Fatema Marouane, ministre de l'Artisanat et de l'Economie sociale et solidaire : Un bilan plutôt positif

Fatema Marouane, ministre de l'Artisanat et de l'Economie sociale et solidaire : Un bilan plutôt positif

FatimaLe secteur de l’artisanat connaît une réelle dynamique, qui a permis de faire émerger de grandes potentialités.

Fatema Marouane, ministre de l'Artisanat et de l'Economie sociale et solidaire, dresse le bilan de la Vision 2015 pour le développement de l’artisanat, qui est dans sa dernière ligne droite.

Finances News Hebdo : La Vision 2015 pour le développement de l’artisanat est dans sa dernière ligne droite. Où en êtes-vous dans sa mise en oeuvre ?

Fatema Marouane :  L’artisanat à fort contenu culturel a connu un tournant historique grâce à la Vision 2015, dont le contrat-programme a été signé le 20 février 2007, sous la présidence effective de SM le Roi Mohammed VI. Ceci a permis les réalisa­tions chiffrées suivantes :

• création d’une valeur ajoutée supplémentaire de 5,6 milliards de DH entre 2007 et 2013, soit un taux de réalisation de 140%, 2 ans avant l’échéance;

• création de 20,2 milliards de DH de chiffre d’affaires en 2013, soit un taux de réalisation de l’objectif de 84%, deux ans avant l’échéance;

• création de près de 830 PME à fin 2014, soit une multiplication de l’objectif par plus de 2,5 fois (avant l’échéance);

• sélection de 16 acteurs de référence (ADR), en deux vagues, qui jouent le rôle de locomotives, l’objectif était entre 15 à 20 ADR;

• création de 53.000 emplois additionnels dans le secteur, avec 2,2% comme taux d’accroissement annuel de l’emploi de l’artisanat sur 2006-2013, qui correspond à un taux d’évolution positif, vu la conjoncture économique difficile.

• formation de 29.198 lauréats de la formation pro­fessionnelle dans le secteur à fin 2014;

• formation continue de 19.000 artisans sur la période 2008-2014 (72.421 hommes jours forma­tion, 10.340 HJF / an), soit un taux de réalisation de plus 100%;

• élaboration de 16 Plans de développement régio­nals de l'artisanat (DRA) (au lieu des 6 prévus dans la Vision), dont 8 PDRA signés et 8 en cours de finalisation;

• alphabétisation fonctionnelle de 30.022 bénéfi­ciaires, activité non prévue par la Vision 2015, ce qui constitue un gain supplémentaire pour le secteur et une valeur ajoutée inestimable.

Sans oublier les réalisations qui concernent les chan­tiers opérationnels du ministère, à savoir :

• l’amélioration de la qualité du produit par la création de normes, de labels et de marques de certification collectives (plus de 183 sur la période 2007 – 2014);

• la création et la mise à disposition des acteurs du secteur, d’infrastructures de production et de com­mercialisation adaptées (villages d’artisans, com­plexes intégrés, espaces d’exposition – vente, zones d’activités artisanales, Dar Sanâa, centres d’appui techniques, etc). Au total, une centaine d’infrastruc­tures, tous types confondus, ont été créées sur la période 2007 – 2015, sans compter les ensembles artisanaux qui existaient avant cette période;

• la préservation des métiers menacés de disparition : sur 40 métiers recensés, 18 métiers ont été transcris en utilisant les techniques modernes de multimédia (marqueterie de Fès, céramique de Meknès, reliure-dorure, selles brodées, damasquinerie, zellige de Tétouan, feutrage, cuir excisé, armurerie tradition­nelle, maroquinerie de Taghazout, …). Ces métiers font actuellement l’objet de modules de formation enseignés dans nos centres de formation profes­sionnels;

• la promotion et l’appui à la commercialisation : la Maison de l’Artisan, établissement public sous tutelle du ministère est chargée de la promotion de l’artisa­nat marocain au Maroc et à l’étranger. Nos produits sont présents dans les salons professionnels, dans les manifestations commerciales au Maroc et à l’étranger ou encore lors des semaines marocaines à l’étranger organisées en collaboration avec nos ambassades ou à travers les réseaux de distribution importants à l’étranger. Grâce à la participation à ces foires, de nombreux opérateurs du secteur ont pu améliorer leurs structures et atteindre un rythme de croissance important;

• la formation professionnelle dans le secteur avec ses trois composantes, résidentielle, par apprentis­sage et continue, est un volet extrêmement impor­tant de la stratégie. Des centres de formation (CFA) de nouvelle génération ont été créés, l’ingénierie de formation a connu une nette amélioration, la forma­tion des formateurs occupe une place importante, et des unités mobiles ont été dédiées à la formation continue des artisans des régions rurales éloignées, etc.

F.N.H. : Allez-vous atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés dans les délais ?

F. M. : On peut dire qu’aujourd’hui, on assiste à une nette évolution du secteur de l’artisanat. Cette transformation a créé une dynamique qui a permis de faire émerger de grandes potentialités, et pourra mener l’artisanat vers une belle destinée et surtout viser l’excellence. Il n’est pas inutile de rappeler qu’une bonne partie des objectifs de la Vision 2015 sont, soit déjà atteints avant l’échéance même (tels que la valeur ajoutée, le nombre de PME et d’ADR, le nombre de PDRA, le nombre de bénéficiaires de la formation continue), soit en bonne évolution tels que le chiffre d’affaires par exemple. Globalement, on peut dire que le bilan est plutôt positif bien que d’autres objectifs tels que l’emploi et la formation ini­tiale avancent lentement, mais sûrement. En ce qui concerne les exportations, l’expérience a montré que l’objectif de les multiplier par 10 à l’horizon 2015, c'est-à-dire en 8 ans, paraît irréaliste (elles étaient de 700 MDH en 2005), car l’artisanat n’est pas un secteur de production de masse, et son marché principal et naturel est le marché national.

Par ailleurs, la crise économique qui a touché les principaux partenaires économiques du Maroc a affecté les exportations.

F.N.H. : Quels sont les maillons faibles qui continuent de freiner l’essor de l’artisanat marocain ?

F. M. : Le secteur et son évolution sont régulière­ment analysés et évalués, ce qui nous permet de relever que des difficultés existent au niveau de la production de masse (les commandes sont parfois bien supérieures aux capacités de production indivi­duelles des acteurs) et que les capacités d’investis­sement sont limitées.

Bien connaître le secteur nous permet d’agir dans le sens de la consolidation des atouts et de la reduction des faiblesses.

F.N.H. : Les exportations de produits d’artisa­nat sont en net recul. A quoi peut-on imputer ce constat ? Quelles sont les actions que vous comptez entreprendre pour redresser cette tendance baissière ?

F. M. : En dehors des raisons avancées plus haut, il faut rappeler que beaucoup d’autres facteurs inter­viennent sur lesquels nous n’avons pas forcément de prise.

Forts de l’expérience acquise tout au long de l’exécution de cette stratégie, j’ai bon espoir que les exportations s’amélioreront d’autant que nous axons nos efforts sur l’exigence de qualité et de l’excellence. Mais nous ne devons pas perdre de vue que le produit de l’artisanat est plus adapté à la consommation locale avec ses exigences de qualité bien entendu.

Cependant, nous avons noté un début de reprise des exportations en 2014, qui ont augmenté de plus de 14% par rapport à l’année 2013. Nous espérons que cette nouvelle tendance va continuer dans le temps et devenir structurelle. Dans cette optique, nous oeuvrons tous ensemble, institutions (ministère, MDA, Chambres d’artisanat) et professionnels (PME, TPE, Fédération des entreprises de l’artisanat), pour améliorer davantage la qualité de l’offre Maroc, pénétrer de nouveaux marchés et trouver l’accès aux grandes chaînes de distribution.

F.N.H. : La stratégie prévoit, entre autres, une batterie de mesures pour accompagner les artisans individuels. Ces mesures ont-elles été déployées ?

F. M. : Les mono-artisans sont la pièce maîtresse de la Vision 2015 sur laquelle repose toute la stra­tégie dont l’objectif, en ce qui les concerne, est de veiller à améliorer leurs conditions de travail et, in fine, pérenniser et augmenter leurs revenus. Pour ce faire, le ministère a :

• créé des infrastructures dédiées à la production et à la commercialisation des produits artisanaux que ce soit en milieu urbain (villages d’artisans, com­plexes intégrés, espaces d’exposition-vente, zones d’activités, …), ou rural (Dar Sanâa);

• veillé à l’amélioration de leur production en termes de design et de techniques de production (plusieurs études techniques réalisées pour la résolution de problématiques techniques liées à l’exercice du métier);

• encouragé la création de groupements d’artisans, ce qui leur permet de bénéficier d’équipements dans différentes filières du secteur ainsi que des centres d’appui techniques avec des équipements collectifs;

• signé des conventions avec des banques et des associations de microcrédits, ce qui a débouché sur la mise en place de nouveaux produits bancaires et de microcrédits plus adaptés aux capacités finan­cières des artisans;

• mis en oeuvre des plans promotionnels régionaux qui incluent plusieurs axes, essentiellement l’orga­nisation de foires de commercialisation régionales, l’édition de supports promotionnels sur l’artisanat régional;

• accordé un intérêt particulier à la couverture sociale des artisans. Ceci a donné lieu à un travail concerté avec les autres parties concernées pour la mise en place d’un produit adapté: chantier national qui se traite au niveau d’une commission interministérielle, sous la présidence du Chef du gouvernement, et qui est en cours de finalisation du produit final;

• élaboré et mis en oeuvre une stratégie de label­lisation cohérente pour pénétrer durablement les marchés ciblés (plus de 183 normes et marques de certification collectives ont été réalisées durant la période 2007-2014). Actuellement, nous sommes dans la phase de certification des acteurs qui s’ins­criront aux normes et labels mis en place ;

• procédé à la formation continue des mono-artisans urbains et ruraux (à travers les unités mobiles de formation);

• a mis en place un programme d’alphabétisation fonctionnelle des artisans (plus de 30.000 bénéfi­ciaires sur la période 2011-2013). Actuellement, un nouveau programme d’AF de 2.000 bénéficiaires est en cours de mise en oeuvre.

Economie solidaire et sociale : 14.000 coopératives en activité

Selon Fatima Marouane, «L’économie sociale et solidaire, qui regroupe les activités économiques à finalité sociale, occupe une place de plus en plus importante dans l’économie nationale, et de par sa particularité transversale, peut toucher l’ensemble des activités humaines, dans le cadre de ses différentes composantes, notamment les coopératives, les associations et les mutuelles. L’objectif de ces dernières est de contribuer au développement et à l’insertion par l’activité économique, ainsi que de lutter contre la pauvreté, l’exclusion et la marginalisation.

En effet, le tissu de l’économie sociale et solidaire au Maroc a connu une évolution soutenue au cours de la dernière décennie. Il compte aujourd’hui environ 14.000 coopératives, encadrant presque 500.000 hommes et femmes, plus de 118.000 associations, et plus d’une cinquantaine de mutuelles. Ces structures oeuvrent dans différents domaines d’activité (agriculture, artisanat, pêche, habitat, alphabétisa­tion, commerce, tourisme, couverture médicale, assurance, services à la personne, services à l’entreprise, …) et couvrent tout le territoire national, y compris les zones reculées.

Pour accompagner cette dynamique, le ministère de l’Artisanat et de l’Economie sociale et solidaire a lancé plusieurs chantiers d’ordre réglementaire, organisationnel et promotionnel, dont les principales opérations se déclinent comme suit :

-adoption de la loi n°112. 12 relative aux coopératives, publiée au Bulletin Officiel n°6318 du 18 décembre 2014, qui permettra à ces entités de devenir des entreprises structurées et compétitives;

-signature le 18 juin 2015 d’un accord de coopération technique avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) portant sur l’élaboration, pour la première fois dans notre pays, d’une loi-cadre de l’économie sociale et soli­daire, qui aspire à donner plus de visibilité aux acteurs et intervenants dans ce sec­teur et de disposer d’un cadre juridique favorable à son développement;

-étude et mise en place d’un projet de loi visant à réglementer et organiser le secteur du commerce équitable et mettre en place des labels spécifiques à ce commerce au profit des petits producteurs de biens et services.

Dans un autre volet, le ministère procède à l’appui de la commercialisation des produits solidaires, par l’organisation de salons nationaux, régionaux, ainsi que des marchés itinérants. Il favorise aussi l’émergence des initiatives locales à travers les plans régionaux de développement de l’économie sociale et solidaire, ce programme a connu le lancement de 14 PDERSS dont 8 études achevées.

Propos recueillis par L Boumahrou

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