusque-là, des secteurs pourvoyeurs d’emplois et faisant partie de l’écosystème du tourisme (qui peine à retrouver son niveau d’activité d’avant crise), ont du mal à redémarrer. En conséquence, ces branches relèguent le recrutement au second plan», explique-t-il. Notre interlocuteur, qui qualifie d’optimistes les prévisions de la Banque centrale, n’écarte pas l’hypothèse d’un taux de croissance nul, voire négatif pour 2022. Une année particulièrement difficile pour l’économie nationale en raison de l’accumulation d’une kyrielle de facteurs défavorables (sécheresse, inflation, hausse des coûts des intrants pour les entreprises, perte de pouvoir d’achat, dégradation des comptes publics, etc.).
«Les statistiques prouvent qu’un point de croissance génère entre 28.000 et 32.000 postes de travail au Maroc. Or, avec une croissance quasi nulle que le pays devrait enregistrer cette année, il n’est pas exagéré de tabler sur un taux de chômage très élevé pour 2022. Sachant que le niveau du chômage a toujours été sous-estimé au Maroc. Plus d’un million d’actifs sont en situation de sous-emploi qui, en réalité, est une forme de chômage déguisé», avance l’économiste. Par ailleurs, la sécheresse qui prévaut est particulièrement néfaste pour les créations d’emplois. Pour rappel, d’après la DEPF, le secteur agricole est pourvoyeur d’emplois pour une frange importante de la population.
L’agriculture représente 38% de la population active occupée. Ceci étant rappelé, pour la campagne agricole en cours, force est d’admettre que le déficit pluviométrique fait le lit d’une destruction massive de postes de travail agricoles. D’ailleurs, la Banque centrale table sur une production céréalière très modeste de près de25 millions de quintaux (contre 103 millions de quintaux en 2021).
L’impasse ?
En période de crise et de grande adversité, l’Etat doit prendre le relais pour jouer le rôle de locomotive du tissu économique. Ce qui peut prendre la forme d’investissements massifs dans de grands projets d’infrastructures, générateurs d’emplois. Or, de l’avis de Akesbi, les marges de manœuvre budgétaires du gouvernement ont été réduites considérablement par la pandémie. L’Exécutif aurait les mains liées par un niveau d’endettement record et un déficit public qui ne devrait pas être en dessous de 6% du PIB pour l’année en 2022. Au registre des solutions allant dans le sens de la dynamisation du marché de l’emploi pour l’année en cours, Azeddine Akesbi exhorte le gouvernement à multiplier les mesures susceptibles de booster l’activité des métiers du tourisme et celle des autres branches liées à celui-ci.
«Exiger le test PCR pour les touristes étrangers au niveau des aéroports pendant que d’autres pays lèvent les restrictions liées à la pandémie, est une pratique inappropriée dans un contexte où le tourisme a besoin d’atteindre promptement son niveau d’activité d’avant crise», fait observer notre interlocuteur. Au final, beaucoup d’éléments objectifs concourent à l’existence d’un chômage de masse pour cette année. L’industrie, qui constitue l’un des premiers secteurs pourvoyeurs d’emplois stables au Maroc, doit faire face à une contrainte de taille, celle de la flambée des prix des intrants.