La croissance des entreprises technologiques tranche avec le manque des profils recherchés.
Les entreprises les plus touchées sont celles évoluant dans les domaines du développement des applications mobiles et de l’offshoring.
Par Momar Diao
Au Maroc, les entreprises technologiques constituent généralement des modèles de réussite (croissance à deux chiffres, performances à l’export, innovation, etc.). Et pourtant, bon nombre d’entre elles éprouvent des difficultés à recruter des ingénieurs, des managers et des techniciens.
«Notre entreprise est en pleine croissance. Notre seule difficulté a trait au recrutement d’un personnel de qualité et bien formé», confie Siham Elmejjad, Directrice générale de 2WLS.
Ce constat est partagé par Youssef El Alaoui, cofondateur de Mobiblanc et vice-président de la Fédération des technologies de l'information, de télécommunication et de l'offshoring (Apebi). «Nous souffrons énormément de la pénurie des ressources humaines», concède-t-il, tout en précisant que les entreprises les plus touchées sont celles évoluant dans les domaines du développement des applications mobiles et de l’offshoring.
Faute de ressources humaines suffisantes, certaines sociétés d’offshoring se gardent de se lancer dans de nouveaux projets. Le cofondateur de Mobiblanc relie cette situation, pour le moins préjudiciable à l’essor des entreprises technologiques, à plusieurs facteurs. Tout d’abord, le Royaume ne formerait pas suffisamment d’ingénieurs par an (autour de 8.000 contre 15.000 pour la Tunisie).
Ensuite, il subsiste un appel d’air émanant des pays européens, notamment la France qui attire de plus en plus les ingénieurs marocains. Pour rappel, l’Hexagone a mis en place la French Tech, une initiative lancée en 2013 afin de favoriser l'émergence de start-up françaises performantes.
La contre-offensive
Plusieurs initiatives montrent qu’il existe une réelle volonté à l’échelle nationale de stopper l’hémorragie. L’Institut national des postes et télécommunications (INPT) a lancé l’initiative «Go Digital By INPT», qui se base sur trois piliers : la formation des leaders de demain dans le domaine du numérique, le soutien du développement de l’écosystème numérique, et le maintien de l’école dans une dynamique de transformation pérenne.
En effet, sept nouvelles filières d’ingénieurs ont été mises en place entre autres, dans les domaines des sciences de données, la cyber-sécurité, la confiance numérique et le cloud IoT.
L’Apebi œuvre également pour inverser la tendance. «Doter le pays de ressources humaines suffisantes est le cheval de bataille de notre association, qui a conclu récemment un accord avec l’Anapec», précise-t-on du côté de l’Apebi, impliquée dans l’implémentation de la Stratégie nationale dédiée au digital. Rappelons que l’association et l’Anapec ont lancé le Certificat de qualification professionnelle (CQP) destiné aux titulaires d’un Bac+3 scientifique ambitionnant de devenir des développeurs en nouvelles technologies numériques.
Le CQP est une formation pré-embauche de 960 heures en mode alternance (cours et entreprise). L’objectif est de former, à terme, près de 6.000 jeunes sur l’ensemble du territoire national.
L’autre axe de collaboration entre les deux entités est la facilitation du recrutement des ingénieurs informatiques (Bac+5) issus des autres pays africains, notamment le Cameroun pour les secteurs sous tension en matière de recrutement.
Sortir de l’impasse
«Empêcher l’expatriation des ingénieurs marocains qui souhaitent s’installer dans les pays européens, est impossible dans un monde ouvert», concède notre interlocuteur, qui reconnaît l’impératif de bâtir des conditions suffisamment attrayantes pour retenir sur place les ingénieurs marocains.
A ce titre, l’Agence de développement du digital (ADD) a un rôle important à jouer pour l’accélération de la cadence de l’implémentation des projets structurants (intelligence artificielle, Big data, e-gov, etc.), susceptibles d’intéresser les profils nationaux pointus.
Les entreprises marocaines doivent également jouer leur partition en améliorant leur gestion RH, tout en proposant aux recrues informatiques un plan de carrière intéressant, avec un système de motivation innovant (stock-options, salaires confortables, etc.).
Sauf que pour les professionnels, ce prérequis tardera à se concrétiser puisque beaucoup d’entreprises technologiques manquent encore de visibilité quant au timing de la réalisation des projets structurants de l’Etat en matière numérique. Ceux-ci suggèrent d’ailleurs de hâter le rythme d’exécution du programme e-gov (dématérialisation des procédures et des relations entre les administrations), un gisement de croissance pour les entreprises. ◆