Industrie automobile : La machine redémarre, entre optimisme et incertitude

Industrie automobile : La machine redémarre, entre optimisme et incertitude

Les 3 usines marocaines des constructeurs français ont toutes redémarré leurs activités après plusieurs semaines d’arrêt suite aux conséquences de la crise sanitaire.

Le redémarrage des sites industriels permettra à l’écosystème automobile marocain de se reconnecter aux chaînes de production mondiales et de se positionner pour tirer profit des opportunités offertes par la reconfiguration en cours de l'industrie automobile mondiale.

Une grande inconnue pèse néanmoins : comment évoluera la demande dans les marchés cibles ?

 

Par A. Elkadiri

 

A l’arrêt pendant plusieurs semaines à cause des effets de la pandémie de coronavirus, l’industrie automobile au Maroc veut vite retrouver sa vitesse de croisière.

L’usine casablancaise du groupe Renault, Somaca, l’une des locomotives du secteur au Maroc, a ainsi redémarré ses activités après avoir mis en place un impressionnant dispositif de sécurité sanitaire qui se base sur le référentiel sanitaire de Renault Maroc, dans le respect des recommandations des autorités publiques et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

«Le travail remarquable fait par Somaca en matière de respect des normes sanitaires peut servir de modèle pour les autres industries», a déclaré Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie verte et numérique, qui est venu constater de visu, la semaine dernière, les mesures sanitaires drastiques déployées par le management de l’usine, afin d’assurer un redémarrage de la production en toute sécurité.

Pour MHE, il est impératif que le redémarrage des activités industrielles se fasse dans «l'ordre et la sérénité», insistant sur la protection de la santé des collaborateurs et des tiers. «Le Roi suit ces opérations de très près et ses instructions sont extrêmement claires pour protéger la santé des citoyens», a martelé le ministre.

Le site de Renault Tanger à Melloussa retrouve également, de manière progressive, un rythme de fonctionnement «quasi-normal», après la mise en place d'un plan sanitaire permettant de redémarrer l'activité, tout en assurant la protection du personnel. Même constat au sein de l’usine PSA de Kénitra, qui a redémarré progressivement ses activités, en toute sécurité, depuis le 6 avril dernier.

Combiner sécurité et productivité

Bref, les 3 principales locomotives du secteur au Maroc sont de nouveaux opérationnelles, entraînant dans leur sillage le retour à l’activité des équipementiers et fournisseurs. Le défi pour les industriels consiste désormais à retrouver rapidement le même niveau de productivité d’avant crise. Sur ce point précisément, Mohamed Bachiri, Directeur général de Somaca, s’est montré rassurant : «Notre productivité d’avant crise sera atteinte dès la fin du mois de juin».

«Tout l'enjeu est là», a commenté Elalamy, car il faut «être capable de maintenir la même compétitivité tout en intégrant ces mesures de sécurité sanitaire». Désormais opérationnelle, la plateforme industrielle automobile du Maroc doit vite se reconnecter aux chaînes de valeur mondiale du secteur, après que ce dernier a subi un contrecoup «terrible», selon les mots de Moulay Hafid Elalamy.

Au Maroc, les chiffres des exportations du secteur à fin avril témoignent de la brutalité du choc : sur les 4 premiers mois de l’année, les exportations automobiles sont en recul de 39% par rapport à la même période de l’année dernière, ce qui représente un différentiel de plus de 11 milliards de DH.

Les constructeurs ont été sérieusement ébranlés «par le choc suite à la chute brusque de la demande étrangère, au confinement des clients, à la fermeture des concessionnaires, à l’obligation de réduire les effectifs pour protéger les salariés et aux difficultés de s’approvisionner en intrants», résume Zineb El Andaloussi, enseignante-chercheure ENCG de Tanger.

Un secteur résilient

Mais, malgré les difficultés, le secteur a prouvé sa résilience et peut envisager l’avenir avec sérénité. «Ce secteur, qui emploie 200.000 personnes et qui a encore un grand potentiel, a fait preuve de résilience. En effet, la plateforme marocaine de l'industrie automobile a été l’une des premières à redémarrer au niveau mondial. Le redémarrage des sites industriels du constructeur est un signe d'anticipation de la reprise du secteur automobile.

Cela permettra à l’écosystème automobile marocain de se reconnecter aux chaînes de production mondiales et de se positionner pour tirer profit des opportunités offertes par la planification en cours de l'industrie automobile mondiale», a fait savoir MHE.

L’optimisme est donc de mise, d’autant que les craintes qui pesaient sur le sort des sites marocains de Renault et PSA se sont dissipées, dans le sillage des annonces faites le 26 mai dernier par le président français Emmanuel Macron : le plan de relocalisation tant redouté ne concerne aucune des usines marocaines des constructeurs français, puisqu’il porte uniquement sur les véhicules propres.

Le ministre y voit même une opportunité pour les industriels marocains de se positionner en fournisseurs pour les industriels et constructeurs installés en France. Même la décision de Renault de renoncer à son investissement dans l’extension de la capacité de production de l’usine Somaca ne semble pas inquiéter outre mesure MHE.

«Le groupe Renault a des difficultés au niveau mondial. Il est naturel qu’il puisse faire une pause pour mieux rationnaliser l’ensemble de ses points de production», a affirmé le ministre.

La demande, la grande inconnue

Si l’appareil productif du secteur automobile est d’attaque, il reste néanmoins une grande inconnue : celle du comportement de la demande dans les marchés cibles (Europe pour Renault, Afrique et Moyen-Orient pour PSA).

«90% de notre production sont destinés à l’export», rappelle le patron de l’usine Somaca. «Nous sommes donc tributaires de la demande commerciale des pays cibles dont les économies sont en train de démarrer progressivement. Nous allons nous adapter au fur et à mesure de l’évolution de la demande mondiale», explique Mohamed Bachiri.

En d’autres termes, il faudra encore patienter avant de retrouver les volumes d’exportation d’avant crise.

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