Industrie automobile: Le Maroc peut-il réussir le pari du lancement de sa propre marque de voitures ?

Industrie automobile: Le Maroc peut-il réussir le pari du lancement de sa propre marque de voitures ?

Tous les ingrédients sont réunis pour relever un tel challenge.

Le niveau d’intégration est tributaire de l’existence de toutes les filières d’équipementiers.

 

Par C. Jaidani

Annoncé en grande pompe par les médias, le lancement d’une voiture 100% marocaine sera effectué dans quelques mois. L’information a été confirmée dernièrement par Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, qui a donné quelques détails sur le véhicule. A motorisation essence, il est destiné à une clientèle diversifiée plutôt urbaine constituée essentiellement des primo-acquéreurs. Il peut intéresser également les flottes, les collectivités territoriales, les loueurs et les entreprises.

En fait, il ne s’agit pas d’un concept-car, mais d’une production de série. Le ministre a précisé qu’«à travers ce véhicule, le gouvernement souhaite développer la production, la technologie et le design automobile». Ainsi, les préparatifs vont bon train pour réussir un tel projet qui est dans un stade très avancé, puisqu’il a atteint l’étape de l’homologation au niveau national et à l’étranger. On comprend aussi que la voiture sera également exportée probablement vers l’Europe, puisque la motorisation diesel n’a pas été retenue.

Interrogé à ce sujet, Youssef Idrissi, professeur d’économie industrielle à l’Université Hassan II de Casablanca, souligne que «le Maroc dispose de tous les ingrédients nécessaires pour réussir un tel challenge. Il existe tout un écosystème d’équipementiers performants. Les coûts des facteurs de production, notamment la main-d’œuvre, sont compétitifs. Les plateformes de montage s’alignent sur les meilleurs standards internationaux».

Toutefois, Idrissi émet quelques réserves sur le taux d’intégration annoncé. «Nous sommes fiers du prochain lancement de la première voiture 100% marocaine. Cela ne peut que conforter la position du Royaume à l’international. Néanmoins, il faut décortiquer minutieusement le niveau d’intégration, si l’on tient compte que certaines filières sont inexistantes dans le pays. C’est le cas des semi-conducteurs, des pneumatiques ou de certains composants électroniques. Le développement du moteur et la plateforme est la partie la plus coûteuse et la plus compliquée pour fabriquer une voiture, car cela nécessite du temps et un effort colossal en matière de recherche et développement. Le plus souvent, les nouveaux constructeurs de voitures élaborent leurs projets en partenariat ou sous licence avec d’autres firmes ayant une riche expérience», explique-t-il.

Et d’ajouter qu’«au niveau du design, les constructeurs font appel à des cabinets spécialisés pour dessiner le véhicule et aussi l’architecture d’intérieur. Une présérie de voitures est fabriquée pour subir un ensemble de tests d’aérodynamisme, de sécurité, d’endurance, de fiabilité, d’étanchéité et d’insonorisation». Idrissi précise que la Turquie n’a présenté sa première marque d’automobile nationale qu’en 2017 et elle n’a été commercialisée qu’à partir de 2020. Pourtant, ce pays a une nette avancée dans l’industrie automobile.

En effet, la première voiture purement turque est un projet d’envergure qui a été piloté par un consortium d’entreprises regroupées autour de TOGG (Türkiye’nin Otomobili Girisim Grubu). Il a bénéficié d’un large soutien de la part du gouvernement, que ce soit en matière de production ou au niveau de la R&D. Au départ, la voiture produite n’a bénéficié que de 51% d’intégration locale, pour passer par la suite à 65% et, à aujourd’hui, elle n’a pas atteint les 100%. Dans l’attente du lancement d’une marque de voiture 100% marocaine, ce projet est synonyme d’un nouvel élan pour l’industrie automobile nationale. Le Royaume peut développer son positionnement dans les voitures à motorisation thermique, puisque tous les constructeurs ont annoncé un virage vers l’électrique. Le Maroc sera une belle plateforme pour approvisionner les pays émergents qui seront demandeurs de véhicules essence ou diesel.

 

 

 

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