L’amélioration du fonctionnement du marché du travail nécessite des réformes ambitieuses, notamment aux plans économique et éducatif.
Si certaines institutions internationales préconisent une meilleure flexibilité du marché du travail au Maroc, d’autres voix se lèvent pour en appeler à la prudence, car l’important serait ailleurs.
Pour peu qu’on s’intéresse au marché du travail national, il est assez facile de constater que le fonctionnement de celui-ci est loin d’être optimal. Les facteurs à l’origine de ce dysfonctionnement sont nombreux. Il y a l’inadéquation entre la formation et les attentes des entreprises, la croissance peu génératrice d’emplois et la conjoncture économique peu favorable au recrutement de la part des PME, fragilisées, entre autres, par les délais de paiement anormalement longs. Face à ces multiples contraintes, certains organismes internationaux, à l’instar du Fonds monétaire international (FMI), suggèrent une meilleure flexibilité afin d’améliorer le marché du travail. Du reste, les réformes y afférentes ne font pas toujours l’unanimité sous d’autres cieux, même si, dans certaines conditions, elles peuvent améliorer la compétitivité des entreprises par le biais de l’accroissement des heures de travail par exemple. Pour rappel, face à la grogne des mouvements syndicaux, d’une partie des parlementaires et de l’opinion publique française, Manuel Valls, Premier ministre français, a eu recours à l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter la fameuse loi «El Khomri» portant sur la réforme du Code du travail, sans passer par le Parlement français. La levée de boucliers contre cette refonte de la législation censée apporter plus de flexibilité au marché du travail français, a été vivement décriée à cause de la précarisation des emplois qui en découlent. Désormais, en France, le patron d’une entreprise de moins de 11 salariés peut allègrement licencier en cas de baisse du chiffre d’affaires ou du carnet de commandes au cours d’un trimestre par rapport à la même période de l’année précédente. Au regard de ce qui précède, une meilleure flexibilité du marché du travail supposant une relative facilité pour un employeur de se séparer de son salarié est-elle opportune dans le contexte marocain ? A en croire Mehdi Lahlou, professeur et économiste, l’important est ailleurs, même si la situation du marché du travail demeure préoccupante au Maroc. «Depuis des décennies maintenant, il y a un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande d’emplois nettement supérieure dans notre pays», assure-t-il.
La dure réalité des chiffres
L’économie nationale poursuit sa trajectoire de destruction des postes de travail. Entre le troisième trimestre de 2015 et la même période de 2016, 125.000 emplois ont été perdus. Pour sa part, l’industrie (y compris l’artisanat) a perdu près de 44.000 postes de travail au troisième trimestre 2016. Ce qui amène légitimement à s’interroger sur l’efficacité du Plan d’accélération industrielle (PAI), qui a pour ambition de générer près de 500.000 emplois à l’horizon 2020. Si le taux de chômage au niveau national a été en dessous de la barre des 10% au troisième trimestre 2016 (9,6%), il n’en demeure pas moins que les jeunes diplômés et les femmes continuent d’être les parents pauvres du marché du travail au Maroc.
A titre illsutratif, le taux de chômage des jeunes détenteurs d’un diplôme de niveau supérieur a été de 22,3% au troisième trimestre 2016. Celui de la gente féminine a culminé à 11% contre 9,1% pour les hommes. Plus un jeune est formé, moins il a de chances de trouver un emploi. Dans le même temps, les personnes sans diplôme ont un accès plus aisé au marché de l’emploi, comme en témoigne le faible taux de chômage de cette catégorie de personnes (3,8% au troisième 2016). «Au-delà de ces chiffres qui interpellent, l’agriculture et les activités localisées hors du périmètre urbain sont davantage créatrices d’emplois au Maroc. Elles pèsent entre 40 et 45% des postes de travail disponibles», fait remarquer Mehdi Lahlou. Cela justifie quelque part les écarts importants de taux de chômage entre les milieux urbain et rural. D’après notre interlocuteur, la question de la flexibilité du travail telle qu'abordée dans les pays développés doit être posée différemment au niveau national. Car, par exemple, en Europe contrairement au Maroc, les personnes mieux instruites ont davantage de chances d’être recrutées. «A mon sens, apporter plus de flexibilité à notre marché du travail consisterait à mieux former la population active afin d’accroître sa capacité à changer d’activité. Cela améliorerait son niveau d’adapation face à l’évolution des métiers», suggère l’économiste.
M. Diao
Quid du Code du travail ?
Si certains estiment que le Code du travail adopté au Maroc en 2004 est assez contraignant pour les employeurs, Mehdi Lahlou ne partage pas cet avis. «Bien au contraire, ce dispositif n’est pas restrictif pour les patrons, qui ne sont pas tenus de garder leurs salariés à vie», confie-t-il. En d’autres termes, la législation qui encadre, entre autres, la relation entre l’employeur et l’employé ne constituerait pas d’obstacle à l’employabilité au Maroc. Au demeurant, notons que pour des raisons de commodité (meilleure emprise sur le personnel) et de réduction des coûts, certaines entreprises marocaines sont plus enclines à récruter des salariés moins diplômés et moins formés. Ce qui n’est pas sans conséquence sur leur compétitivité.