Malgré ses potentialités, le modèle marocain de production et d’exportation, destiné essentiellement à l’Europe, présente des fragilités et aurait grand intérêt à diversifier ses débouchés.
Pour ses exportations agricoles, le Maroc reste dépendant de l’Union européenne, avec une part de plus de 70% pour la tomate, le produit-phare à l’export. Le marché de l’UE absorbe, en effet, 85 % des exportations marocaines, et presque 80 % de leur valeur proviennent de la France et de l’Espagne. Certes, un accord de libre-échange encadre ces transactions, mais cette quasi-dépendance présente des risques majeurs.
L’accord de libéralisation des produits agricoles et des produits de la pêche entre le Maroc et UE est entré en vigueur le 1er octobre 2012. Cet accord consacre la règlementation restrictive que l’UE a coutume d’imposer aux produits importés du Maroc, par un renforcement des mesures de protection non tarifaires : système de quotas, calendrier d’exportation et prix d’entrée.
Pour la tomate, le Maroc bénéficie, par le biais de cet accord, d’un contingent (quotas d’export) total annuel de 240.000 tonnes, réparti d’octobre à mai, avec un prix d’entrée conventionnel (46,1 euros/100 kg) et une exonération des droits de douane. Malgré un système contraignant, les exportateurs marocains arrivent à écouler sur le marché européen des quantités bien supérieures aux quotas fixés, en dédouanant selon les normes de l’OMC.
«Mais il y a toujours un risque de voir les exportations marocaines sinon bloquées, du moins perturbées au gré de la conjoncture et parfois en ayant recours à un marchandage de notre cause nationale, une pratique employée surtout par l’Espagne. Nous avons intérêt à diversifier nos débouchés pour ne pas être à la merci du marché européen», explique Mohamed Amrani, professeur d’économie.
Pour rappel, le Maroc est le 5ème exportateur mondial de tomates. Ses exportations constituent 53 % des exportations totales de primeurs, avec une moyenne annuelle de 450.000 tonnes sur les trois dernières années, pour un montant de 3,5 Mds de DH (315 millions d’euros) par an. Ce qui constitue environ 11 % de la valeur totale des exportations des produits alimentaires.
Toutefois, le système de production de primeurs destinées à l’exportation, et particulièrement la tomate, présente un caractère intensif et productiviste dominé par la monoculture, se basant sur l’utilisation débridée de pesticides, d’engrais chimiques, de semences «sélectionnées» dans les laboratoires de multinationales, exigeant une consommation excessive d’eau.
«Il faut revoir le modèle de production des produits destinés à l’export et à leur tête les tomates, car ils sont de gros consommateurs d’eau, ce qui est néfaste pour un pays semi-aride comme le Maroc. De plus, ils utilisent de grandes quantités d’intrants comme les pesticides et les insecticides qui ont parfois un effet désastreux sur l’environnement. Le pays devrait investir de nouvelles niches à forte valeur ajoutée comme les produits bio et ceux du terroir», souligne Amrani. Malgré leurs potentialités, les exportations annuelles de produits agricoles biologiques ont constitué moins de 1% du total des exportations de primeurs sur les trois dernières années, et ont enregistré un recul d’environ 40%, passant de 8.624 tonnes exportées, durant la campagne 2010-2011, à 5.190 tonnes en 2012-2013. La tomate bio ne constitue que 12% (un peu plus de 600 tonnes comparativement aux 450.000 tonnes en production dite conventionnelle).
Par ailleurs, il faut noter qu’au terme de son accord avec l’UE, le Maroc s’est engagé à ouvrir progressivement ses frontières, sur une période de dix ans, aux exportations européennes, (sans droits de douane), pour les denrées alimentaires telles que le blé, les produits laitiers, les oeufs, les viandes et l’ensemble des produits alimentaires transformés (biscuiterie, chocolaterie et confiserie…).
Pour leur part, les quotas des principales exportations agricoles marocaines ont légèrement augmenté (tomate, clémentine, fraise, concombre, courgette et ail), mais dans le cadre restrictif d’un «contingent additionnel», du calendrier des exportations (d’octobre à mai pour les tomates), du prix minimum d’entrée et des normes sanitaires et de qualité. Et c’est pourtant ce contingent additionnel (surtout pour la tomate) qui est visé aujourd’hui par les nouvelles règles douanières européennes.
Inutile de dire que le Maroc ne tire pas assez de profit de tous ces accords, tant à l’export qu’à l’import. De façon générale, son déficit commercial à l’égard de l’Union européenne ne cesse d’augmenter pour atteindre 39% du déficit commercial global. Il est accentué essentiellement par le déficit des échanges commerciaux, notamment agricoles, dans le cadre des ALE avec l’UE.
Charaf Jaidani