Les efforts d’investissement entamés au cours des dernières années n’arrivent pas encore à booster le taux de la croissance économique comme il se doit. L’investissement public se caractérise par une faible productivité et, par ricochet, par un impact modeste sur la croissance économique et le développement des régions et du pays en général.
L’ironie du sort est que le Maroc se trouve parmi les pays qui consacrent une part importante de sa richesse aux investissements. Le rapport investissement/PIB oscille autour de 33%. Comparativement à des pays à développement similaire, le taux est jugé bon. Mais s’agit-il d’un investissement judicieux si l’on prend en considération qu’il génère seulement un taux de croissance économique de 3% ?
Comme souligné par Hicham Bensaid Alaoui, directeur des risques à Euler Hermes : «Le Maroc figure au niveau mondial parmi les pays consacrant une part très conséquente de leur richesse à l’investissement public, plus de 300 Mds de DH en 2018, si l’on combine investissement public stricto sensu et celui des entreprises et établissements publics». Il confirme le faible impact sur la croissance économique et soulève à ce titre le problème de convergence et d’intégration des différentes stratégies et politiques publiques de développement ainsi que de la pertinence des choix d’investissement.
Le BTP prédomine
Sur la période 2014-2017, certains pays comme l’Egypte, le Kenya ou le Sénégal investissent moins que le Maroc et pourtant réalisent des taux de croissance plus élevés (voir graphe).
Investissement sur PIB vs taux de croissance du PIB (moyenne sur 2014-17)
Ce constat relatif à la faible corrélation entre les investissements publics et la croissance économique n’est pas propre aux analystes étrangers. Même les institutions économiques nationales sont conscientes de cette situation qui ne fait que perdurer.
Le Maroc se trouve dans une situation «capitalivore» comparable à celle des dragons asiatiques durant les années 70. Sauf que ces pays enregistraient à l’époque des taux de croissance de 7 à 8%. Bon an, mal an, le Maroc est très loin du compte.
Les économistes attribuent ce décalage à la faiblesse des gains de productivité. Ils prétendent que le Maroc accumule du capital sans pour autant améliorer son rendement et par la suite l’épargne nationale susceptible de répondre aux besoins de l’économie. Cela soulève même des interrogations et des débats houleux sur la nature de la formation brute du capital fixe dans un pays comme le nôtre.
Dans une étude élaborée par le HCP, l’analyse de la structure de l’investissement montre que le bâtiment et travaux publics constitue la principale composante durant la période 2000-2014.
Les investissements souvent orientés vers l’infrastructure, l’électrification et l’accès en eau potable ont plus une visée sociale et inclusive qu’une connotation économique du moins à court terme.
Comme signalé ci-dessus, ce faible impact se répercute également sur les régions. A ce sujet, les conjoncturistes sont fermes. Ils sont pour la mise en œuvre d’un nouveau système de gestion des investissements publics et une banque de données sur les projets d’investissements. Le leitmotiv est d’accompagner les collectivités territoriales dans les choix d’investissement nécessaires à leur développement et à l’éradication des disparités régionales, et ce pour répondre au discours royal du Trône qui a mis l’accent sur des régions qui ont un énorme besoin en matière de services sociaux.
Il s’agit également de renforcer la qualité de ces investissements à travers une meilleure sélection des projets et un filtrage basé sur les études de faisabilité.
De même pour permettre aux collectivités locales de mieux contribuer au développement économique et social du pays, l’investissement public doit constituer un catalyseur de l’investissement privé qui est générateur d’emplois et de croissance à long terme. A ce sujet, les Centres régionaux d’investissement (CRI) sont appelés à jouer le rôle d’incitateur et d’accompagnateur des investisseurs privés tout en veillant à l’encouragement des partenariats public-privé. ■
S. Es-siari