La vocation internationale de Casablanca, comme hub financier, implique le renforcement de la place en un lieu privilégié de l’arbitrage continental et régional. En attendant la réforme de la Justice, une Chambre dédiée à la place financière de Casablanca a été mise en place au sein du tribunal de commerce, et une autre au niveau de la Cour d’appel. Saïd Ibrahimi, Directeur général de Casa Finance City, trouve anormal qu’à Casablanca on ait une chambre d’arbitrage, qui peut prendre des litiges impliquant des entreprises marocaines, mais dès qu’il s’agit d’entreprises à capitaux étrangers, il faut qu’elles aillent ailleurs.
Finances News Hebdo : Comment développer l’arbitrage à deux niveaux, d’abord sur le plan national tout en promouvant la place casablancaise comme hub de l’arbitrage africain ?
Saïd Ibrahimi : Notre vocation première est de promouvoir la place de Casablanca comme hub pour les investisseurs internationaux qui s’intéressent à l’Afrique. C’est vraiment notre vocation première. Cela étant dit, il y a besoin d’avoir à côté un certain nombre d’éléments concernant le Doing business ou l’environnement des affaires. Cela va de la fluidité des personnes, des capitaux, en passant par la Justice. Et sur ce point, il y a lieu de souligner que nous avons mis en place, en accord avec le ministère de la Justice qui nous appuie et nous soutient, une Chambre dédiée à la place financière de Casablanca au sein du tribunal de commerce de la métropole économique; idem au niveau de la Cour d’appel pour assurer une fluidité de traitement en cas de besoin.
Toujours en accord avec le ministère de la Justice, nous avons accompagné un certain nombre de magistrats qui sont dans ces chambres, à travers des formations spécifiques sur des métiers particuliers de la finance internationale pour qu’ils aient une bonne connaissance en la matière. De même, nous les avons accompagnés vers des places financières internationales, Dubaï et Singapour, pour ne pas les citer, pour qu’ils aient une idée concrète de ce qui se passe au niveau de ces places.
Je ne manque donc pas de souligner que nous jouissons du soutien total et d’un accompagnement complet au niveau du ministère de la Justice.
A côté de cela, il faut mettre en avant une offre pour le réglement à l’amiable, notamment l’arbitrage et la médiation, au niveau de Casablanca.
F.N.H. : Justement, tous les ingrédients sont-ils réunis ?
S. I. : Je trouve anormal aujourd’hui qu’à Casablanca on ait une chambre d’arbitrage qui peut prendre des litiges impliquant des entreprises marocaines, mais dès qu’il s’agit d’entreprises à capitaux étrangers, il faut qu’elles aillent ailleurs. Cela n’est pas normal !
Il faut que nous ayons ici un centre d’arbitrage qui soit aux normes internationales, avec le bon règlement d’arbitrage, mais également avec des arbitres internationaux reconnus. Nous en avons d’ailleurs qui ont accepté de faire partie de ce centre d’arbitrage. Ces éléments réunis, nous mettons en place une offre crédible, et à partir de ce moment, c’est sa crédibilité qui la fera promouvoir sur le plan africain en tant que tel.
Et quand nous faisons la promotion de CFC comme place financière africaine et dédiée à l’Afrique, nous mettons en avant la possibilité d’être accompagné par ce centre d’arbitrage.
F.N.H. : Cela dit, peut-on faire l’économie de la réforme de la Justice sachant que c’est un élément-clé d’amélioration du climat des affaires et une garantie de plus offerte aux investisseurs ?
S. I. : Pour reprendre ce qui a été précédemment dit, nous avons une très belle coopération avec le ministère de la Justice, qui nous accompagne totalement à travers des chambres dédiées à CFC, en attendant la réforme de la Justice. Comme en témoigne d’ailleurs la présence du ministre de la Justice et du président d’International Bar Association (IBA).
F.N.H. : L’un des intervenants au premier panel placé sous le thème «Défis et opportunités de l’arbitrage en Afrique», Julien Baubigeat, pour ne pas le citer, estime que ce triptyque investisseur, pays d’investissement et pays d’arbitrage offre un bel ingrédient et une garantie de plus aux investisseurs. Est-ce un atout que vous mettez en relief ?
S. I. : Justement, nous offrons cette possibilité d’arbitrage sur le continent, mais dans un pays autre que celui où l’investissement a eu lieu, avec des arbitres marocains et étrangers de renom; ce qui offre une garantie de plus aux investisseurs. Ces derniers peuvent chosir les arbitres et faire l’arbitrage à Casablanca.
F.N.H. : Même si vous coopérez avec de grandes structures, ces dernières sont appelées à un moment ou un autre à travailler localement avec des PME marocaines. Le fait est que ces petites structures ne recourent pas autant à ces moyens alternatifs de résolution des différends. Comment pensez-vous y remédier ?
S. I. : Nous concentrons notre travail sur les grands groupes multinationaux et africains, qui sont effectivement amenés à travailler avec des entreprises marocaines. Mais à partir du moment où ils mettent des clauses d’arbitrage, notamment du CIMAC, il n’y a aucun souci à se faire de ce point de vue.
A mon avis, si les PME ne recourent pas souvent à l’arbitrage, je pense que c’est une question de coûts supposés de ce mode de règlement. Dans ce sens, il faut promouvoir cette culture pour outrepasser ces freins au développement de la médiation et de l’arbitrage au Maroc.
Pour conclure, je suis persuadé que si nous avons de grands groupes qui initient le mouvement en optant pour la place casablancaise pour leur arbitrage, cela aura un effet d’entraînement sur Casablanca en tant que futur hub africain d’arbitrage.
S. Es-siari & I. Bouhrara