Le bilan économique du gouvernement est jugé décevant aux yeux du PAM. Le parti du tracteur multiplie les rencontres avant de dévoiler son programme économique pour les prochaines législatives, avec l’idée d’aboutir à un nouveau modèle de croissance économique, en rupture avec l’existant.
Le discours du Parti authenticité et moder-nité (PAM) sur le ter-rain de l’économie paraît peu convaincant. Connu pour sa base d’adhérents issus de la gauche et des notabilités du monde rural, le parti du tracteur compte peu d’écono-mistes dans ses rangs. Cela se répercute sur la pertinence de son analyse et de son appré-ciation du bilan économique du gouvernement Benkirane. Invité des lauréats de l’Esith à Casablanca, mardi 14 juin dernier, Ilias El Omari a réussi à gagner la sympathie de ses hôtes en insistant sur le rôle crucial qui revient à l’ingé-nieur dans la vie politique, et surtout dans la résolution des problèmes qui touchent les citoyens au quotidien. Mais l’exercice d’évaluation du bilan économique du gouvernement sortant, auquel le numéro un du PAM s’était livré ce soir-là, s’est révélé peu pertinent, très sélectif et clairement trop orienté.
Où en est l'objectivité ?
Aux yeux du PAM, le rende-ment de l’économie marocaine serait «décevant» au vu du niveau de croissance moyen oscillant autour de 3%, com-parativement à la promesse des 7% engagés et ciblés en début de mandat. Pour justi-fier leur déception face à ce constat, les Pamistes tiennent à rappeler le contexte «favo-rable » dont aurait bénéficié le gouvernement, marqué par les «milliards de devises de dons mobilisés grâce au Roi» auprès des pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), la baisse du prix du baril de 112 à 37 dollars, etc. Les mêmes critiques balan-cées par El Omari chez les ingénieurs textiliens de l’Esith seront reprises, presque à la lettre, lors d’un f’tour-débat «très sélect» accueilli en fin de semaine dernière par le PAM dans un palace casablan-cais, sous l’intitulé : «Vers un nouveau modèle économique au Maroc». Y ont été invités des hommes d’affaires de gros calibre, issus ou non du PAM, pour ne citer que les deux Sefrioui, Anas et Saâd (groupe Addoha), Faouzi Chaabi, Moncef Belkhayat, Mustapha Amhal, Saloua Karkri Belkziz, Bouthayna Iraqui-Houssaïni et Youssef Alaoui. Cette fois-ci, Ilias El Omari s’est mis en retrait, laissant son prédé-cesseur, Mustapha Bakkoury, (patron de l’agence marocaine de l’énergie solaire, Masen, et également président du Conseil de la région Casablanca Settat), occuper le devant de la scène. Ingénieur des Ponts et Chaussées, Bakkoury avait roulé sa bosse dans de presti-gieuses institutions financières internationales (BNP Paribas, BMCI). Naturellement, il est mieux placé pour se sentir à l’aise avec la complexité des phénomènes et des poli-tiques relevant de la sphère économique. «Que serait-on devenus sans les stratégies sectorielles?», s’interrogea-t-il en constatant le faible ren-dement de l’économie maro-caine. Quand il lance : «le modèle économique du pays a atteint ses limites», il faut dire qu’on apprend rien de nou-veau, puisqu’il s’agit d’une évi-dence reconnue, y compris du côté du gouvernement. Mieux, Bakkoury est allé jusqu’à pro-mettre une croissance de plus 6% rien que, dit-il, en évi-tant les erreurs commises par l’Exécutif sortant (la fameuse coupe budgétaire de 15 mil-liards de DH est, d’après lui, une erreur historique). Last but not least, l’objectif de double-ment du pouvoir d’achat au Maroc, pour passer de 3.000 à 6.000 dollars par habitant, lui paraît réalisable en moins de dix ans. Le parlementaire du PAM, Samir Belfkih, dresse, lui aussi, un tableau noir de la situa-tion économique du pays : une industrialisation en régression (moins de 14% du PIB), un résultat modeste à l’export, le déficit record de la balance des paiements (117 milliards de DH), des agrégats en baisse (consommation, production, investissement), un exode rural mal organisé, un endettement excessif servant juste à finan-cer le fonctionnement de l’Etat, etc. L’analyse faite par les lea-ders du PAM quant au bilan économique du gouvernement Benkirane, diront les militants du camp adverse, pêche par un manque flagrant d’objectivité. On n’y trouve aucune appré-ciation des efforts fournis sur plusieurs autres fronts, notam-ment la décompensation, la réforme des retraites, etc. Quand le PAM pointe du doigt le faible niveau du budget alloué à la recherche scienti-fique (0,73%), selon lui «tota-lement dépensé sous forme de salaires destinés aux profes-seurs universitaires», rien n’est dit sur la manière par laquelle le parti serait en mesure d’augmenter ce budget jusqu’à atteindre l’objectif promis de 2% du PIB ? Quand le PAM cherche à pla-fonner l’endettement à la limite de 60% du PIB, rien n’est proposé sur le financement de l’écart de plus en plus gran-dissant entre les recettes et les dépenses du Budget à la fois du Trésor et des établisse-ments publics. Quand il remet en cause le dogme de la sta-bilité des prix et celui de la maîtrise des déficits jumeaux, on ne saura pas quelle sera la meilleure solution alterna-tive au modèle existant. C’est que le PAM reste à ce jour assez discret sur son pro-gramme économique pour le prochain rendez-vous électo-ral. Rappelons quand même que lors du mandat du Premier ministre, Abbas El Fassi, l’an-cien ministre des Finances, Salaheddine Mezouar, avait longtemps promis de marquer une rupture dans la gestion de la politique budgétaire. Au final, il n’en fut rien. Comme disait l’économiste Abdelkader Berrada, au Maroc, la structure du Budget de l’Etat est plus difficile à mettre au clair que la structure de l’univers.
Wadie El Mouden