◆ Une baisse des prix de 10 à 15% serait salutaire pour la relance du secteur immobilier après la crise.
◆ Pour dynamiser la location, le cadre juridique encadrant les relations locataires-propriétaires doit être revu.
◆ Éclairage de Mohamed Lahlou,président-fondateur de l’Association marocaine des agents immobiliers (AMAI).
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Quel est l’impact de la crise du Covid-19 sur le secteur immobilier ?
Mohamed Lahlou : La pandémie impacte toute l’économie nationale, ses effets devraient se poursuivre au cours des mois à venir. L’impact négatif sur l’immobilier est considérable avec l’arrêt total de la plupart des chantiers, sachant que l’activité est un grand pourvoyeur d’emplois et mobilise d’importants investis- sements. Pour les agences immobilières, le rythme de travail est quasi nul. Avec le confinement, le problème de la mobilité des clients s’est posé avec acuité. En effet, une personne qui réside dans une zone, ne peut se déplacer vers une autre pour visiter un bien immobilier en vue de son achat ou de sa vente.
F.N.H. : Quelles sont vos prévisions pour l’après Covid-19?
M. L. : Depuis des années, l’immobilier souffre d’une situation défavorable du marché. En cause, un stock important qui reste à écouler. L’après confinement ne se présente pas sous de bons auspices. La situation économique en berne devrait augmenter le chômage et cela aura un effet direct sur la demande.
On recense aussi un impact psychologique dû au fait que les gens diffèrent tous leurs projets à une date ultérieure afin d’avoir plus de visibilité. D’autres conditions entrent en jeu, à l’image du rôle que devraient jouer les banques. Seront-elles plus souples en matière d’octroi de crédit ? Le taux d’intérêt s’inscrira-t-il à la baisse ou à la hausse ?
F.N.H. : Quelles sont les mesures que vous proposez pour relancer l’activité ?
M. L. : L’Etat doit consentir un effort au niveau fiscal pour donner une impulsion au secteur. A cet égard, une révision du taux d’enregistrement ou des droits de la conservation foncière s’impose. Un abattement de 50% sur les droits d’enregistrement est souhaitable. Pour leur part, les promoteurs doivent revoir à la baisse leur prix entre 10 à 15% voire 20%. Ces mesures devraient leur permettre de régler un tant soit peu leurs crédits et d’éviter de subir davantage le cumul des frais financiers. Maintenir les prix actuels ne sert pas leurs intérêts surtout avec une offre abondante de produits.
Dans l’ensemble, ces mesures devraient redynamiser le secteur. Actuellement, la logique qui prévaut est celle du redémarrage et qui doit se faire sans trop de dégâts.
F.N.H. : Quid de la location ?
M. L. : Avec cette sur-offre de biens immobiliers, les promoteurs peuvent investir le segment de la location, encore faut-il qu’ils trouvent un terrain d’entente avec les banques pour connaitre le mode de remboursement des crédits (revenus locatifs ou autres). Avec la crise, la location prendra une place prépondérante et pourra contribuer à relancer le secteur. Toutefois, il est prépondérant de renforcer la confiance entre le locataire et le propriétaire. Pour ce faire, revoir le cadre juridique s’avère d’une urgence capitale. Les textes existants ont montré leur limite. Ils ne prévoient pas, par exemple, des situations de crise sanitaire, de licenciement, d’invalidité ou de force majeure. A cet égard, il est opportun de protéger le propriétaire, tout en préservant les droits du locataire.
C’est pour cela qu’il est important de recourir à une assurance pour les loyers impayés. Cette idée, nous l’avons défendue depuis des années auprès des autorités concernées. En tant que professionnels, nous savons à quel point cette disposition est importante. Elle a fait ses preuves dans plusieurs pays pourquoi pas chez nous ? C’est un produit très intéressant pour les compagnies d’assurances et aussi pour l’Etat en matière de recettes fiscales. Vu ses atouts, il sera à coup sûr très sollicité par les propriétaires.
F.N.H. : D’aucuns pensent qu’avec la crise une chute des prix serait inévitable?
M. L. : Actuellement, la plupart des gens qui peuvent acheter sont ceux qui ont leurs propres fonds et qui n’ont pas besoin de crédit. Ce sont le plus souvent des héritiers. Il ne faut pas oublier que chez les Marocains, la terre représente toujours une valeur de refuge, une certaine assurance pour l’avenir, ce qui n’est pas le cas en Europe où la location est plus sollicitée. La demande en produits immobiliers restera toujours maintenue mais pas au même rythme qu’auparavant. Les prix seront impactés bien sûr, mais il ne faut pas s’attendre à leur chute. Ce sont là juste des hypothèses, car nous n’avons pas de visibilité. Nous ne disposons pas d’assez d’éléments pour faire une analyse du marché et lancer des projections. La conservation foncière ne donne pas d’informations concernant la valeur des transactions pour connaitre l’évolution des prix. Et le référentiel immobilier de Bank Al-Maghrib ne fournit que le nombre et pas la valeur.
F.N.H. : Quelle place la dématérialisation peut-elle jouer dans les transactions immobilières ?
M. L. : Le digital a donné des résultats encourageants pour les notaires au niveau de leur relation avec la conservation foncière et la direction de l’enregistrement.
Par contre, pour les transactions immobilières à distance, le Maroc est à la traîne. Malheureusement, nous n’avons pas la culture de conclure une transaction par vidéoconférence, qui demande, il faut le reconnaître, tout un arsenal juridique dédié. ◆