Les dépenses de santé par habitant à l’échelle nationale tournent autour de 160 dollars, contre 4.000 dollars pour la France et près de 2.200 dollars pour la Turquie.
La prise en charge des soins constitue un handicap de taille pour une bonne frange de la population.
Par M. Diao
Dans un contexte en proie à la montée des pathologies chroniques (diabète, cancers, etc.), au pouvoir d’achat faible dans certains pays du Sud et aux nouvelles contraintes budgétaires, le financement des systèmes de santé constitue un sujet de premier plan. Faudrait-il rappeler que l’amélioration de l’offre d’un système de santé est étroitement liée au financement optimal qui suppose l’innovation, l’amélioration du parcours des soins et la rationalisation des dépenses de santé, tout en assurant la qualité des soins.
Le financement du système de santé est un débat récurrent à l’échelle nationale. Les données récentes montrent que du chemin reste à faire en la matière, même si des améliorations notables ont été enregistrées ces dernières années, grâce à l’engagement des différents gouvernements qui se sont succédé.
Toujours est-il que le Royaume ne consacre que 6% de son PIB au secteur de la santé. Tout l’enjeu sera de porter ce chiffre à 10%, tout en réduisant le reste à charge des ménages qui demeure encore très élevé. En effet, la contribution de l’Etat, à travers les recettes fiscales, se limite au quart des dépenses sanitaires, tandis que les ménages contribuent pour 50% et l’assurance maladie finance 22% des dépenses. Le reste à charge pour les ménages en France tourne autour de 7,5%. Pour sa part, la Turquie qui a gagné 6 ans d’espérance de vie en 12 ans, a pu diviser par deux le reste à charge qui pèse sur les ménages.
«La forte contribution des ménages à la prise en charge des soins constitue un lourd fardeau, notamment pour la population vulnérable», a rappelé récemment Anas Doukkali, ministre de la Santé, à l’occasion de la Conférence nationale sur le financement du système de santé, marquée par la présence du Chef de gouvernement, Saâd Eddine El Otmani, et deux ministres de la Santé de pays étrangers, en l’occurrence le Sénégal et la Turquie.
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Un constat mitigé
Le Maroc a réalisé d’importantes avancées en matière de santé sur certains aspects. L’espérance de vie a progressé pour atteindre 75 ans. En matière de réalisation des Objectifs du développement durable (ODD), notamment pour l’objectif 3 inhérent à la santé, le taux de réalisation est de 75%. Certains classements internationaux montrent également que le Royaume n’est mal loti par rapport aux pays à développement similaire.
Ceci dit, ces aspects positifs sont contrariés par la réalité de certaines données qui pénalisent l’offre de santé. Le pays qui dénombre 156 hôpitaux publics, ne compte que 5 CHU (dont 3 en cours de construction) et 7,1 médecins pour 10.000 habitants.
De plus, d’après Hicham Nejmi, secrétaire général du ministère de la Santé, les dépenses de santé par habitant à l’échelle nationale tournent autour de 160 dollars. Ce qui reste très faible comparativement à d’autres pays comme la Turquie ou la France, qui affichent respectivement plus de 2.200 dollars et 4.000. Cette donne remet en selle l’impératif de hâter le processus de généralisation de la couverture médicale de base.
«ll est vrai que la généralisation du Ramed a contribué à l’amélioration du taux de couverture médicale pour atteindre 62% de la population marocaine. Cependant, nous sommes tenus d’atteindre un taux de couverture de 90%, tout en assurant à la fois une meilleure accessibilité et une qualité des soins optimale», rappelle le ministre de la Santé. Et d’ajouter : «L’extension de l’assurance maladie aux travailleurs non-salariés, qui représentent 33% de la population, constitue une étape décisive vers l’atteinte de la couverture sanitaire universelle».
Soulignons enfin que dans la perspective d’atteindre les ODD et pour faire face aux enjeux précités, notamment celui-ci du financement, le Royaume s’est doté d’un Plan santé 2025. ◆
Encadré : Les pistes d’amélioration
Hicham Nejmi qui prône la remise des centres de base au cœur du système de santé et la mise en place d’agences de régulation hors ministère de la Santé est formel : «L’amélioration du financement passe entre autres, par le développement du partenariat public-privé (PPP)».
D’ailleurs, le Chef du gouvernement a rappelé lors de son allocution l’élaboration d’un projet de loi portant sur le développement du PPP dédié au financement du secteur. Le développement de l’innovation technologique (télémédecine, intelligence artificielle), et la promotion des génériques vont également dans le sens de l’optimisation des dépenses.
Rappelons tout même que l’Etat a fait l’effort d’ouvrir le secteur de la santé aux investisseurs opérant dans d’autres branches d’activité. L’objectif recherché était d’accroître les investissements captés par le système de santé. Pour l’heure, difficile de savoir si les résultats escomptés en la matière ont été atteints.