Les pronostics misent sur une reprise de l’investissement au premier trimestre 2015. Le bémol est que ce dynamisme demeure corrélé à un faisceau d’incertitudes. Sous un angle structurel, l’épargne nationale, insuffisante pour couvrir les besoins de financement du pays, et les freins à l’investissement privé continuent de constituer le talon d’Achille de l’investissement global.
 Toutes les prévisions économiques de 2015, même les moins optimistes et les plus pondérées tablent sur une croissance économique plus soutenue que l’année dernière. Le Haut- commissariat au Plan (HCP) mise sur une croissance qui devrait progresser de 4,8% pour cette année. Pour sa part, Bank Al-Maghrib (BAM) affiche des pronostics plus reluisants avec un taux de croissance qui flirterait avec la barre des 5%. A en croire l’autorité monétaire, ce tonus de l’activité, en 2015, est à relier à la bonne campagne agricole qui se profile, conjuguée à une reprise des activités non-agricoles. Toutefois, la variable investissement pourrait constituer une épine dans le pied de l’activité économique même si les prévisions mettent en évidence une progression. Les raisons à cela sont à chercher au niveau des incertitudes liées à l’orientation de l’investissement public global, au degré de consolidation de l’activité de construction et à la réévaluation des stocks. Au chapitre du ventre mou de l’économie nationale, la branche du Bâtiment et des travaux publics (BTP) continue inlassablement d’afficher des signes de faiblesse amorcés depuis 2009. D’ailleurs, les experts de BAM font remarquer que l’investissement dans le secteur du BTP n’affiche toujours pas de signes probants de rétablissement en ce début d’année. Pour rappel, cette branche avait connu une progression de 1,4%, en 2013, contre 0,4% seulement pendant l’année dernière, enregistrant ainsi une réduction des productions de logements, une baisse des mises en chantier et un repli des achèvements des constructions neuves. Par ailleurs, les autres données afférentes au début de l’année, militent en faveur d’une évolution contrastée de l’investissement qui avait pourtant tiré profit du raffermissement des IDE et d’un léger frémissement au niveau de l’investissement public global en 2014.
Configuration disparate
Les importations de biens d’équipement, les investissements directs étrangers (IDE), les crédits à l’équipement et bien d’autres composantes constituent un baromètre édifiant quant à l’évolution du niveau de l’investissement du pays. Pour autant, les données fournies par la Banque centrale font état d’un faisceau d’indicateurs assez contrastés au niveau des performances. En effet, on note une stagnation des importations de biens d’équipement à fin février 2015, couplée au repli des IDE chiffré à près de 13,9%. Toujours au chapitre des baisses de régime, une contraction des crédits accordés aux promoteurs immobiliers a été relevée à janvier 2015 (-3,1%). Du reste, ces contreperformances sont contrebalancées par une progression des crédits à l’équipement (+3,9% à fin février 2015 contre 0,9% à la même période de l’année dernière). Par ailleurs, la bonne nouvelle vient du secteur industriel qui, d’après l’enquête mensuelle de conjoncture de BAM, devrait voir ses investissements progresser en raison des perspectives de hausse de la production et des ventes.Â
Epargne nationale : le parent pauvre
Outre ces données, d’un point de vue structurel, l’épargne nationale insuffisante, pour satisfaire les besoins d’investissement du pays, a été récemment pointée du doigt par la Banque africaine de développement (BAD) dans son dernier rapport portant sur les lacunes qui brident la croissance au Maroc.
L’institution financière relève la vulnérabilité de l’épargne nationale à la transmission internationale des chocs de revenus, et ce en raison de la forte dépendance des envois de fonds effectués par les MRE. A cela s’ajoute que l’instabilité temporelle des IDE ne permet guère de couvrir le gap structurel du financement de l’investissement par l’épargne. D’ailleurs, à en croire le HCP, l’épargne nationale devrait se maintenir à 25,7% du PIB, cette année, tandis que la part de l’investissement brut représenterait 31,9% du PIB. Ce qui crée de facto un besoin de financement estimé à 6,2% du PIB. Sous un autre angle, il est utile de rappeler que l’Etat, avec ses démembrements (Collectivités locales, établissements et entreprises publics), est le principal investisseur institutionnel du pays, même s’il faut souligner dans le même temps, que le taux moyen d’investissement privé demeure élevé dans le Royaume. En effet, en se basant sur le PIB par habitant, le Maroc caracole en tête des pays à revenu intermédiaire en ce qui concerne le niveau de l’investissement privé. Au demeurant, des écueils continuent de pénaliser la progression des investissements des entreprises. A ce titre, la BAD tire la sonnette d’alarme sur les taux d’intérêt réels élevés. Les collatéraux exigés pour l’octroi des crédits (parmi les plus élevés des pays émergents) et la faible concurrence dans le secteur financier constituent aussi des paramètres pénalisants pour l’investissement privé.Â
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Momar Diao