Informel : Une question préoccupante pour l’économie nationale

Informel : Une question préoccupante pour l’économie nationale

Entre 2000 et 2018, l’informel n’a baissé que d’environ 0,64% annuellement contre une croissance économique moyenne de 4,3%. 

La généralisation de la couverture sociale peut constituer une solution au problème de l'informalité. Voilà ce que recommande le PCNS.

Par Y. Seddik

Bien qu’offrant un filet de sécurité sociale pour une large partie de la population, l’informel continue de pénaliser l'économie nationale, avec notamment un manque à gagner conséquent en matière de recettes fiscales. Aujourd’hui, la croissance économique au Maroc ne peut, à elle seule, éradiquer l'emploi informel dans quelques décennies. Bien que le PIB ait plus que doublé sur la période 2000-2018, la réduction de l'informel n'a été que d'environ 8 points de pourcentage de PIB. Une telle baisse s'est produite au cours d'une période caractérisée par un dynamisme soutenu de la croissance économique, d'environ 4,3% par an en moyenne, et par une croissance moyenne du PIB par habitant de 3%.

«Le poids important de ce secteur est une question préoccupante pour l’économie marocaine. En effet, ce niveau élevé de l’informel présente plusieurs inconvénients, tant pour les travailleurs (précarité et insécurité de l’emploi, bas salaires, mauvaises conditions de travail, faibles perspectives d’évolution et de développement de carrière,…) que pour l’État (pertes en termes de recettes fiscales), sans oublier le tissu économique, en raison de ses effets négatifs sur la productivité et la concurrence déloyale qu’il permet visà-vis du secteur formel et aussi de ses effets négatifs sur la compétitivité», indique le Policy Center for the New South (PCNS) dans un rapport intitulé «L'informel au Maroc  : Repenser la structure globale des incitations pour une économie plus inclusive et dynamique». Ainsi, dans le but de réduire la prévalence du secteur informel au Maroc, le Policy Center for the New South propose au gouvernement la mise en œuvre de six mesures.

Coordination des réformes

La première recommandation est de concevoir et d'évaluer de manière intégrée et holistique les politiques de lutte contre l'informel. Le think tank explique que les décideurs politiques, lorsqu'ils introduisent de nouvelles politiques ou modifient celles déjà existantes, doivent être attentifs à la manière dont ces mesures peuvent influencer le comportement des travailleurs et des entreprises en matière d'emploi informel. La prise en compte de l'interaction entre les politiques et le comportement des travailleurs et des entreprises est cruciale pour améliorer la conception et l'efficacité des politiques économiques.

Généralisation de la protection sociale

La généralisation de la couverture sociale constitue une solution au problème de l'informalité, au moins en ce qui concerne la protection contre les risques de santé et de longévité, précise le PCNS. Cette universalité devrait être atteinte en garantissant que tous les programmes destinés à couvrir les personnes exposées à un risque donné soient standardisés. L'absence d'uniformité dans les régimes de sécurité sociale diminue leur capacité de protection, encourage l'informalité et crée des opportunités d'arbitrage au sein du système. Une couverture universelle des personnes exposées à un même risque via un programme unique peut améliorer la mutualisation des risques, accroître l'efficacité et l'équité de la couverture, et garantir que toutes les personnes concernées bénéficient d'une qualité de prestations équivalente.

L’élargissement de l’assiette fiscale

L'élargissement de l'assiette fiscale revêt une importance primordiale pour garantir la généralisation, la pérennité, la qualité et la durabilité de la couverture sociale universelle. Cela implique la réduction ou la suppression des dépenses fiscales, l'introduction de nouvelles taxes et/ ou l'augmentation des taxes existantes sur certaines activités, telles que les activités polluantes et les taxes sur la propriété. La taxation des produits nocifs pour la santé, tels que les boissons alcoolisées, les boissons sucrées et les cigarettes électroniques, peut également être envisagée.

Réforme de la fiscalité

Pour les auteurs du rapport, la structure fiscale devrait être conçue pour renforcer les incitations à l'emploi formel et être progressive, en complément de la protection sociale. Il est recommandé de réduire au minimum le nombre de régimes fiscaux disponibles afin de supprimer les échappatoires fiscales, les régimes spéciaux et les exonérations fiscales. Les barèmes fiscaux devraient être suffisamment progressifs pour financer la redistribution et créer des opportunités sans nuire à la productivité, tout en garantissant une qualité élevée des services publics. En outre, l'application et le recouvrement des impôts doivent être améliorés. L'uniformisation du système fiscal en éliminant les exonérations et les réductions d'impôts favorise la sélection naturelle des entreprises, la croissance de la productivité et la création d'emplois formels.

Dynamisation du secteur privé et amélioration du climat des affaires

Les réformes devraient également viser à améliorer le climat des affaires, les avantages dont bénéficient les entreprises enregistrées, et aussi à faciliter l'accès des petites entreprises au financement et aux marchés publics. Et ce, en mettant en place des procédures administratives plus souples, en identifiant et supprimant les obstacles qui peuvent décourager ou entraver la formalisation des entreprises informelles, essentielles pour favoriser une dynamisation du secteur privé et la création d’emploi formel. Ces avantages peuvent être améliorés en renforçant l'application des contrats commerciaux et de crédit, incitant ainsi les entreprises à s'enregistrer. Et en s'enregistrant, les entreprises peuvent accéder à des conditions de crédit plus favorables, pénétrer de nouveaux marchés, bénéficier de transferts technologiques et réduire les risques en séparant leurs actifs commerciaux du budget, détaille le think tank.

Amélioration de la justice commerciale

Enfin, il est question de la résolution des litiges commerciaux qui peut encore être améliorée de manière significative. Si les systèmes judiciaires fonctionnent avec efficacité et les contrats commerciaux sont appliqués d’une manière stricte, ils auront une incidence directe sur le niveau de sécurité quant à la protection des transactions économiques effectuées par les entreprises formelles. Une meilleure application correspond à des coûts de transaction plus faibles et à des incitations plus fortes à opérer de manière formelle

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