Les terrains appartenant à l’Etat permettraient de réguler le marché et contrecarrer la flambée injustifiée des prix. Certains sites peuvent servir pour les programmes soutenus par l’Etat en vue d’appliquer la stratégie du gouvernement dans le domaine.
Parmi les recommandations des dernières Assises nationales du foncier, figure le redéploiement des terrains de l’Etat. Il s’agit de les mettre à la disposition des programmes de logement soutenus par le gouvernement, notamment les segments du social et du moyen standing, la lutte contre les bidonvilles ou le recasement de l’habitat menaçant ruine.
«Gérer nos villes en surface est devenu difficile. Il faut dépasser les problèmes réglementaires et juridiques et ouvrir des perspectives pour avoir de nouvelles options comme l’ouverture du foncier public. L’Etat dispose d’une assiette foncière considérable ou de sites qui peuvent être délocalisés, comme les casernes militaires ou les terrains appartenant à des entités publiques sans aucune utilité confirmée. Des organismes comme l’ONCF ou l’ONEE possèdent des terrains de grandes surfaces inutilisées et qui ne présentent aucun besoin ni à moyen ni à long terme», souligne Mohamed Alaoui, expert en immobilier.
Une telle option permet de libérer du foncier. Des expériences de ce genre ont connu des succès retentissants.
La plus saillante est relative à la reconversion de l’ex-aéroport d’Anfa. Un terrain de 380 hectares qui a permis de donner une nouvelle impulsion urbanistique à la ville de Casablanca.
A Rabat, l’ex-parc zoologique (un terrain de 53 hectares), a servi à lancer un complexe immobilier au concept innovant. Même si ce cas a défrayé la chronique concernant les conditions d’attribution de ce marché, entre l’Etat et le groupe Addoha, du fait que l’opération a été taxée de manque de transparence et n'aurait que très peu respecté les règles de la concurrence. Il n’empêche qu’elle a permis de doper l’offre foncière dans une zone très convoitée par les promoteurs. C’est le cas aussi de la délocalisation du premier bataillon médical relevant des Forces Armées Royales, qui était installé au quartier Aïn Borja à Casablanca vers Aïn Harrouda. Le terrain d’une superficie de 12 hectares a servi pour la construction de logements de type moyen standing. Un segment où l’offre est nettement en deçà de la demande, car boudé par les promoteurs qui le jugent peu rentable.
«Le foncier public permet de réguler le marché, freiner la spéculation et contrer la flambée injustifiée des prix. C’est aussi un moyen pour exécuter la stratégie du gouvernement en la matière», affirme Alaoui.
Pour encourager l’expansion urbanistique, 276 nouvelles zones urbaines sont programmées d’une surface de 70.000 ha dédiée notamment aux grandes métropoles où la demande se fait plus ressentir. Mais la participation de l’Etat dans ces offres reste timide comparativement aux potentialités dont il dispose.
Malgré le lancement de ces nouvelles assiettes foncières, l’accompagnement pour leur viabilisation et leur homologation sur le plan administratif pose différents problèmes.
Une forte pression
Il est essentiel de revoir la règlementation et les lois en vigueur dans le domaine afin de faciliter les procédures et augmenter l’offre de terrains constructibles.
«Les schémas directeurs des grandes villes au Maroc ont été conçus, il y a un siècle, pour une population et des besoins limités. Depuis cette date, l’évolution urbanistique et démographique a tout changé. Certains sites ou locaux relevant du domaine privé de l’Etat n’ont pas vocation à exister dans le périmètre urbain. C’est le cas notamment des casernes militaires ou autres lieux publics. Il est important de les reconvertir vers d’autres usages où la communauté en a le plus besoin. Ces pratiques, essayées sous d'autres cieux, ont montré leur pertinence. Pour dégager du foncier et limiter l’extension horizontale des villes, certains pays procèdent à un redéploiement du foncier public», confirme Mohamed Amrani, professeur d’économie.
En effet, de 8% au début du 20ème siècle à 69% en 2015, le taux d’urbanisation a connu une forte expansion au Maroc. Longtemps pays foncièrement rural, malgré une longue tradition urbaine, le Maroc a connu une forte croissance de la population de ses villes, mais la politique urbanistique n’a pas accompagné adéquatement cet essor.
Pour les promoteurs, le foncier est le paramètre le plus compliqué à gérer et à trouver. Son prix représente parfois 60% du prix final du bien immobilier.
La pression sur le foncier, surtout dans les grandes agglomérations, nécessite de trouver de nouvelles pistes à cette problématique. Le foncier public se pose désormais comme une alternative fiable, encore faut-il lui réserver le cadre et les conditions adéquats.
Charaf Jaidani