Industrie et territorialisation : Les deux mamelles d’une croissance inclusive

Industrie et territorialisation : Les deux mamelles d’une croissance inclusive

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«La planification territoriale, déterminante pour des politiques industrielles réussies» est la thématique débattue récemment à Tunis par une pléiade d’experts.

Ils se sont penchés sur l’importance de la planification locale dans la mise en œuvre des politiques industrielles compétitives, susceptibles d’intégrer les catégories défavorisées en Afrique du Nord.

Au cours des dernières années, le continent africain, en l’occurrence l’Afrique du Nord, a réalisé des progrès sensibles en matière de développement humain. Cependant, la pauvreté, les inégalités et le chômage, particulièrement celui des jeunes et des diplômés, sont restés importants.

Aujourd’hui, la question qui se pose d’emblée est : comment l’industrialisation, facteur important, peut-elle participer à la mise en place d’un développement plus inclusif lorsqu’elle est mise en œuvre dans le cadre de stratégies adaptées. Le Maroc, la Tunisie comme d’autres pays de l’Afrique du Nord vivent depuis quelques années les conséquences d’une politique de développement industriel et économique ayant permis une diversification de l’activité économique, mais qui, malheureusement, n’a pas réussi à doter les régions intérieures de tissus industriels capables de générer suffisamment d’emplois ainsi qu’une inclusion sociale. Globalement, ces économies se caractérisent par une volatilité de leur croissance, en raison d’une dépendance à des secteurs sensibles aux aléas climatiques, et surtout une croissance qui demeure insuffisamment créatrice d’emplois. C’est là que le bât blesse.

A cet égard, pour limiter tant soit peu l’impact des activités primaires et, par ricochet, la volatilité de la croissance, le Maroc, à titre d’illustration, a notamment développé son industrie et réduit la dépendance de la production agricole à la pluviométrie (Plan Maroc Vert). A partir de 2005, on assiste à un essoufflement des secteurs traditionnels, comme le textile-habillement, en faveur de l’émergence de nouveaux métiers dans l’automobile et l’aéronautique. L’industrie contribue à hauteur de 15,5% au PIB en 2014. Malgré cela, la croissance de l’économie marocaine demeure encore sensible aux conditions climatiques, comme en témoignent les taux de croissance affichés suite à une mauvaise campagne agricole. La Tunisie a également été en mesure de réduire le poids du secteur primaire dans le PIB, qui est passé de 11,4% du PIB en 2006 à 9,4% en 2014. En revanche, des pays tels que l’Algérie, la Libye, la Mauritanie n’ont pas réussi à diversifier suffisamment leurs économies tout en restant tributaires à un nombre limité de secteurs à faible valeur ajoutée. A titre d’exemple, la dernière baisse du prix du pétrole a mis à genoux notre voisin l’Algérie.

Son économie demeure extrêmement dépendante du secteur des hydrocarbures qui représente près de 30% du PIB et 60% des recettes budgétaires. L’économie libyenne est également dominée par les hydrocarbures dont le poids dans le PIB atteignait 46,9% en 2013.

Pour une synergie entre Etat et acteurs locaux

Ce constat un peu amer met en exergue l’importance de l’industrialisation dans la transformation structurelle de ces économies de l’Afrique du Nord. Encore faut-il qu’elle soit à même de répondre au défi de la volatilité des finances publiques, accroître et diversifier les exportations, créer des emplois notamment pour les jeunes diplômés. C’est dire que la transformation structurelle ne peut être la clé pour ces économies que si elle prend en compte toutes ces considérations. Le printemps arabe a rappelé à juste titre que des politiques de développement insuffisamment inclusives sont susceptibles de conduire à une déstabilisation politique qui peut engendrer des retards de développement importants. Une croissance inclusive suppose ainsi de penser le développement de l’industrie dans le cadre de développement des territoires. Omar Abdourahman, directeur par intérim du bureau de la commission économique d’Afrique, a précisé à ce titre: «les politiques de développement traditionnelles, décidées au niveau central, étant aujourd’hui remises en cause, le territoire est devenu un espace critique de conception et de mise en œuvre des politiques industrielles et de développement». Et d'ajouter : «C’est aussi au niveau territorial que l’on peut veiller à ce que les politiques industrielles et de développement soient caractérisées par une forte dimension inclusive».

Les intervenants étaient quasi unanimes que pour une territorialisation réussie des politiques industrielles, les pays en question doivent respecter plusieurs conditions, dont la mise en place d’une bonne gouvernance, un processus participatif impliquant les différents acteurs concernés, une redéfinition des pouvoirs entre l’Etat central et les territoires ou encore le transfert des compétences et du savoir-faire vers ces derniers.

S. Es-siari

L’exemple de la Corée du Sud

En Corée du Sud, par exemple, la politique industrielle a connu une première phase durant laquelle l’objectif était avant tout un développement rapide de l’industrie, sans pondérer fortement la répartition territoriale des efforts d’industrialisation. Ce n’est que dans une phase ultérieure que la réduction des inégalités territoriales est devenue un objectif de la politique industrielle. Même si l’objectif ultime des politiques de développement est de créer de la richesse et de l’emploi, la dimension «inclusive» de ces politiques n’est pas une évidence, sans à la fois penser à la distribution des opportunités économiques créées par la croissance, et sans tenir compte de l’ensemble des facteurs à la source des inégalités (de revenu, et d’accès).

Par ailleurs, le développement de l’industrie est impacté par des politiques publiques dans des domaines qui n’émanent pas directement des institutions en charge de la politique industrielle. Le degré d’incidence de ces politiques publiques sur l’impact territorial du développement industriel est tributaire de la gouvernance des politiques publiques, et notamment du degré de coordination des politiques publiques, de la répartition des rôles entre les institutions de l’Etat central et les institutions locales.

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