La philosophie de l’APDN a évolué. Au départ, le Maroc adoptait une seule orientation basée sur l’éradication, car elle est préconisée au niveau international. Ce qui explique que les premiers programmes de reconversion n’ont pas abouti. Les cultures alternatives ne constituent pas une solution définitive au problème, mais elles sont une voie parmi un ensemble de pistes.
La philosophie de l’APDN a évolué. Au départ, le Maroc adoptait une seule orientation basée sur l’éradication, car elle est préconisée au niveau international. Ce qui explique que les premiers programmes de reconversion n’ont pas abouti. Les cultures alternatives ne constituent pas une solution définitive au problème, mais elles sont une voie parmi un ensemble de pistes. L’Agence a adopté une approche de développement intégré, car le taux de pauvreté dépasse en moyenne les 23% dans la région du Nord. «Tout ce que faisait l’Agence en matière de reconversion était voué à l’échec, car il n’y avait pas un environnement favorable de développement, notamment l’insuffisance des infrastructures de base», indique Benomar. Le cannabis est le fruit d’une culture qui est pratiquée dans la clandestinité, dont le produit fini est destiné essentiellement à l’export. Il y a cinq ou six intermédiaires entre le producteur local et le consommateur. «Il y a un déphasage important entre le prix à la production et celui à la consommation qui peut être multiplié par dix au niveau national, et par 20 ou trente à l’international», explique Benomar. En effet, lors d’une bonne récolte, l’exploitant ne peut générer au mieux que 40.000 DH/hectare dans la région de Ketama. Un revenu, certes élevé par rapport à d’autres cultures, notamment les céréales, mais qui reste insuffisant pour subvenir aux besoins des fellahs qui ont un niveau de natalité très élevé, plus de 6,5% contre 2,2% pour la moyenne nationale. Dans un foyer de 8 personnes, 40.000 DH reste un revenu modeste. Par ailleurs, le Nord est défavorisé par l’existence du régime khalifien, ce qui explique la faible pénétration de la conservation foncière. Les exploitations dépassent rarement un hectare. Ce morcellement rend difficile les projets de reconversion. «La demande du kif et la facilité de sa commercialisation ont poussé plusieurs personnes a délaisser les autres cultures. On a remarqué que les nouvelles générations ne savent cultiver que le kif. C’est la seule culture qui assure un tel revenu à l’hectare», explique Benomar.
Apiculture, ovins, caprins, arboriculture, etc...
Dans sa nouvelle approche, l’APDN a favorisé les coopératives pour développer de nouvelles activités génératrices de revenus. Ce sont des activités complémentaires comme l’apiculture, l’élevage ovin, caprin ou l’arboriculture. «Il y a eu des expériences réussies, mais nous avons constaté beaucoup de contraintes, notamment une certaine résistance de la part de la population qui boycottait la formation et la collaboration», explique notre interlocuteur. Pour les cultures, les filières qui ont du succès comme l’oléiculture ont besoin de pas moins de 10 ans pour devenir rentables, alors que le cycle du cannabis ne dépasse pas les 5 mois. D’autres filières comme l’ovin ou le caprin n’ont pas réussi. «L’exploitant vend son bétail acquis grâce aux projets de développement pour retourner au kif. Parfois, les bêtes sont immolées pour être consommées», rapporte Benomar, amusé. Toujours est-il que l’APDN continue d’investir beaucoup de pistes pour le développement de la micro-exploitation, à l’image des champignons ou du kharoubier, aussi bien de production que de collecte. Certaines activités ont donné des résultats encourageants comme l’artisanat ou les produits de terroir. Des projets ont été développés avec le ministère de l’Artisanat et la coopération espagnole qui ont abouti à la mise en place de catalogues espagnols. Des programmes de formation ont été déclinés pour les artisans, surtout dans la filière cuir. «Nous avons créé un village d’artisans au niveau d’Al Hoceima. C’est un créneau intéressant qui à un potentiel à l’export, mais qui reste perturbé par des contraintes de commercialisation. Les produits de terroir comme le fromage de Chaouen, le couscous ou la confiture sont également confrontés à ces contraintes», affirme Benomar.
L’écotourisme : un créneau porteur
L’écotourisme est parmi les activités les plus en vogue et les plus réussies dans le Nord. La diversité naturelle et culturelle de la région est un garant de sa réussite. «Il y a plusieurs gîtes touristiques qui sont créés, dont les initiateurs sont des anciens exploitants de cannabis. Leur activité leur assure un revenu décent leur permettant d’oublier la culture du kif et ses problèmes», indique Benomar. En effet, ces projets ciblent les touristes qui cherchent un dépaysement total en pleine nature. Et la région du Rif, notamment centrale, leur offre des paysages à couper le souffle. Des offres-produits simples, écologiques, à des prix compétitifs, inspirées du mode vie de la population locale (hébergement et restauration à la marocaine) existent. Chaque région dans le Nord dispose de ses propres particularités et de ses propres atouts. Mais le Rif reste fortement pénalisé par la faiblesse des infrastructures de base et le manque d’accompagnement des autorités concernées.
Charaf Jaidani & Amine Elkadiri