Les règlements à l’amiable sont le plus souvent rejetés et l’option judiciaire est difficile.
Une réforme du texte de loi s’impose en privilégiant l’arbitrage et la médiation.
Par C. Jaidani
Avec le programme de melkisation et les mesures de soutien importantes en faveur des porteurs de projets dans le secteur agricole, l’immatriculation foncière avance à un rythme soutenu. Pas moins de 200.000 titres fonciers sont créés annuellement. La Conservation foncière déploie des moyens techniques importants de dernière génération pour fluidifier et augmenter le rythme de production. Toutefois, force est de constater qu’en dépit des efforts consentis, plusieurs propriétaires sont confrontés à différentes difficultés pour mener à bien la procédure avec le moins de désagréments. Parmi les contraintes, figure notamment la diversité des moyens de possession, dont certains ont des caractéristiques traditionnelles (terres collectives, domaniales, guich, habous).
Le droit de jouissance s’avère compliqué à atteindre, surtout pour les héritiers ou les personnes dans l’indivision. Les difficultés rencontrées pour la procédure de morcellement entre les héritiers ou les associés rend le plus souvent l’exploitation des biens concernés difficile. Pour un propriétaire lambda, il n’est pas facile de lancer un projet sur une parcelle de terre dans l’indivision, même s’il possède plusieurs hectares. Quelle que soit l’autorisation auprès des autorités compétentes, comme le permis de construire, la procédure pour le forage de puits, la construction de la clôture ou encore la demande d’un crédit …, elle nécessite l’aval des autres propriétaires. Car tout autre propriétaire, même s’il est minoritaire, peut bloquer, ou du moins perturber le lancement du projet.
«Selon le Dahir des obligations et des contrats et le nouveau code des droits réels dans son article 27, nul n’est contraint de rester dans l’indivision. Un propriétaire dans l’indivision est en droit de demander dans un premier temps un partage amiable avec les autres propriétaires qui sont le plus souvent des héritiers. En cas de refus, il peut faire un recours au tribunal pour demander un règlement judiciaire», souligne Nabil Haddaji, avocat au barreau de Casablanca.
«Le plus souvent, le règlement à l’amiable n’aboutit pas facilement. En revanche, l’option judiciaire est longue et coûteuse. La procédure s’avère parfois fastidieuse, surtout pour la notification des parties prenantes qui peuvent être nombreuses. L’opération est particulièrement difficile quand l’adresse des personnes concernées est inconnue ou que ces dernières résident à l’étranger. Dans la majorité des cas, le tribunal fait appel à un expert technique pour réaliser le partage. Des contreexpertises sont aussi à prévoir qui nécessitent des frais. Entre l’instruction du dossier et l’exécution du jugement, il faut prévoir en moyenne entre deux à trois ans», explique Haddaji.
L’indivision est un handicap majeur qui impacte l’exploitation de tout bien immobilier. Même pour la vente ou la liquidation de ce bien, différentes difficultés se dressent. Par exemple, un acheteur intéressé par un titre foncier d’un bien agricole ou un bâtiment doit avoir la cession de tous les propriétaires afin qu’il puisse jouir de la totalité de ses droits, notamment celui de gestion. C’est pour cela qu’un bien dans l’indivision a une valeur marchande inférieure à sa valeur réelle.
«Il est primordial de réformer le droit foncier qui s’inspire d’un texte de loi datant de 1915. Le législateur doit prendre en considération l’évolution de l’environnement socioéconomique national. Le but est de faciliter la procédure pour les personnes qui veulent sortir de l’indivision et réduire au maximum les frais d’une telle opération. L’option judiciaire doit comporter également l’arbitrage ou la médiation afin de départager les différents protagonistes dans des délais et des coûts raisonnables», conclut Haddaji.