Finances News Hebdo : Quels sont les secteurs phares sur lesquels la région de Guelmim-Oued Noun peut assurer son développement ?
M’Barka Bouaida : Le plan de développement régional (PDR) que nous avons adopté au mois de novembre 2019, a identifié un certain nombre de secteurs sur lesquels l’économie de la région devrait s’appuyer pour assurer une trajectoire de croissance solide et pérenne. On peut distinguer entre les secteurs traditionnels, comme la pêche, l’agriculture et le tourisme, et les secteurs d’avenir comme les énergies renouvelables. S’agissant des secteurs traditionnels, malgré l’énorme potentiel naturel dont dispose la région dans le domaine de la pêche maritime, l’agriculture et le tourisme, les résultats en termes de création de richesse sont loin d’être satisfaisants. En effet, l’économie de la région est largement dominée par les activités tertiaires (hors tourisme) qui s’accaparent plus de la moitié de la valeur ajoutée créée au niveau de la région. L’agriculture et la pêche maritime ne représentent que 17% de la richesse créée, alors que le secteur secondaire ne produit que 13% de la valeur ajoutée au niveau régional. C’est dire à quel point les potentialités de la région sont sous-exploitées.
Si l’on prend l’exemple du tourisme, la région a hérité d’un potentiel culturel extrêmement riche et diversifié et doté d’un cadre naturel unique combinant le désert, les oasis, les reliefs, les côtes atlantiques, les embouchures des oueds et les sites de gravures rupestres qui constituent une offre touristique de grande valeur, à ce jour non valorisée. Concernant la pêche maritime, qui constituait il y a quelques années une source de richesse et de création d’emploi à l’échelle de la région mais aussi nationale, sa contribution est de plus en plus faible, alors même que les ressources halieutiques de notre littoral sont considérables. Nos efforts sont aujourd’hui orientés vers la dynamisation de ces secteurs par le renforcement des infrastructures nécessaires à leur développement, à travers la réalisation de quelques projets structurants comme la station de dessalement de Guelmim et de Tan-Tan pour élargir les périmètres irrigués, l’aménagement et le renforcement des infrastructures portuaires et l’aménagement des zones et circuits touristiques. La région table également sur les secteurs d’avenir, qui s’inscrivent dans le cadre des orientations du Royaume, comme le développement des énergies renouvelables, le développement de l’aquaculture et la promotion des industries créatives et culturelles, pour faire de ce secteur un outil d’inclusion des jeunes et de création des richesses.
F. N. H. : Quels sont les principaux défis à relever ?
M. B. : Le premier défi à relever est, à notre sens, le désenclavement de nos territoires. L’initiative de SM le Roi de réaliser la voie expresse Tiznit-Dakhla est un chantier de grande envergure, qui va dans le sens de renforcer la liaison de notre région avec les régions du Nord, mais aussi avec nos voisins du Sud. Ces efforts devraient être consolidés par le renforcement de la connectivité de la région sur le plan maritime, aérien et surtout numérique. Le deuxième défi est de rehausser notre taux de croissance économique pour répondre aux besoins des populations et libérer l’économie de la région de sa dépendance avec la dépense publique et le budget de l’Etat. Une croissance forte, inclusive et équitablement répartie sur l’ensemble de nos provinces pour faire face au problème des disparités territoriales qui, de l’avis de tous, menace notre cohésion nationale. Le troisième défi à relever est lié au climat des affaires et l’environnement des entreprises. Nous pensons que tout devrait être mis en œuvre afin d’installer un climat de confiance et de sécurité, primordial pour le développement de l’entreprise et de l’esprit entrepreneurial pratiquement inexistant dans la région. Pour atteindre cet objectif, nous devons disposer d’une administration suffisamment efficace et forte, une meilleure coordination entre les acteurs publics et privés, et des organes de contrôle qui jouent pleinement leurs rôles pour crédibiliser l’action publique.
F. N. H. : De par sa position géographique, comment cette région, considérée comme la porte du Sahara, peut-elle assurer un trait d’union entre le Nord du Royaume et les provinces sahariennes ?
M. B. : La position géographique de GuelmimOued Noun, la diversité culturelle et linguistique de ses populations et aussi religieuse par la présence de la composante juive sont autant de facteurs qui donnent à cette région une dimension singulière qui doit être mise en avant pour renforcer davantage les liens culturels entre, d’une part, les provinces du Sud et celles du Nord, mais également avec les régions africaines plus au sud.
F. N. H. : Depuis votre élection à la tête du Conseil régional, quelles ont été vos priorités et quelles sont les principales réalisations concrétisées ?
M. B. : Depuis mon arrivée dans le contexte particulier que l’on connait, j’ai donné la priorité à la poursuite des chantiers qui ont été lancés par la délégation spéciale et le wali. Il est important de rappeler que le plan de développement intégré, initié par SM le Roi en 2016, au demeurant extrêmement ambitieux sur le plan budgétaire et la nature de ses projets, a connu quelques retards que nous avons comblés, en particulier pour débloquer nos contributions financières aux différents projets et accélérer la cadence des chantiers dont nous assurons la maîtrise d’ouvrage. Aujourd’hui, nous sommes relativement satisfaits du bilan de nos réalisations en dépit de quelques obstacles qui se sont dressés et qui sont liés principalement aux problèmes du foncier, de l’insuffisance des ressources budgétaires, et parfois même à la défaillance des entreprises. Un autre chantier que nous avons initié concerne l’élaboration des documents de planification stratégique. Aujourd’hui, on peut dire que la région de Guelmim-Oued Noun est parmi les 4 ou 5 régions qui sont dotées d’un PDR et d’un SRAT (Schéma régional de l’aménagement du territoire) validés par le ministère de l’Intérieur. Nous avons aussi travaillé sur la concrétisation de ce plan de développement par l’élaboration d’un contrat-programme qui nous a pris beaucoup d’énergie et de travail. Actuellement en cours d’adoption finale, ce contrat, composé de 37 projets de développement pour un montant de 5,7 milliards de DH, est appelé à donner une forte impulsion à l’économie de la région et ses habitants.
F. N. H. : La région est passée par des moments difficiles avec le blocage politique ayant abouti à la suspension du Conseil de la région par le ministre de l’Intérieur. Cela n’a-t-il pas impacté votre stratégie de développement et votre programme d’investissement ?
M. B. : Effectivement, le blocage politique qui s’est produit durant ce premier mandat qui s’achève, était extrêmement nuisible aux efforts nationaux qui consistent à ériger la région en tant qu’acteur de premier plan dans les domaines économiques et sociaux. Le blocage a retardé l’élaboration et la mise en œuvre de notre stratégie de développement économique, et s’est transformé en un blocage économique étant donné que la région est fortement dépendante de la dépense publique. Il s’en est suivi une forte détérioration du climat des affaires, une absence de visibilité et un discrédit de la classe politique locale aux yeux des citoyens. Ceci dit, la prise en main des affaires de la région par la délégation spéciale, présidée par le wali, a permis de rattraper le retard accusé dans la réalisation de certains projets dans le cadre du programme du PDI (programme de développement intégré) et du PRDTS (Programme de réduction des disparités territoriales et sociales). Depuis notre arrivée au mois de juillet 2019, nous avons tout mis en œuvre pour débloquer la situation en accélérant notre plan d’investissement. Rien que dans le cadre du programme du PRDTS, nous avons dépensé plus de 240 millions de dirhams dans la réalisation de projets extrêmement importants pour les populations locales.