La fin du monde occidental ne signifie pas qu'il n'est plus riche.
Les sociétés civiles prennent de la voix et se développent… sauf en Corée du Nord."C’est effectivement une tradition heureuse de venir à Casablanca à la Chambre de commerce pour la 5ème année consécutive et c’est toujours un plaisir de venir débattre avec vous et de partager un moment de réflexion». C’est ainsi que Pascal Boniface, Directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et chroniqueur, a ouvert le débat sur les grandes mutations structurelles du monde ainsi que les évolutions qui pourraient en découler. Ainsi, ces mutations sont déjà en marche depuis assez longtemps et impactent, au fur et à mesure, par un effet de plaques tectoniques, l’avenir de la planète. Les grandes tendances ont été sorties de leur cadre historique, notamment le 11 septembre ou encore la chute du mur de Berlin et la rupture historique avec le monde bipolaire, lequel, d’ailleurs, selon Boniface, «n’a pas eu le 9 novembre 1989, parce que si le mur de Berlin est tombé ce jour-là, c’est que l’ordre bipolaire est déjà, lui, atteint depuis assez longtemps». Même s’il est inexact de placer cette rupture à la seule date du 9/11/89, il est certain qu’il y a un avant et un après, et que le monde a vécu dans un contexte bipolaire de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'à la fin des années 80.
Nous sommes rentrés depuis dans un monde nouveau en constante mutation. Les restructurations mondiales dont il sera question ont finalement débuté depuis cette période. Les deux grandes tendances majeures lourdes qui ont pris naissance à cette époque sont la fin du monopole occidental sur la puissance. «Cette fin là ne signifie pas que le monde occidental n’est plus puissant, de même la fin du monde occidental ne signifie pas qu’il n’est plus riche. Simplement, d’autres pays émergent, d’autres prennent leurs places, et la place qui leur revient», précise Boniface.
De ce fait, la période de la domination occidentale du monde est bien plus longue et plus lourde que le seul monde bipolaire, parce qu’elle n’a pas pris naissance à la sortie de la seconde guerre mondiale, mais après le 15ème siècle. «Cette période prend fin sous nos yeux et les pays non occidentaux prennent place à la table de la puissance et des négociations», souligne-t-il.
Quel type de réaction ?
«L’un des défis des experts et des dirigeants du monde occidental est la réaction qu’ils doivent avoir par rapport à cela», affirme Boniface.
Effectivement, est-ce une menace pour les Occidentaux qui doit les faire réagir d’une manière crispée, voir les faire utiliser des positions de force pour maintenir l’ «ordre établi», ou est-ce une adaptation à un monde nouveau dont le monde occidental peut tirer parti et dire qu’il a de nouveaux partenaires et de nouveaux marchés ?
«L’autre tendance structurelle lourde est que, de plus en plus, les opinions prennent le pouvoir et les sociétés civiles se développent partout, pas seulement dans le monde arabe», relève Boniface. Il y a eu des manifestations en Russie, en Chine, en Birmanie… Dans tous ces pays, il y a eu une grande transition démocratique contrôlée par le sommet. Les dirigeants ont vu qu’il n’y avaient pas d’autres alternatives et le pouvoir revient de plus en plus au peuple.
Cette tendance prouve que les sociétés civiles doivent exister, quel que soit le régime. Il peut y avoir des régimes qui acceptent des élections libres et démocratiques, il peut y avoir aussi des régimes où la transition se fait d’une façon différente, mais dans tous les régimes, à la seule exception de la Corée du Nord, il y a des sociétés civiles et des citoyens qui se font entendre à leur manière et à des degrés différents. «Dans ce cadre, il faut nuancer entre un régime totalitaire et un régime autoritaire. Dans le premier, il n y a même pas d’espace privé. Lorsque la Chine avait un régime totalitaire, même l’âge du mariage était fixé par l’Etat. Il y a encore des régimes autoritaires, mais où les opinions se font entendre», précise Boniface. D’autre part, le monopole de l’information de la part d’une minorité n’existe plus, «chacun se fait sa propre opinion».
Par rapport à ce qu’on appelle le printemps arabe. Au Maroc, en Algérie et en Tunisie les évènements n’ont pas eu les mêmes significations et conséquences parce que ces trois pays ont une histoire différente.
S. Z.