La loi sur la VEFA donne du fil à retordre aussi bien aux acquéreurs qu’aux promoteurs.
Désistement, contrat de réservation, caution, indemnités de retard, saisie conservatoire, garantie d’achèvement de travaux… tout ce qu’il faut savoir sur la VEFA.
Vos droits et obligations avec Maître Abdelatif Laamrani, Docteur en droit de l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne et avocat au Barreau de Casablanca
Finances News Hebdo : La nouvelle loi sur la VEFA permet la reconnaissance du «contrat de réservation» entre acquéreur et promoteur dès l'obtention du permis de construire. Quelles sont les conditions de ce contrat ? Les droits et devoirs de chaque partie ? Comment est-il reconnu ?
Abdelatif Laamrani : Les clauses de ce contrat sont prévues à titre indicatif dans l’article 618-3 –alinéas 1-2-3-4-5-6. L’acquéreur a désormais le droit de se désister dans un délai d’un mois à partir de la date de signature d’un contrat de réservation (article 618-3 ter de la nouvelle loi).
1- Identité des parties;
2- Domicile élu des parties;
3- Le numéro du titre foncier original du bien immobilier immatriculé objet de la construction ou les références du bien immobilier non encore ou en cours d’immatriculation; tout en précisant les droits réels y rattachés, les servitudes, les droits accessoires y afférents;
4- Date et numéro du permis de construire;
5- Localisation ou situation et description du bien immobilier en cours de construction ainsi que sa superficie approximative;
6- Prix de vente définitif du m² ainsi que les modalités de paiement ou bien prix global en ce qui concerne la VEFA de biens immobiliers destinés aux logements sociaux conformément à la législation en vigueur;
7- Délai de livraison.
F.N.H. : Si un acquéreur règle plus de 50% du montant total de la transaction, il est en droit d'obtenir une saisie conservatoire sur le titre foncier. Dans quelles conditions et quels en sont les risques ? Comment fixer et répartir les parts à payer par l'acquéreur pour protéger au mieux le promoteur ?
A. L. : Cette disposition est d’ordre public, c'est-à-dire qu’on ne peut y déroger contractuellement. Cette inscription reste dans le titre foncier jusqu’au moment où elle est transformée en inscription du droit de propriété sur le titre foncier du bien vendu.
Le risque pour le promoteur est que s’il ne livre pas à temps, s’il ne livre pas un bien conforme ou s’il ne remplit pas l’une de ses obligations légales ou contractuelles, l’acquéreur qui a déjà inscrit sa saisie conservatoire sur le titre peut engager une action judiciaire pour transformer sa saisie conservatoire en saisie exécutoire. Il pourrait même ainsi vendre les biens immobiliers objet du titre foncier pour se faire rembourser ou obliger le promoteur à livrer à temps et demander des dommages et intérêts…
Si vous parlez des versements périodiques en fonction de l’avancement des travaux, ils sont déterminés par la loi comme suit :
1- 5% lors de la signature du contrat de réservation;
2- 5% lors de la signature du contrat préliminaire;
3- 10% lors du début des travaux;
4- Les 60% restants divisés en trois versements à payer de commun accord entre les parties (fondations, gros œuvres, travaux finaux et obtention du permis d’habiter);
5- Les 20% à la remise des clefs et signature du contrat définitif.
F.N.H. : La «garantie d'achèvement des travaux» protège l'acquéreur si le projet n'aboutit pas à terme; que stipule la loi à ce sujet ? Quelles sont les garanties/cautions que doit présenter le promoteur, ou qui peuvent lui être exigées ?
A. L. : En effet, l’article 318-3 ter dispose dans l’alinéa 8 que le vendeur devrait, lors de la signature du contrat préliminaire, mentionner les références de la caution de restitution des dépôts ou versements de l’acquéreur au cas où le vendeur n’exécute pas le contrat.
Aujourd’hui, le rédacteur du contrat ne devrait en principe pas verser au vendeur les montants avancés par l’acquéreur avant que le vendeur justifie qu’il possède une caution. Cette caution peut être une garantie bancaire de bonne fin, une garantie bancaire de restitution des versements en cas d’inexécution ou une assurance. Le vendeur (promoteur) peut révoquer sa caution en cas d’obtention d’un jugement en résiliation du contrat suite au non-respect par l’acquéreur de ses engagements.
F.N.H. : L'acquéreur a la possibilité d'annuler le contrat de vente ou de demander des indemnités en cas de retard dans l'exécution des travaux ou de défaillance du promoteur. Quelles sont les règles exactes sur ce point ? Comment le promoteur peut-il s'en protéger au mieux ? Quand doit être présenté «l'échéancier» des travaux sur lesquels on se base pour déterminer le retard ?
A. L. : A noter que si l’acquéreur se désiste dans le délai légal (un mois de la signature du contrat de réservation), le vendeur devrait lui restituer la totalité de son avance dans un délai de 7 jours.
L’article 618-4 prévoit qu’en cas de résiliation du contrat de réservation ou contrat préliminaire par l’une des parties, la partie qui a souffert de cette résiliation est en droit de réclamer un montant représentant 15% des versements si les gros œuvres sont déjà réalisés et 20% si le permis d’habiter est déjà délivré.
Toutefois, la loi donne à l’acquéreur le droit de résilier le contrat sans être tenu de payer aucune «pénalité» au cas où le promoteur dépasse le délai de livraison contractuel, auquel cas l’acquéreur est en droit de réclamer une indemnité fixée à 20% des montants avancés. L’échéancier est présenté à l’acquéreur par le promoteur dès le départ à la signature du contrat de réservation, il faut qu’il ait une vision claire de l’avancement futur de son projet. La loi lui offre, toutefois, un délai de 6 mois qu'il doit notifier à l’acquéreur dans un délai d’un mois avant l’expiration du délai de terminaison prévue initialement (article 618-6 dernier alinéa).
F.N.H. : Pour le financement du promoteur, ce dernier peut recevoir une caution bancaire plus simplement sur la base des contrats de réservation. Comment cela fonctionne-t-il exactement ? Les banques jouent-elles déjà le jeu ?
A. L. : Le financement bancaire est tributaire de plusieurs paramètres qu'évalue le banquier. La caution bancaire dont il est question n’est pas liée au financement du projet, c’est une garantie de sécurité de restitution des avances à l’acquéreur…
F.N.H. : Les procédures ont été simplifiées, selon le ministère : quelles sont les nouvelles procédures/étapes à suivre pour la mise en place d'une VEFA pour un projet ?
A. L. : Le vendeur conserve ses droits et ses attributions de maître de l’ouvrage jusqu’à l’achèvement des travaux de l’immeuble. De par la loi, il résulte que le transfert de propriété du vendeur à l’acquéreur ne se fait que par l’inscription de l’acte définitif à la conservation foncière. Ainsi, le promoteur reste propriétaire de l’immeuble jusqu’au dernier moment et après réception de l’intégralité du prix de vente.
La VEFA fait l’objet d’un contrat de réservation, d’un contrat préliminaire et d’un contrat définitif.
Le contrat préliminaire de la VEFA ne peut être conclu qu’après achèvement des fondations au niveau du rez-de-chaussée (article 618-5 D.O.C.). Comme tout contrat portant sur un bien en copropriété, les actes de la VEFA doivent être dressés soit par acte authentique, soit par acte ayant date certaine dressé par un professionnel appartenant à une profession juridique et réglementée autorisé à dresser ces actes. A savoir que l’article 618-3 même du D.O.C. permet d’office aux avocats agréés près la Cour de cassation de dresser un tel acte.
Mais je pense que votre question porte plus sur les étapes et les documents qui doivent être maîtrisés par le promoteur. Ce qu’il faut savoir à ce propos, c’est que les documents qui doivent être joints au contrat préliminaire sont :
- les copies conformes des plans d'architecture ne varietur, du béton armé et du cahier des charges; et
- le certificat délivré par l'ingénieur spécialisé attestant l'achèvement des fondations de la construction au niveau du rez-de-chaussée.
Par ailleurs, le vendeur doit établir un cahier des charges de construction précisant la consistance du projet, sa désignation, la nature des prestations et des équipements de l'immeuble à réaliser et les délais de réalisation et de livraison. Le vendeur et l'acquéreur apposent leurs signatures au cahier des charges. Une copie certifiée conforme, portant la signature légalisée de l'acquéreur est délivrée à ce dernier.
Lorsque l'immeuble est immatriculé, des copies du cahier des charges, du plan d'architecture ne varietur et du règlement de copropriété, le cas échéant, doivent être déposées à la conservation foncière. Lorsque l'immeuble est non immatriculé, ces copies doivent être inscrites sur un registre spécial tenu au greffe du tribunal de première instance de la circonscription où se trouve l'immeuble et déposées auprès dudit greffe.
Propos recueillis par I. Bouhrara