Permettre aux promoteurs immobiliers d’offrir un logement à 400.000 DH à destination de la classe moyenne, avec les mêmes conditions et les mêmes exonérations que celles mises en place pour le logement social à 250.000 DH (exonérations fiscales pour tout promoteur qui construit plus de 500 logements) : c’est ce qu’a proposé, dans le cadre de la Loi de Finances 2018, le ministère de l’Habitat, que dirigeait il y encore quelques jours Nabil Benabdallah, avant qu’il ne soit limogé par le Roi Mohammed VI mardi dernier.
Cette proposition, qui aurait convaincu les promoteurs immobiliers, s’est vue opposer un niet catégorique de la part du ministère des Finances (MEF). Aucune mesure allant dans ce sens ne figure dans le PLF 2018. Ce qui a fait dire à la presse que le MEF a «saboté» le plan de Benabdallah ou «l’a vidé de sa substance».
Au ministère des Finances, on s’en défend. On évoque des arguments économiques pour justifier ce refus.
Devant la presse, Mohamed Boussaid, qui a présenté les grandes orientations du PLF 2018, a tout d’abord affirmé que le programme de logements sociaux lancés en 2010 est une réussite.
«Depuis 2010, les conventions signées entre l’Etat et les promoteurs ont porté sur 1,5 million de logements. 520.000 autorisations de construire, 350.000 logements livrés», a-t-il révélé.
Faut-il donc étendre ce dispositif aux logements à 400.000 DH ? Le ministère n’a pas l’air emballé. Il préfère temporiser, le temps de faire un premier bilan du programme de logements sociaux qui, rappelons-le court jusqu’à 2020.
«Il faut attendre 2020 pour faire le bilan du programme, voir ce qu’il a permis de faire, qu’est-ce que cela a coûté, et voir s’il n’y a pas d’autres moyens plus pertinents d’arriver aux mêmes résultats, sans pénaliser les rentrées fiscales de l’Etat», argumente le ministre.
Mohamed Boussaid veut aussi être certain que de telles incitations soient avant tout bénéfiques aux acquéreurs de logements, qu’elles débouchent sur une offre de produits compétitifs, et qu’elles ne profitent pas qu’aux opérateurs immobiliers.
«Sommes-nous en train de parler de soutien à la classe moyenne à travers la mise en place d’un produit compétitif ou sommes nous en train de parler des comptes d’exploitation des promoteurs immobiliers ?» s’interroge-t-il.
Il faut dire que le débat sur l’efficacité des exonérations fiscales accordées à certains secteurs est vif, notamment au Parlement. Cette année, la dépense fiscale, tous secteurs confondus, a atteint un total de 33 milliards de DH, en hausse de 3,1%, dont près d’un quart pour le seul secteur immobilier.
Le ministre semble dire que ce n’est pas le moment d’envisager davantage d’exonérations fiscales notamment pour le secteur immobilier. D’autant qu’il estime que le Maroc a les moyens au niveau foncier, des plans d’aménagement et d’un certain nombre d’autres instruments, de réduire le coût.
«Parler de l’exonération de l’IS pour le secteur de l’immobilier, je ne pense pas que cela soit opportun», conclut-il.
Il assure néanmoins que rien n’est figé. Les discussions avec les opérateurs et la tutelle sont toujours en cours, et n’ont jamais été interrompues, assure-t-on du côté du MEF.
A.E