Licenciement économique : On vous dit tout

Licenciement économique : On vous dit tout

Le licenciement pour motif économique est subordonné à une autorisation délivrée par le gouverneur de la préfecture ou de la province.

On peut certainement s'attendre à une hausse des demandes d'autorisation dans une situation où plusieurs entreprises sont au bord du dépôt de bilan.

Entretien avec Me Nesrine Roudane, avocate au Barreau de Casablanca, membre du Conseil de l’Ordre des avocats au Barreau de Casablanca, présidente de la commission juridique et fiscale de la CFCIM, associée-gérante Roudane & Partners Law Firm.

 

Propos recueillis par B. Chaou

 

Finances News Hebdo : Dans quels cas et conditions une entreprise peut-elle évoquer le licenciement pour cause économique pour mettre fin au contrat d'un collaborateur ?

Nesrine Roudane : Suivant l'article 66 du Code du travail, dès lors qu'il existe un motif technologique (automatisation d'un poste, etc.), structurel (réaménagement des postes, etc.) ou économique (récession, etc.) de licenciement, une entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou une exploitation agricole ou forestière qui emploie normalement 10 salariés ou plus, peut évoquer ce motif pour mettre fin aux contrats de travail des salariés concernés, sous réserve de porter sa décision à la connaissance des délégués des salariés et, le cas échéant, des représentants syndicaux, au moins un mois avant de procéder au licenciement, en leur fournissant tous les renseignements nécessaires (motif du licenciement, nombre et catégorie de salariés concernés et périodicité du licenciement).

L'entreprise doit également se concerter avec eux pour examiner les mesures susceptibles d'empêcher le licenciement ou d'en atténuer les effets négatifs (réintégration dans d'autres postes, échelonnement des licenciements, etc.). Le comité d'entreprise agit en lieu et place des délégués des salariés dans les entreprises ayant plus de 50 salariés. Un procès-verbal de cette concertation et négociation, signé par les parties, doit être établi et adressé aux délégués des salariés et au délégué provincial chargé du travail.  

 

F.N.H. : Des autorisations sont-elles nécessaires pour l’application du licenciement économique ?

N. R. : Suivant l'article 67 du Code du travail, le licenciement de tout ou partie des salariés employés dans les entreprises visées ci-dessus pour les motifs en question,  est subordonné à une autorisation délivrée par le gouverneur de la préfecture ou de la province, dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de la présentation de la demande par l'employeur au délégué provincial chargé du travail.

La demande d'autorisation doit être accompagnée de tous les justificatifs nécessaires et du procès-verbal mentionné  ci-dessus ainsi que pour les licenciements pour motifs économiques (seulement) d'un rapport comportant les motifs économiques nécessitant l'application de la procédure de licenciement, l'état de la situation économique et financière de l'entreprise et un rapport établi par un expert-comptable ou par un commissaire aux comptes. Le délégué provincial chargé du travail doit effectuer toutes les investigations qu'il juge nécessaires.

Dans ce cadre, il doit adresser le dossier, dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la réception de la demande, aux membres d'une commission provinciale présidée par le gouverneur de la préfecture ou de la province, aux fins d'examiner et de statuer sur le dossier dans le délai de deux mois mentionné ci-dessus.

La décision du gouverneur de la préfecture ou de la province doit être motivée et basée sur les conclusions et les propositions de ladite commission. Dans chaque catégorie professionnelle, les licenciements autorisés interviennent dans chaque établissement de l'entreprise, en tenant compte de l'ancienneté, la valeur professionnelle et les charges familiales. Enfin, les salariés licenciés pour motifs économiques bénéficient d'une priorité de réembauchage dans les conditions prévues à l'article 508 du Code du travail, à savoir un recrutement par priorité chez les salariés licenciés depuis moins d’un an.

 

F.N.H. : Y a-t-il des textes de loi dans le droit du travail marocain qui encadre cette pratique ?

N. R. : Oui, comme indiqué ci-dessus, pour les entreprises de 10 salariés ou plus, le Code du travail prévoit, dans ses articles 66 à 70 et 508, les circonstances et les conditions pouvant justifier le licenciement pour motif économique et dans les articles 41, 51, 52 les conséquences d’une telle décision. 

 

F.N.H. : Le licenciement  économique est-il coûteux pour une entreprise

N. R. : Les salariés bénéficient des indemnités de préavis et de licenciement prévues respectivement aux articles 51 et 52 du Code du travail, en cas de l'obtention ou non par l'employeur de l'autorisation de licenciement, conformément aux articles 66 et 67 mentionnés ci-dessus. Toutefois, en cas de licenciement conformément aux dits articles, sans l'autorisation du gouverneur, le licenciement s'analyse comme un congédiement abusif.

Aussi, les salariés licenciés ne bénéficient des dommages-intérêts prévus à l'article 41 du Code du travail que sur décision judiciaire (s'ils ne sont pas réintégrés dans leurs postes tout en conservant leurs droits). L'employeur et les salariés peuvent recourir à la conciliation préliminaire conformément à l'article 41 du Code du travail ou au tribunal pour statuer sur le litige.

 

F.N.H. : Le licenciement pour motif économique est-il assez répandu au Maroc ?  

N. R. : Non, car pendant très longtemps, c'està-dire depuis l'adoption du Code du travail le 11 septembre 2003 et son entrée en vigueur en 2004 jusqu'à tout récemment, aucune autorisation n'avait été donnée par un gouverneur. Royal Air Maroc est la première société à avoir obtenu cette autorisation, sachant que nous sommes aujourd'hui dans une situation très particulière, où plusieurs entreprises sont au bord du dépôt de bilan, et il est sans doute envisageable d'autoriser les licenciements pour motifs économiques lorsque ceux-ci sont justifiés et peuvent contribuer à la survie de l’entreprise.

 

F.N.H. : Au regard de votre proximité avec des entreprises en termes d'accompagnement juridique, doit-on s'attendre à une hausse des licenciements durant les prochains mois ?  Les  entreprises auront-elles  de plus en plus recours au licenciement pour raisons économiques ? 

N. R. : Nous avons constaté une augmentation des demandes en matière de consultation pour licenciements et pour difficulté d’entreprises. On peut certainement s'attendre à une hausse des demandes d'autorisation. Quant à savoir si les autorisations seront délivrées, cela reste à voir. Si c'est le cas, il y aura certainement plus de licenciements pour motif économique dans les prochains mois.

Il reste enfin à noter que, dans la pratique, plusieurs entreprises procéderont plutôt à des départs volontaires négociés, même si cela entraîne des coûts supplémentaires pour l'entreprise. Le contrat de travail reste d'abord et avant tout un contrat et il est possible d'y mettre fin par accord mutuel.

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