Justice: avec la pandémie, le secteur contraint d’accélérer les réformes

Justice: avec la pandémie, le secteur contraint d’accélérer les réformes

Les jugements à distance ont montré leur pertinence, mais ils ont besoin d’un cadre juridique.

Le CSPJ annonce une nouvelle stratégie pour réorganiser le secteur.

 

Par C. Jaidani

 

Depuis l’apparition de la pandémie du coronavirus, le secteur de la justice a été confronté à de nouveaux enjeux. Les restrictions sanitaires ont sensiblement réduit l’activité des tribunaux, entraînant un stock important de dossiers en instance. Face à cette situation, l’accélération de certaines réformes déjà entamées auparavant était cruciale pour le bon fonctionnement du secteur. Pour débloquer la situation, les audiences à distance ont fait leur apparition grâce à la digitalisation. Un choix considéré comme judicieux, puisqu’il a montré sa pertinence.

Jusqu’à fin mars 2021, 123.113 jugements ont été prononcés grâce à cette option. A défaut, le nombre aurait été limité à 4.000 seulement. Certains juristes et militants des droits de l’homme ont manifesté cependant quelques inquiétudes et réserves à ce sujet, évoquant les imbroglios juridiques à propos de ce système qui ne figure ni dans la procédure pénale ni dans la procédure civile. En effet, cette situation exceptionnelle ne peut durer, car il y a nécessité de mettre en œuvre un cadre juridique spécifique pour éviter les mauvaises interprétations, les abus et respecter le principe des lois.

Pourtant, un texte de loi dédié a été adopté par le Parlement en 2018, mais sa promulgation a été suspendue suite à une censure partielle de la Cour constitutionnelle. Egalement, l’utilisation des moyens électroniques dans la procédure civile ou pénale n’a pas reçu l’aval de l’Association des barreaux du Royaume, qui demande plus de temps pour l’examiner.

Détention préventive

Suite à sa nomination récemment à la tête du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), Mohamed Abdennabaoui a annoncé que l’une de ses principales priorités est que les citoyens aient confiance en la Justice. A cet effet, une stratégie sera déclinée à court et à moyen terme afin de hisser le niveau du secteur pour plus d'efficience et de transparence. Il s'agit aussi de consolider les règles d'éthique et de déontologie. Il a affirmé également qu'il sera procédé à la réforme de la détention préventive.

En effet, la pandémie a encore une fois mis au-devant de la scène l’encombrement de l’univers carcéral, un autre volet sur lequel le secteur de la justice doit se pencher sans plus tarder. Le phénomène s’accentue avec l’exiguïté des superficies dédiées dont la moyenne nationale ne dépasse pas 1,80 m2 , qui baisse à 1,20 m2 à Casablanca.

Tous ces aspects sont fortement décriés par les défenseurs des droits de l’Homme. Cette surpopulation est due principalement à un niveau très élevé de détention préventive, qui frappe près de 40% des détenus. Des sanctions alternatives sont préconisées, comme le bracelet électronique, sachant que 50% de ces détenus sont, au terme de leur jugement, soit acquittés ou condamnés avec sursis.

 

12 juges pour 100.000 habitants
Le secteur de la justice souffre d’une insuffisance de moyens tant sur le plan matériel qu’humain. 4.200 juges (dont 25% pour ceux du parquet) exercent pour 36 millions de personnes, soit près de 12 magistrats pour 100.000 habitants. En Tunisie, par exemple, on recense 19 juges pour 100.000 habitants. Le corps magistral doit traiter plus de 3 millions de dossiers par an. Ce qui est énorme et risque d’impacter la qualité des jugements et le droit des justiciables. Les études font état d’un besoin de 2.000 juges supplémentaires, surtout dans les juridictions où il y a une forte pression comme Casablanca et Rabat, avec tout ce que cela représente comme surplus pour le budget de l’Etat.

 

 

 

 

 

 

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